[BLEAU] Reconstruire schéma d’aménagement touristique pour mieux organiser l’accueil et faire face au futur label Unesco

A la TL²B, on aime bien dire les choses comme elles sont ! Il y a presque 10 ans nous avions notamment consacré un gros dossier à l'analyse du SCOT et du PADD du Pays de Fontainebleau remettant parfois en cause les engagements pris pour l'accueil des touristes. En effet, le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale ) est un outil permettant la mise en œuvre par nos élus et représentants locaux d'une véritable stratégie territoriale inscrite dans un document d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Cette stratégie fait ensuite l'objet d'un PADD (qui n'a rien à voir avec celui des grimpeurs), c'est à dire d'un Plan d'aménagement et de développement durable. Force est de constater qu'aujourd'hui tout le monde est s’accorde sur le fait que le réseau actuel d’accueil des touristes, consommateurs de nature ou de séjours pour découvrir le patrimoine forestier, ne correspond plus aux besoins de la fréquentation actuelle du massif, ni à son augmentation future et prévisible notamment en cas d'obtention du label UNESCO. Pascal Villebeuf, notre éco-respondant revient sur le sujet...

Amis de la Forêt, ONF, structures départementales d’accueil du tourisme, élus, tout le monde semble d'accord mais rien n'a vraiment bougé ces 10 dernières années. Et pourtant, il y a urgence. 

Barbizon, la porte d'entrée nord de la Forêt de Fontainebleau est déjà surfréquentée
Barbizon, la porte d'entrée nord de la Forêt de Fontainebleau est déjà surfréquentée



A Provins, quand la ville fût classée au patrimoine de l’Unesco en 2001, on constata une augmentation de plus de 20% de fréquentation touristique. Et à l’époque les réseaux sociaux n’étaient pas développés. Pour faire face à cette future nouvelle pression touristique à Fontainebleau, il semble donc indispensable de mettre au point un véritable schéma d’aménagement touristique pour la forêt. Pour essayer d’éviter notamment une grande concentration des visiteurs à seulement quelques endroits. Et surtout éviter la banalisation d’un massif exceptionnel, déjà menacé et souvent souillé. Un pari difficile. 
L’ONF vient d’ailleurs de créer un groupe de travail spécialisé à ce sujet et plus large que le Fodex (assemblée du label Forêt d’exception). « L’étude sera sûrement lancée en 2022. Il s’agit de mieux répartir l’accueil du public aux différentes entrées de la forêt » confie Alexandre Butin, responsable territorial de l’ONF. On sait, d’après une enquête Seine-et-Marne Tourisme (2014) que le massif accueille entre 3 et 10 millions de visites par an. On y dénombre 86% de français, dont 65% d’habitants des communes voisines. C’est l’un des sites les plus visités en Europe. Malheureusement on ne peut pas dire que l’accueil d’une telle masse de visiteurs soit bien organisé. 

Le site international d'escalade du Bas Cuvier est surfréquenté
Le site international d'escalade du Bas Cuvier est surfréquenté
dès les premiers beaux jours du Printemps. Heureusement, une grande partie des blocs
qui se trouve dans la Réserve Biologique reste peu partiquée



Actuellement, deux entrées de forêt sont les plus fréquentées au nord du massif, en arrivant notamment de Paris par l’Autoroute A6, ou même de l’agglomération Melunaise. D’un côté le site de Barbizon, avec la désormais célèbre Allée des Vaches, le site de la caverne des Brigands et un peu au dessus les Gorges d’Apremont. 
De l’autre, non loin de là, le site des Gorges de Franchard, le lieu le plus fréquenté du massif (entre 1000 et 5000 visiteurs pendant les week-ends aux beaux jours.) Justement, en 2011 le Conseil Général inaugure à Franchard, le premier centre d’écotourisme d’Ile-de-France. Coût : 1,9 million d’euros. Un projet qui a été préféré à la rénovation de l’auberge de Franchard, pourtant très réputée, mais squattée puis vandalisée par un incendie. A l’époque, le vice-président du département, chargé du tourisme, Lionel Walker explique le pourquoi de cette création : « Le site de Franchard accueille à lui seul un million de visiteurs par an. Nous voulons réguler ce flux en accueillant les promeneurs et en les guidant vers d’autres sites à visiter en forêt et dans les communes du bornage. » 


À cette époque, certains élus espèrent encore s’appuyer sur le réseau des Maisons du bornage, une association qui a par exemple créé la Maison des Insectes à PONTHIERRY ou la péniche Clématite à Veneux. Ce réseau fût un échec cuisant. Échec dans la réalisation des missions et objectifs du fait de l'organisation et échec financier !! A Franchard le défi était ambitieux (voir notre dossier): mieux guider des visiteurs qui viennent passer 2 heures à Franchard et les inciter à reprendre leur voiture pour aller voir ailleurs. L’idée était intéressante mais a aussi échoué. De plus, quelques années plus tard, le parking des Gorges de Franchard fût réaménagé et agrandi. Ce qui accentue la concentration des visiteurs sur place. A l’époque, certains membres de l’Association des Amis de la Forêt suggéraient de créer une équipe d’écogardes, qui seraient présents sur les grands sites, pour guider le public. Une idée qui reste toujours d’actualité, même si un groupe de 30 bénévoles, formés par l’ONF, jouent pour l’instant une partie de ce rôle depuis l’été 2020. Mais ils ne sont pas assermentés !

En attendant, le Fodex et son comité de pilotage réfléchit sur un nouveau schéma d’accueil touristique en forêt. Une des pistes intéressantes suivies consiste à réfléchir sur l’identification et la valorisation d’autres entrées touristiques pour le massif, comme l’explique Bertrand Dehelly, président des Amis de la Forêt. « Dans ce sens, nous avons demandé à l’ONF de réfléchir à des parkings mieux répartis partout en forêt, notamment dans le sud. Par exemple en forêt de la Commanderie (Larchant-Villiers-sous-Grez-Nemours). Autre idée : se servir de certaines maisons forestières, comme accueil du public. « Celle de Bourron Marlotte est intéressante. Car on y trouve à côté un des seuls bivouacs de la forêt (NDLR : celui de Bois-Le-Roi devrait être prochainement supprimé). Et il existe deux parkings à proximité. » 
Jusqu’à voilà encore quelques semaines, l’ONF semblait plus préoccupé de se débarrasser de certaines de ces maisons forestières, que de penser à une réutilisation servant la forêt. Comme celle située à la porte d’Avon (déjà vendue 500 000 euros pour une future résidence sociale étudiante). D’autres étaient à vendre à Macherin, porte de Maintenon, etc. Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau et président du Fodex, nous a annoncé cette semaine que la ville avait lancé « une opération d’achat prioritaire sur une demi douzaine de ces maisons forestière. Plus précisément, nous avons demandé à l’ONF de nous laisser la priorité pour en acheter quelques unes. » C’est ainsi qu’elle vient déjà d’acquérir celle de La porte de Maintenon, située au bord de la D606, en face de l’entrée ouest du château de Fontainebleau. Coût : 140 000 euros. Une réflexion va permettre d’étudier le cas de celle située au carrefour du Grand Veneur. Autre point stratégique. Plus au sud, un ancien site hôtelier au Coquibus, insalubre et à l’abandon, serait un lieu idéal pour l’accueil du massif des Trois Pignons. Mais il n’est pas à vendre. Quant à la petite maison de la Justice de Noisy, elle est bien trop petite et déjà situé dans un secteur très fréquenté.

Pour l’instant, il existe un déséquilibre entre la fréquentation touristique du nord du massif et celle que l’on baptise la partie la plus méridionale. Hormis le site qui jouxte la commune de Noisy-sur-Ecole (le trop fameux site des sables blancs du Cul du Chien, surfréquenté) point de parking ou de porte d’accueil idéale ailleurs. Progrès quand même pour l’information du public, la nouvelle carte IGN de la forêt de Fontainebleau, qui vient de paraître, avec l’aide des AFF indique tous les parkings du massif, petits et grands. 

A Barbizon, le nouveau maire, Gérard Taponat, piaffe d’impatience et d’idées. «Nous avons l’ambition d’être la porte d’entrée Ouest du massif, avec la création d’une Base aventure. Cette dernière proposera des offres de randonnée, d’escalade ou de vélo tout terrain à louer. Pour éviter le camping sauvage, deux dortoirs de 6 couchages seront aménagés. On pourra aussi y laver son linge. » Mais où sera aménagé cette Base? « Nous sommes en négociation avec les propriétaires du Bobo Club, la discothèque située à l’entrée de l’allée des Vaches. Il s’agit de retrouver l’ancienne architecture du bâtiment. Le projet sera soutenu par la Région. »



A Larchant, le maire, Vincent Mevel souhaite avancer dans son partenariat avec l’Office des Forêts, pour mieux accueillir le public. « Nous allons d’abord mieux organiser et créer les circuits touristiques. D’ici 2022, nous allons créer un sentier VTT, un autre pour la pratique du vélo familial, qui permettra de relier les villages environnants à Larchant. Car actuellement nous rencontrons des problèmes de tension entre vététistes qui fréquentent les chemins étroits et les piétons, sans compter l’érosion que cela provoque. Des chemins balisés seront réservés aux cavaliers. » 

Concernant les parkings, là aussi des améliorations sont à prévoir. « Le parking du site rocheux de l’Eléphant a été revu. Un bivouac serait le bienvenu à l’arrière de ce dernier. On a l’eau et l’électricité à proximité. Celui du Bois d'hiver sera revu pour que les bus puissent y faire demi-jour. En revanche, il serait souhaitable que le parking situé de l’autre côté de la route, face à l’auberge de la Dame Jouanne soit agrandi. Beaucoup de promeneurs et grimpeurs l’utilisent. Et souvent il déborde sur les bords de route. C’est dangereux. Enfin, nous venons de signer, en septembre, une convention avec l’ONF, afin que la commune puisse aider à l’entretien des sentiers. » 

Bivouacs sauvages à Franchard Isatis
Bivouacs sauvages à Franchard Isatis
Grégoire Clouzeau, ancien président du COSIROC (Comité de défense des sites et rochers d’escalades) et rédacteur en chef de La Tribune Libre de Fontainebleau, connaît bien le dossier accueil du public. Il livre ses clés pour l’avenir. « Jusqu’à présent, on a favorisé le tourisme d’affaires et haut de gamme. On avait oublié la mode du slow tourisme, du tourisme écologique. Il faut d’abord multiplier les parkings, pour mieux répartir la pression touristique et les éloigner du cœur de la forêt. Dans le cas de Franchard, le parking devrait plutôt être parallèle à la route qu'au pied des rochers et surtout, il faut repousser le stationnement ces camping car et vans en dehors de la forêt. Il y a aussi par exemple les problèmes de stationnement à côté du rocher de la Salamandre et de Bouligny. Quant à l’accès au secteur du Coquibus, à partir de Milly, il est compliqué et le parking est trop étroit... A Noisy-sur-Ecole, il faut absolument trouver des solutions pour faire face aux afflux massifs des promeneurs ou varappeurs, notamment le week-end. » 

Grégoire Clouzeau redoute aussi l’arrivée trop massive de touristes. « C’est pour cela que j’étais contre le statut de Parc National. Et je suis aussi défavorable au label Unesco. L’accueil des promeneurs ou des pratiquants de certaines disciplines doit respecter un fragile équilibre, entre utilisation du massif et protection de la nature. » 

Alors quelle solution miracle ? Frédéric Valletoux précise son idée concernant l’achat des maisons forestières. « L’idée est de créer un réseau de maisons d’accueil des touristes a plusieurs entrées de la forêt, pour mieux canaliser et guider les touristes. Il faut réfléchir à qui en confier la gestion, pour une bonne optimisation de ce réseau. » Concernant Franchard, une étude est en cours pour redonner du lustre et mieux organiser l’accueil des touristes. Les AFF suggèrent que les bénévoles formés par l’ONF accueillent les visiteurs à partir du parking, que l’arboretum soit mis en valeur et mieux indiqué à partir du parking. L’un des enjeux majeurs du réaménagement de Franchard, c’est la restauration de ses panoramas historiques. Ils sont loin les fameux déserts que l’on retrouvent sur des cartes postales du début du 20 ème siècle. Le pin sylvestre a tout envahi, dénaturant l’intérêt du site. 

Les Gorges de Franchard en 1905
Les Gorges de Franchard en 1905

Et parallèlement sauvegarder et restaurer la gorge de la Roche qui Pleure, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Face à la pression touristique qui ne cesse d’augmenter depuis trente ans, la forêt de Fontainebleau peut-elle encore rester une forêt dite à résonance écologique ou alors une simple forêt péri-urbaine de plus ? Ce que l’on constate avec les dégâts causés par certains utilisateurs comme les VTT : des pistes sauvages créées n’importe où et même dans les réserves biologiques, des chaos rocheux dénaturés par une sur fréquentation des varappeurs insouciants : blocs maculés de magnésie, prises cassées en cascade, disparition de la biodiversité par des piétinements incessants. Pour ce dernier cas, des Bleausards (les grimpeurs de Fontainebleau) essayent de faire passer une charte de bonne conduite. Sans réelle efficacité pour l’instant. Dans tous les cas, ce sont les bénévoles qui agissent le plus à la préservation de la forêt que se soit contre les déchets ou l'érosion par exemple. Pour les VTT, l’ONF parle d’une mise en place, enfin, d’une réglementation. Mais avec quelles interdictions ? Et quelle application ? Personnellement je n’y crois pas. A l’ONF de prendre ses responsabilités.



Pascal Villebeuf

Reporter et spécialiste de la forêt de Fontainebleau depuis 1984
Coordinateur de chantiers de lutte contre les plantes invasives

Résumé des actions à venir :
- Réguler et mieux organiser l’afflux des touristes dans les gorges de Franchard, voilà un défi important dans la mise en place d’un nouveau schéma d’accueil des touristes en forêt de Fontainebleau.
- Du côté nord du massif, à Barbizon, la mairie veut organiser l’accueil du public en aménageant une structure du côté de l’Allée des Vaches.
- La maison forestière de Maintenon est la première à être rachetée par la mairie de Fontainebleau, pour 140 000 euros. Elle devrait faire partie d’un réseau d’accueil des touristes.
- les dégâts à l’intégrité et la biodiversité dûs aux excès de nombreux vététistes, devront être stoppés et leur circulation réglementée. Sinon la forêt de Fontainebleau ne sera plus qu’une banale forêt périurbaine de plus.
- Le réaménagement de l’accueil des touristes aux Gorges de Franchard est indispensable pour ne pas sacrifier ce lieu symbolique. La roche qui Pleure doit être sous haute surveillance. Ce site doit être rénové et interdit plusieurs années, pour une reconquête des sols. Des coupes paysagères seront indispensables pour retrouver les vues d’antan.

Les Gorges de Franchard en 1920
Les Gorges de Franchard en 1920


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