Il y a presque 10 ans, dans le magazine
Grimper, Greg Clouzeau publiait une Tribune intitulée, ‘
le changement, c’est maintenant’ à propos des grands rassemblements internationaux de grimpeurs en sites naturels. Puis, nous en avions remis quelques couches à propos des festivals d’escalade à Melloblocco, Annot, Kerlouan (
voir cet article de 2013) ou Bleau pour ne citer que ceux liés à la pratique du bloc… car nous pensons que malgré leur aspect festif et super conviviaux, ces évènements, ont un impact significatif sur les sites naturels où ils se déroulent mais aussi sur la planète… Nous avions quand même salué les efforts des organisateurs lors des derniers rassemblements à Bleau pour minimiser ces atteintes à l’environnement. Puis il y a eu la Covid, les confinements, les déconfinements et leurs cortèges d'incivilités citadines en forêt de Fontainebleau... Alors quand on a appris qu’en mai prochain, les Trois Pignons allaient accueillir un Festival de l’escalade durable porté par la ville de Milly, on a eu les poils qui se sont dressés d'un coup et ce d’autant plus que l’évènement s’accompagne d’une compétition en forêt ! A l’heure du développement du slow tourisme, à l’heure où nombre de grimpeurs et sportifs s’interrogent sur leur pratique, leur bilan carbone et leur impact sur l’environnement, on s’est interrogé sur la pertinence d’une telle manifestation.
Donc, commençons par l’annonce. "La première édition du Festival de l’escalade de bloc durable aura lieu du 6 au 8 mai 2022 à Milly-la-Forêt. Vous pourrez y découvrir des exposants, des initiations en intérieur et extérieur, des conférences sur la pratique et l’évolution de l’escalade de blocs, une bourse d’échanges de matériels, une soirée autour d’un DJ. Tout au long du week-end, vous pourrez assister à des ateliers de préparation physique ou de bien-être,…et, ami(e)s grimpeurs, une compétition aura lieu en forêt." Là, il y a déjà quelques bleausards qui ont tiqué sévèrement. Alors quand ils sont allés voir sur le site du festival et qu’ils ont lu cet appel des organisateurs : « Venez vous challenger sur notre compétition en milieu naturel aménagé ! » Et, un peu plus bas, « sur un nouveau secteur avec de nouvelles lignes en forêt de Fontainebleau ». Là, nous avons carrément buggé ! Forcément , bon nombre d’entre-nous étaient déjà grimpeurs au milieu des années 80.
A cette époque, les premières compétitions internationales en extérieur avaient été prétexte à bien des dérives avec en point d’orgue celle de Biot, en Haute Savoie, en juin 1987, où le paysage, le rocher et l’éthique en avait pris un sérieux coup ! Ici, plusieurs zones avaient été déboisées pour dégager la vue des spectateurs et médias. Ensuite, le rocher avait lui aussi fait les frais de cette compétition où bon nombre de prises ont été taillées pour permettre l'ouverture de voies sur mesure. Enfin, ne parlons pas des déchets laissés sur place ou de l'accélération de l'érosion des sols. Des adaptations imposées pour les besoins des publicitaires qui ont largement démontrer les limites du genre compétition en site naturelle sans pour autant marquer leur abandon.
Les plus anciens bleausards se rappelleront aussi sans doute des célèbres 24 h de BLEAU qui étaient organisées par la FSGT et qui se courraient en équipe ou du triathlon de Larchant dont la 26ème édition a été annulée en 2020 après 32 ans d’existence. Nous nous étions aussi très longuement interrogés sur l’impact environnemental des rassemblements à Bleau organisés par une célèbre boisson à partir de 2016 avant de dresser
un bilan plutôt positif des éditions ayant eut lieu au Cul de Chien et au Cuvier (nous avons occulté celui organisé à Buthiers sans grandes conséquences non plus et celui des Gorges d’Apremont qui finalement n’aura engendré qu’un peu plus d’érosion sur ce site déjà bien malade !) Seul, le "cirque" autour des finales et l’usage un peu abusif de la magnésie accompagné d’un brossage intensif ont soulevé quelques inquiétudes sur le polissage des prises.
Comme nous le rappelait Jacky, lors de la première édition, ce type de manifestation est une évolution inévitable de notre pratique à l'heure du rapprochement vers l'olympisme. ''Donc mieux vaut accepter de participer à son organisation en maîtrisant ce qui peut l'être, que de subir.'' Et franchement, tant l'organisateur que le staff avaient à cœur de faire respecter le site tout en faisant découvrir les joies de Bleau à un public plus habitué à la résine.
Donc à propos de la compétition à venir et sans dévoiler toutes les informations dont nous disposons pour préserver l'esprit sportif, les organisateurs se veulent rassurant vis à vis des défenseurs de Bleau en leur disant que le secteur a été choisi dans le cadre d’un protocole très particulier. En effet, et c’est une première qui mérite d’être souligné, un diagnostic environnemental complet (ceci dit, ce n'est que le respect d'une obligation pour une forêt classée Natura 2000 et
comme le rappelait l'ONF en 2017) sera fait avant brossage au printemps, choix des blocs est fait de sorte à proposer un cheminement logique et délimité en limitant les "errances" qui augmentent l'érosion (bouclage sur les zones à préserver). Par ailleurs, il sera mis en place d'un protocole annuel de suivi avec des prélèvements de mousses et lichens et la pose de nichoirs. Durant la manifestation, le nombre de compétiteurs sera limité lors des inscriptions mais aussi, il n’y aura pas d'amplification sonore, pas de "village" ou "tente" sur le site d'escalade, pas d'invitation au spectacle de la finale (elle sera retransmise dans la salle des fêtes) et les compétiteurs et encadrants seront transportés par navette. La remise des prix se fera donc à Milly-la-Forêt où sont regroupé toutes les autres activités du Festival !
D'après l'organisation, ce nouveau secteur de bloc a vocation, à court et à moyen terme, à servir de laboratoire sur les effets de la fréquentation. Dès que possible les organisateurs aimeraient mettre des compteurs pour mieux quantifier les données. En bref, cette compétition n'est pas un spectacle en forêt, mais une rencontre sportive comme de nombreuses autres déjà existantes, mais avec plus de suivi. Pour ceux que ça intéressent, les
informations sont sur le site du festival.
Donc, est-ce que l’on cautionne ce nouveau rendez-vous ?
Et bien non !
Si l'on est plutôt favorable à la tenue d'un tel Festival à Milly-la-Forêt, tant pour la transmission des bonnes pratiques que pour les conférences et ateliers, il ne nous semble pas opportun d'en faire une compétition et d'attirer encore plus de grimpeurs en forêt alors que leur accueil dans de bonnes conditions posent toujours de très gros problèmes (stationnement, érosion, déchets, hébergement...)
Mais surtout, ce type de festival en appel d'autres et ils sont en général fait pour perdurer dans le temps. Inévitablement cela devient un business ! Si l'on autorise ça en escalade à Bleau, pourquoi et comment l'interdire aux vététistes et autres sports nature ? Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps (2015), le projet de Salon international du VTT à Fontainebleau avant que les organisateurs y renoncent face à
l'opposition de nombreuses associations.
Ces six associations signataires sont : l’Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau, le Coderando 77, Les Sylvains randonneurs, France Nature Environnement 77, le Cosiroc et les AFF rappelaient notamment dans le bulletin de l'AFF que "
les compétitions sportives de grande ampleur organisées par des sociétés à caractère commercial qui pourraient se prolonger en forêt, comme celles envisagées par Amaury Sport Organisation, nous paraissent inacceptables." (
voir le texte intégrale)
Donc pour nous, ce type de compétition n'a pas sa place à Fontainebleau ou dans les sites naturels en général. Sans anticiper sur les débats lors du Festival, nous estimons que la forêt de Fontainebleau reçoit déjà beaucoup trop de visites par rapport à sa capacité de stationnement et d’hébergement. Outre les déchets et la pollution visuelle liée à la magnésie sur certains secteurs, l'érosion engendrée par des millions de passages nécessite des moyens colossaux pour préserver ce site naturel classé aussi prestigieux que fragile. Nous sommes toujours plus nombreux à signaler chaque année des incivilités caractérisées (camping sauvage prolongé, feux de camp, déchets, stationnement dangereux...) sans que pour autant l'ONF reçoivent plus de moyens pour surveiller la forêt le week-end. La ville de Fontainebleau avec l'ONF devraient mettre en œuvre rapidement la constitution d'un nouveau réseaux d'accueil des touristes avec le rachats des anciennes maisons forestières.
Bref, si l’enjeu est de laisser des sites naturels d’escalade intacts pour les générations de grimpeurs à venir, comme le soulignaient les organisateurs, une compétition d'escalade n'est certainement pas la solution...
Quant au débat proposé, "Y-a-t 'il trop de grimpeurs en forêt", il nous semble que la question est mal posée ou au moins, maladroite ! La réponse est forcément oui, mais seulement sur une dizaine de semaines dans l'année. Mais surtout, la question induit un distinguo malsain entre les grimpeurs et les autres visiteurs. Stigmatiser une pratique vis à vis d'une autre n'est jamais la solution. On le voit bien avec les débats qui opposent depuis des décennies vététistes et randonneurs sur le partage des sentiers bleus Denecourt. Encore une fois, à la TL²B nous sommes fondamentalement opposés à une mise sous cloche de certains secteurs de la forêt en dehors des RBI existantes. Il nous parait donc important d'une part que les grimpeurs se prennent enfin en mains et changent leurs comportements, d'autre part que les pouvoirs publics au sens large, prennent leurs responsabilités et se donnent les moyens d'organiser l'accueil des visiteurs dans l'ensemble du Pays de Fontainebleau sur les trois départements 78, 77 et 91... C'est loin d'être gagné vu les ambitions politiques des uns et des autres !
Renseignements sur le site du Festival
En tous cas, nous validons le reste de la communication du Festival sur une pratique durable ! Normal, il n'y a rien de nouveau versus les différentes chartes publiées ici même depuis 2009... Toutefois, cette communication nous paraît mise à mal par l'aménagement du site pour les besoins de la compétition. En effet, même si ce secteur communal était déjà fréquenté y compris par quelques grimpeurs, même si quelques précautions ont bien été prises (inventaire de la flore, cheminement délimité, etc.) il nous a semblé que le déboisement du sommet de la butte est un peu sévère mais surtout que le retrait des rares témoignages historiques de la guerre de 1870 n'était pas nécessaire. Ces éléments seront remplacés par des installation aux normes 2022, nous a communiqué l'organisation... Ok, mais on ose espérer que l'échelle à crinolines n'a pas été bazardée mais qu'elle sera mise en valeur à Milly ou dans un musée de la région ! Par ailleurs, plusieurs blocs du sites cachent des gravures préhistoriques. Rien d'exceptionnel certes, mais dans le genre RESPECT, cela fait vraiment tâche.
UNE PRATIQUE DURABLE
La forêt n'est pas une
salle d'escalade, elle est fragile et doit être protégée.
Comment pratiquer l'escalade de bloc durable ? Quelles sont les bonnes
pratiques à adopter ?
Protégeons les sols et le rocher
Soulevons
nos crashpads pour les déplacer ◉
En forêt,
restons sur les chemins pour limiter l'érosion et ménager faune et flore. ◉
Participons
à des travaux d'aménagement anti érosion ◉
- ◉ Nettoyons nos chaussons, le sable érode le rocher et diminue
l'adhérence.
- ◉ Ne grimpons pas sur rocher humide ou en l'ayant séché
artificiellement.
- ◉ Ne taillons pas et n'améliorons pas les prises, brossons
délicatement.
Protégeons la forêt et sa biodiversité
Ne
grimpons pas de nuit, un peu de répit pour la faune ◉
En forêt,
écoutons les oiseaux plutôt que la musique ◉
N'allumons
ni feu ni flamme en forêt, 40 HT brûlent chaque année. ◉
◉ Ne laissons aucun déchet en forêt : pas de papier, plastiques,
épluchures, déjections.
◉ La magnésie pollue, n'en abusons pas et nettoyons après en
avoir utilisée.
◉ Maîtrisons nos chiens, rappel ou laisse.
Soyons les
sentinelles de la forêt et les acteurs de sa conservation !
Avez-vous lu ces articles ?
Escalade durable ? mais ça veut dire quoi au juste ?
RépondreSupprimerPour commencer que viens faire l'escalade aux jeux olympique?
C'é(tait) une activité à part, marginale qui est devenu une soupe aseptisé pour Mr tout le monde.
C'est un mode de vie , une activité qui est à la base lié au dépassement de soi ou à la découverte de soi même et non du qui grimpe le plus fort qui va le plus vite sur ces affreuses prises en plastique durable ....et maintenant en pleine nature . ben voyons.
L'essence même de l'activité à complétement été dénaturé. Il est loin "Le manifeste des 19" qui dénonçaient déja les dérives de la compétition et nombreux sont les retournements de veste qui ont suivi tout ça pour faire corps avec l'époque, qu'il faut évoluer bref... un long débat qui a déja eu lieu dans ces instances.
Regroupement en pleine nature pour faire quoi au juste ...Tout saloper derrière comme je l'ai vu de nombreuses fois ... Rester en salle ou bien jouer là discretos . Les m'as tu, les gueulards sans cause on en voit de plus en plus et ça dessert complétement l'activité . Et Bleau n'a pas besoin de ces rassemblements ridicule qui sous vernis de convivialité cache quelquechose de plus profond ....
Triste époque
pas grand chose, juste des mots à la mode... comme bio mit à toutes les " sources " car il a bien un type un jour qui va nous inventer l'eau cent pour cent bio et l'air véritablement bio. Pour le bla bla quasi inutile, ceux qui sont pour, iront peut être, ceux qui sont contre n'iront pas. Ce n'est pas compliqué. C'est la vie !
RépondreSupprimerquel dommage et quel dérive de notre sport pur et libre...on voit l'influence néfaste des salles d'escalade sur les sites naturels et là on vient mettre la salle au milieu de la foret triste....l'autre jour, we de paques, de passage à la gorge aux chats, j'écoute un grimpeur qui dit à ses potes: de toutes façon quand tout sera patiné et abimé, c'est pas grave, on ouvrira d'autres lignes...c'est ça qui comprennent pas les vieux! (...) tout est dit, et moi je redis triste!
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