Bivouacs et abris de carriers, un patrimoine en péril


Après l'article de la semaine dernière sur les carrières et les carriers de Bleau, il nous faut évoquer le patrimoine qu'ils ont laissé derrière eux et tout particulièrement les abris. 
On en profitera pour parler aussi (un peu) des bivouacs des randonneurs et alpinistes mais rappelons dès maintenant, que ces lieux sont aussi fragiles que dangereux. 
Nous ne donnons pas leur localisation afin d'éviter toute dégradation ultérieure. Merci de les respecter...








Sur les lieux de leurs chantiers, les carriers se construisaient des cahutes en pierre ou en bois. Si celles en bois ont toutes disparues, les abris de pierres sont encore bien visibles. Ils pouvaient avoir différentes formes, suivant la fonction que l’on voulait leur donner. On peut trouver trois types de constructions sur les sites :
- les abris sous roche non fermés, (type auvents),
- les abris sous roche fermés de repos,
- les loges pour longs séjours.

Exceptionnel abris de carriers de la forêt de Fontainebleau en pierres sèches
Exceptionnel abris de carriers de la forêt de Fontainebleau en pierres sèches 

La plupart du temps, l'espace de vie dans ces "habitations" est assez petit et bas,  afin de permettre de réduire l'espace à chauffer. Il faut noter que beaucoup d'abris avaient leurs ouvertures situées sur le versant des platières et des massifs rocheux le plus exposé au soleil. Si certaines loges ont des entrées étroites ou des couloirs d'accès difficiles, cela permettait sans doute de protéger le logis des visites impromptues de sangliers et de protéger l'huis des bourrasques de vent.

Dans de nombreux abris, l'on peut voir des gravures, des dessins et des peintures sur leurs parois. Il s'agit de représentations plus ou moins allégoriques : humaines, animales et autres, ainsi que des signatures, dates, petits écrits, moult figures et signes énigmatiques. Si certaines de ces représentations ont été réalisées par des carriers, la majeure partie d'entre elles ont été faites par des professionnels de la forêt et des "touristes" ; dont bon nombre postérieurement à l'époque d'exploitation des carrières.

Dans certains abris cachés et bien conservés ont trouve encore des outils semblant attendre le retour des ouvriers !

Après la fermeture des carrières, les abris, abandonnés par leurs anciens occupants, tombèrent rapidement en ruines, faute d’entretien et à cause du vandalisme. Bon nombres de ces abris furent ensuite transformés et occupés par les randonneurs et grimpeurs jusqu'à l'interdiction des bivouacs en 1942 par l'occupant. Au fil du temps, certains de ces abris étaient devenus de véritables "résidences secondaires", qui possédaient -outre des cheminées- des portes ouvragées avec serrures, (quelquefois fermées à clef), des fenêtres, dont certaines étaient munies de vitres et de volets, ainsi que du mobilier intérieur. L'alimentation en eau pouvait être assurée par des systèmes de récupération des eaux de pluie. 



 
Photos de Thierry Szubert


Dans les Trois pignons, après le rachat par l'état des anciennes propriétés privées, nombre de ces habitations sauvages devenues "illégales", furent détruites sur demande des autorités.

Certains abris présentent effectivement de gros risques d’effondrement sur leurs visiteurs ! Ainsi, les bivouacs connus de tous comme ceux du Potala, du Diplodocus ou du Rocher Cailleau, présentent tous des cheminées très instables dont nous recommandons l'élimination. D'ailleurs l’ONF a murer certains bivouac (comme à l’Ouest de Bourron-Marlotte ou Larchant), pour "éviter les accidents et les incendies éventuels" que pourraient provoquer une occupation par des "campeurs". 

Exemple au Rocher du Potala

Bivouac simple sous rocher avec cheminée
L'entrée
C'est bas de plafond mais suffisant (l'âtre au fond)
Gravures modernes...
Le grand bivouac est sale et dangereux
Étagères, au fond la couchette à droite ce fut l'âtre
Ces mêmes bivouacs lors de leur saccage en 1995
Ils avaient quand même bien organisé la chose !


Certains bivouacs, bien cachés, restent fréquentables et préservés grâce à quelques grimpeurs, randonneurs, et autres passionnés, qui restaurent et entretiennent ces témoins d’un passé au fond pas si lointain. Selon les sources, resterait entre 140 et 200 de ces refuges encore en bon état aujourd’hui dans tout le massif forestier… Heureusement mais comptez pas sur nous pour vous donner leur localisation !


Architecture :

Les simples abris sous roches (ou auvents)
Ils étaient utilisés pour se protéger de la chaleur ou de la pluie, ranger les outils, et mettre la nourriture et les réserves d’eau au frais pendant la journée de travail. Le plus souvent, ils sont construits sous un auvent naturel formé par un amas de rochers mais peuvent avoir fait l'objet d'une petite excavation et d'aménagements simples comme des marches, ou un murets partiels.
Nous avions présenté il y a quelques temps un exemple de ces abris qui semblait avoir été aménagé pour les besoins de la forge.




Les petits abris de repos : 
Ils sont construits sous roche, ou bâtis en murs, (voire sous tumulus). Ils sont généralement étroits et bas de plafonds n'étant destinés qu'à abriter les carriers pour le "casse-croûte" et les pauses notamment en hiver. Ils pouvaient être ouverts sur un côté ou bien fermés par des portes. Ils étaient conçus pour abriter de deux à quatre personnes, qui se tenaient assises sur un banc en bois ou en pierre. Ils sont le plus souvent équipés d'une cheminée (souvent minuscules) situées au niveau du sol, et quelquefois à hauteur des genoux ou des épaules des personnes assises. Certains possédaient des niches pour le rangement.

Les abris habitables (ou loges) : 
Lorsque la "veine d’exploitation" se trouvait trop éloignée du lieu de leur domicile, les carriers construisaient des édifices plus élaborés, qui permettaient une occupation permanente pour un séjour plus ou moins long. Ils possédaient une porte, voire des fenêtres, et possédaient, bien entendu, une cheminée, des niches pour le rangement, un ou plusieurs bas flancs en bois ou bien en pierre pour le couchage. Certains couchages sont par ailleurs assez élaborés, remplis de sable, couverts de fougères. Le sol pouvait -pour plus de confort- être dallé, planché, paillassé ou recouvert d'humus...




Thierry Szubert, l'un des meilleurs spécialistes des carrières et des abris de carriers de la forêt de Fontainebleau, a aussi découvert  les vestiges de grands abris de forme rectangulaire et de plusieurs mètres de longueur (jusqu'à quatre mètres). Ces abris étaient en partie creusés dans le sol et montés en pavés sans liants. Il les a baptisés "cantines", car selon lui, il semblerait que de part leurs surfaces importantes et leurs situations, ils devaient être utilisés pour la prise de repas en commun de plusieurs ouvriers et pour des réunions de travail ou bien encore à l'occasion de grands événements  comme la fête de Saint-Roch. Un constatation faite également près d'anciennes carrières de grès de la vallée de l'Essonne et  dans la Vallée de Chevreuse.

Carrière. À gauche, grande cabane construite avec des pavés -d'apparence- cimentés. Peut-être une "cantine"

On peut aussi voir, ça et là, des ruines de cabanes de forme carrée, rectangulaire ou arrondie, construites intégralement en murs ou en appui contre un rocher. Les murs, étaient faits de pavés empilés les uns sur les autres et non maçonnés. Ces petites constructions pouvaient être enterrées jusqu'à la hauteur de la toiture, aux trois quarts, à moitié ou édifiées au niveau du sol, sans aucune fondation. Les toitures devaient être faites de chaume, de tôle, de planches, de toile goudronnée. La plupart de ces abris, de par leur fragilité, due au non maçonnage, n’existent plus qu’à l’état de vestiges plus ou moins visibles ; sauf pour quelques rares exemplaires, qui ont été remontés par des bénévoles. Certains d'entre eux qui se trouvaient au Rocher Fourceau ont été massacrés par les engins forestiers lors de la coupe qui suivit l'incendie.

Enfin, certains abris étaient creusés dans la terre et recouverts par un tumulus, formé d’un mélange de sable, de caillasse et de terre, enrobant une ossature faite de pavés montés en dôme. Ce type d'abri possédait un étroit couloir d'accès extérieur, qui s'enfonçait jusqu'à l'entrée souterraine de la chambre. Ce passage était protégé de chaque côté, par un muret de soutènement. D'autres abris étaient constitués autour d’une avancée de roche ou creusés dans la roche elle même, qui faisait office de toit, et murés de pavés sur les faces ouvertes. ils pouvaient également être creusés dans le sable, sous une veine, avec souvent des marches d’escaliers pour pénétrer dans la chambre. 


Tunnel avec grande cheminée à droite
Photo de Thierry Szubert


Gestion de l'eau

Dans les anciens chantiers, au détour d'un rocher, on peut rencontrer des sortes de marmites creusées dans la roche. L'eau étant assez rare dans les massifs de Fontainebleau, les ouvriers creusaient des vasques destinées à recevoir l'eau pluviale, qui leur servait ainsi de réserve. On peut en trouver d'assez profondes.


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Pour la forge




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1 et 2 : Vasques creusées dans la roche 

3 : Vasque avec bouchon d'évacuation4 : détail du bouchon 
5 : Réservoir d'eau taillé dans un bloc de grès ; peut-être utilisé par le forgeron du chantier pour refroidir les outils travaillés à la forge

Voilà pour ce deuxième épisode !
Nous vous invitons à préserver ce patrimoine et à signaler vos découvertes à l'AAFF dont la commission carrière a ouvert un blog en 2012 qui semble enfin s'alimenter de nouveaux articles ! Merci les amis parce qu'on avait hâte d'en savoir un peu plus !


Voir aussi :
un-nouveau-sentier-la-decouverte-des.html


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