Le GUMS avec le soutien de Mountain Wilderness s'oppose officiellement à l'utilisation de la magnésie à Fontainebleau

Voilà quelques années, voir quelques décennies, que l'utilisation de la magnésie, tout particulièrement à Fontainebleau, fait débat. A la TL²B, nous militons depuis longtemps pour un usage modéré et respectueux et un brossage avec des outils doux et adaptés. Mais la très forte fréquentation de nos cailloux par un public élevé en salles artificielles et aux bassines de poudre blanche en accès libre additionné à des visiteurs de moins en moins sensible à la pollution visuelle créée par la poudre blanche, fait s'élever de plus en plus de voix pour sa limitation en forêt. 

Nous avions relayé l'excellent article de Guillaume Blanc sur la tribologie et ou dénoncé l'article "anti-magnésie" paru en Belgique. Traditionnellement, à Bleau, jusqu'au début des années 80, on utilisait un "Pof", une boule de chiffon dans laquelle sont emprisonnés des cristaux de colophane dont nous vous parlions ici (fabrication du pof) et là (utilisation)Nous avertissons régulièrement sur cette menace dans notre rubrique magnésie (et on vous invite à relire cet article d'Oleg d'urgence !) 
Dernier épisode en date, le Groupe Universitaire de Montagne et de Ski (GUMS-Paris), soutenu par la très sérieuse ONG Mountain Wilderness, prône une pratique durable de l'escalade sans magnésie (entre autres). Pour ce faire, le club a rédigé un argumentaire (ci-dessous) et démarre une campagne pour tenter de convaincre la communauté en commençant par les différents clubs de pratiquants de la région parisienne.


Respectons notre terrain de jeu ! 
Pour une pratique durable de l’escalade en forêt de Fontainebleau 
GUMS, janvier 2016 

L’escalade fonctionne grâce à l’adhérence des pieds et des mains. Celle-ci est maximale quand le rocher est rugueux, et diminue quand il est plus lisse. Le grès qui constitue les blocs de la forêt de Fontainebleau permet une adhérence forte en raison des micro­aspérités constitués par l’agglomération des grains de sable propre à cette roche. Le revers de la médaille étant que la surface rugueuse du rocher est très sensible à l’action mécanique d’abrasion : un chausson garni de terre ou de sable va briser les rugosités, qui vont faire place, rapidement, au gré des passages, à un rocher poli. Or grimper sur une surface lisse est beaucoup moins plaisant, voire impossible. Les blocs s’usent ainsi à grande vitesse compte tenu de la fréquentation croissante de la forêt, et du comportement des grimpeurs qui ignorent les pratiques de l’escalade « durable. » 

Prise de pied détériorée, Rubis sur l'Ongle, G Clouzeau
Prise de pied détériorée, Rubis sur l'Ongle, G Clouzeau

Pourquoi il faut bien s’essuyer les pieds sur un chiffon propre ?

Grimper avec des chaussons sales, garnis de terre ou pire, de sable, provoque une usure accélérée des prises de pieds sur les blocs. Il faut donc prévoir en plus du crash­pad un bout de tapis brosse et un chiffon pour bien essuyer et nettoyer les semelles de ses chaussons avant de s’aventurer sur un bloc. Les générations suivantes de grimpeurs vous remercieront, mais également vous­ même, car il est plus plaisant de grimper avec une bonne adhérence des pieds, ce qui n’est pas le cas quand ils sont souillés de sable, qui agit alors comme des roulements à billes, en plus d’éroder le rocher. 


Pourquoi il faut limiter le brossage des prises ?

Des grimpeurs, en particulier de haut niveau, utilisent de la magnésie tout en brossant les prises après usage. Ils sont certes peu nombreux, mais le brossage mécanique peut avoir un effet abrasif sur le grès, surtout si la brosse contient des grains de sable après avoir traîné par terre… Il serait plus respectueux de notre terrain de jeu d’éviter tout adjuvant (voir ci­-dessous), plutôt que de brosser après usage. 

NdTL2B : C'est un point sur lequel nous demandons une véritable expérimentation et l'usage de brosses adaptées. 

Pourquoi il ne faut plus utiliser de magnésie à Bleau ?

C’est moche 
Les blocs de grès qui font l’attractivité de la forêt de Fontainebleau (et pas seulement des grimpeurs) sont de plus en plus souillés de tâches blanches. Tous les promeneurs, randonneurs, cavaliers, VTT­istes, ramasseurs de champignons, etc qui parcourent la forêt été comme hiver l’ont remarqué : qu’est-­ce que c’est que cette nouvelle lubie des grimpeurs de dégueulasser ces beaux rochers avec leurs grosses traînées de poudre blanche? Quel manque de savoir-vivre, quelle marque d’égoïsme vraiment bien à la hauteur du gougnafier qui abandonne ses papiers gras en pleine nature ! Et dire qu’on pensait les grimpeurs préoccupés du respect de leur environnement : quelle erreur ! Les grimpeurs traitent ces sites exceptionnels façonnés pendant des millénaires comme si c’était leur salle de gym particulière, consommable et jetable après usage. 



C’est sale 
Oui, sale pas seulement visuellement : sur le principe, déposer en abondance un produit chimique, quel qu’il soit, dans un milieu naturel, c’est une pollution. Dans le cas de la magnésie, le problème s’accroît du fait que cette pollution a toutes les chances de modifier la surface du grès, au moins physiquement. En effet, contrairement a ce qui est souvent prétendu, la magnésie ne part pas à l’eau (il suffit d’ailleurs de se balader parmi les blocs pour s’en convaincre). Bien sûr, une partie est lessivée mécaniquement, mais ce qui reste absorbe l’eau pour former une pâte, puis un ciment qui obture la porosité du grès. Rien de surprenant : la magnésie est précisément utilisée par les grimpeurs pour sa capacité à absorber l’eau ! Cette pâte va obturer les micro­aspérités du grès, celles qui lui donne précisément ses qualités adhérentes. On peut dire que de toutes façons, l’escalade des blocs elle­-même les abîme, fatalement, et que la patine évidente de certains anciens circuits est la preuve d’une altération sans doute plus flagrante que les dommages de la magnésie. C’est vrai, bien sûr, mais il y a une grosse différence : pour préserver les blocs de toute altération, pas d’autre moyen que d’arrêter complètement de grimper dessus ; et alors à quoi bon? Alors que pour les préserver de la magnésie, c’est d’une simplicité enfantine, il suffit d’arrêter d’en mettre : un si gros sacrifice, vraiment ? 

C’est inutile 
Oui, vous avez bien lu : la magnésie ne sert à rien. 
Revenons aux fondamentaux. Les grimpeurs utilisent la magnésie pour se sécher les mains quand ils transpirent. Or, dans la grande majorité des cas quand on grimpe à Bleau, il fait moins de 20°C (souvent beaucoup moins si on veut vraiment des bonnes conditions d’adhérence… et de tranquillité). On pratique une activité physique, certes, mais pas du tout intensive comme le pourrait être la course à pied ou le vélo, et donc on ne transpire pas, ou très peu, sauf si on utilise de la magnésie qui déplace l’équilibre hydrique de la peau (voir plus bas) ! Si l’on veut grimper quand il fait chaud, pourquoi pas, mais alors il faut accepter de ne pas être alors au top de sa performance, et garder les ‘projets’ ambitieux pour des jours plus propices (les journées à plus de 20°C du matin au soir restent quand même plutôt rares sous nos latitudes). Alors pourquoi donc voit­-on des grimpeurs à Bleau, quelle que soit la saison, se tartiner de magnésie matin, midi et soir (et tartiner le rocher par la même occasion) ? Parce que la magnésie est addictive, littéralement. Si on a l’habitude d’en mettre, on ne peut plus s’en passer, quelles que soient les circonstances. D’une part à cause d’un effet psychologique (on se sent tout nu quand on n’a pas son petit sac miracle), mais surtout par un effet physiologique : plus vous cherchez à assécher votre peau par cet artifice chimique, plus votre organisme va réagir, et chercher à compenser l’assèchement… en transpirant ! Donc il ne faut pas s’étonner si les grimpeurs habitués à la magnésie transpirent plus, et sont forcés de remettre une couche de poudre dès que l’effet de la première s’estompe. 

Prise de mains détériorée, Rubis sur l'Ongle, G Clouzeau
Prise de mains détériorée par la magnésie, Rubis sur l'Ongle, G Clouzeau


C’est un cercle vicieux ! 
Une seule solution : ne pas commencer (ou arrêter durablement). Vous verrez qu’après une petite période inconfortable, on s’y fait rapidement très bien. Vous allez dire : on n’est pas tous égaux, certains transpirent beaucoup, même par temps froid. C’est vrai, mais ça ne change rien : à moyen terme, la magnésie ne va faire qu’aggraver leur problème. Pourtant, il existe un moyen incroyablement simple de se sécher les mains : les essuyer (sur le t­shirt, sur le chiffon, etc…). Efficace, simple, renouvelable à l’infini ou presque…. 

C’est contraire à une éthique épurée de l’escalade 
Les prises deviennent marquées car toutes blanches, et quand les prises sont cachées, de grands traits de magnésie sont tracés pour les indiquer... Le grimpeur n’a plus besoin de chercher les prises cachées, de tâtonner le rocher : la tâche lui est ainsi facilitée ! 

C’est irrespectueux 
La tradition bleausarde a très longtemps été hostile à la magnésie. Certes, toute tradition n’est pas bonne à préserver en soi, et elle ne préjuge en rien de sa rationalité. Mais il faut quand même avoir bien à l’esprit que de nombreux bleausards, jeunes ou moins jeunes, en particulier parmi les plus actifs dans l’entretien et la préservation des circuits d’escalades, et de la forêt au sens large, non seulement s’abstiennent de tout usage de magnésie mais pensent que son utilisation est un problème qu’il faudrait régler. Et s’il y a des divergences sur les solutions à adopter (interdiction totale, incitation à la modération, obligation de nettoyer en partant…), tous ces habitués de la forêt sont d’accord pour dire qu’il y a actuellement (beaucoup) trop de magnésie à Bleau. Venir avec son sac de poudre (parfois énorme et débordant de partout), c’est déjà marquer un manque total de respect pour ceux­-là, mais aussi pour les prédécesseurs, ouvreurs de circuits, etc. 

C’est bafouer une coutume locale. 
Que penseriez­-vous d’un grimpeur français qui, parce qu’il trouve que c’est plus pratique, plus sûr et que ça se fait chez nous, irait spiter une voie mythique du Peak District ou de l’Ile de Skye? Ou irait utiliser des pitons et des coinceurs métalliques en Bohême? C’est le même inacceptable manque de respect envers le ‘mode de grimpe’ local. Que pensez-­vous du grimpeur norvégien qui sèche le grès de l’Isatis (roche fragile à la déshydratation rapide par la chaleur) au réchaud ? 

Visuellement pas très agréable pour les autres visiteurs...


C’est dangereux 
Oui, c’est dangereux, pour les grimpeurs. Pas à cause des prises rendues glissantes, non (encore que… voir l’étude ci­-dessous), mais parce qu’à force de ne pas respecter la conservation du milieu naturel autant que possible dans l’état où nous l’avons trouvé, les propriétaires du terrain de jeu (pour tous les sites de la forêt de Fontainebleau et des Trois Pignons, il s’agit de l’ONF) peuvent un jour décider que trop c’est trop, et que l’activité des grimpeurs est une nuisance pour la forêt. 
Et interdire purement et simplement l’escalade, par exemple sur certains sites emblématiques de par leur fréquentation (Isatis, Bas­Cuvier, Roche aux Sabots, …). Ça peut paraître de la science-fiction. Ça l’est sûrement à l’heure actuelle. Mais ces choses­-là peuvent aller très vite : question de lobbying politique, de personnalité des responsables qui peuvent changer, de mesures spectaculaires à prendre dans le cadre de la modification d’un statut d’une zone emblématique… 
Difficile de faire des prédictions. Ce qui est sûr, c’est que plus les grimpeurs pourront prouver qu’ils sont attachés à la préservation du patrimoine rocheux bleausard, et qu’ils font des démarches actives dans ce sens, plus ils seront en position de force pour négocier le maintien d’un accès libre à tous les sites. Et moins ils afficheront, au vu de tous les autres usagers de la forêt, leur mépris pour l’harmonie visuelle de ce cadre unique au monde, moins les autorités légitimes (ONF, communautés locales, Man and Biosphère, etc…) seront tentées de restreindre leur liberté. 


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5 commentaires :

  1. Eternel débat. L'exemple devrait commencer dans les salles d'escalade mais aussi dans beaucoup de topos où la schizophrénie est reine.
    "Evitez de mettre de la magnésie et n'oublier pas de brosser" avec en arrière plan des grimpeurs aux mains pleines de poudre. Vraiment très fort !

    On retrouve les mêmes en fôret qui s'en mettent jusqu'au coude et qui gueule à tout bout de champ et malheureusement ils sont devenus légions.

    Bleau, un site fabuleux qui est devenu une véritable poubelle à ciel ouvert autant au sol que sur les rochers.

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  2. Passage au Vieux-Campeur il y a quelques temps : je voulais un sachet de pof. Il n'y en avait que d'énormes pots. Le vendeur me propose... de la magnésie, je m'étonne, je sors les habituels arguments. Réponse : ridicule tout ça, la magnésie n'a jamais abimé un bloc... Bref, tant que le commerce ne jouera pas le jeu...

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    1. Bonjour et merci pour ce commentaire édifiant. Il démontre aussi le niveau de compétence et formation du dit vendeur de la dite enseigne. Mais on aurait sans doute le même discours ailleurs. Ceci dit rappelons que la colophane est une spécialité locale bannie dans la plupart des sites de blocs de la planète et qu'elle ne détruit pas le rocher mais le couvre d'une couche difficilement alternance une fois durcie et polie.

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  3. Les forts grimpeurs qui croitent ont aussi leurs part de responsabilités.

    Quand on voit la vidéo de Nalle HuKataival pour prendre un exemple parmi d'autres croiter l'alchimiste et que l'on voit le paquet de magnésie sur les prises, on est en droit de se poser des questions.
    Il suffit de comparer cette vidéo à celle ou Marc le menestrel le réalise (sans magnésie)et on voit bien qu'il y a un hic quelque part.

    Utiliser de la magnésie par temps très chaud pourquoi pas, mais avec modération ,mais en dessous de 25-30°C c'est une hérésie.

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  4. combat d'arriere banc de vieux grincheux, à qui ont a piqué leur terrain de jeu.

    ben oui le monde évolue et on peut s'étonner que MW s'occupe de ce detail alors que cette forêt cherche à resister à l'assaut de millions de visiteurs que l'on acceuille avec de mégas parkings, une information de protection du site sous dimensionnée, pas de toilette seche, des circuits d'escalade peinturlurés à gogos ce qui correspond à parcourir les blocs, des topos papier web français etranger dans des zones fragiles, des campeurs là où il n'en faudrait pas, etc ...... ça fait des années qu'on rabache le sujet .... y a t il un seul grimpeur qui s'est vu prendre une prune pour celà?

    vous demandez "une véritable expérimentation et l'usage de brosses adaptées."
    mais à qui ?

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