Pourquoi faut-il faire attention aux ancrages des slacks !

Dans un article du mois de mai 2015, nous présentions l'univers de "la slack", discipline sportive aux nombreuses variantes et aux intérêts sportifs et pédagogiques indéniables. Cette pratique n'est pas toujours sans danger et présente, elle aussi, divers impacts sur les sites naturels. En outre, elle génère parfois des conflits entre usagers d'un même site, notamment lorsque les slacks entravent la circulation ou détruisent les points d'ancrage.

Donc pour compléter la lecture de l'article précité, nous pensons utile de publier à  nouveau ce qui suit. "A nouveau" car nous l'avions fait dans le cadre du viaduc des Fauvettes (la plus célèbre falaise d’Île de France) où la slack est désormais interdite ! Vous allez le voir, la slack et la hightline peuvent arracher un pan entier de falaise alors un petit bouleau un peu pourri dans le sol sableux de Fontainebleau ! 
Petit cours de physique mécanique indispensable à votre survie à relire d'urgence !

Le cas du Viaduc des Fauvettes (Essonne).

Le viaduc et son écrin de verdure, véritable ilot de nature à vingt minutes de la capitale, est forcément devenu le refuge d’une faune et d’une flore remarquable et un site de prédilection pour tous les passionnés de sports et loisirs de plein air. La cohabitation entre ces usagers est en général très bonne. Randonneurs, marcheurs, familles en balade croisent sans problème ramasseurs de champignons, coureurs… Dans le monde vertical, il y a bien longtemps que grimpeurs et spéléologues ont fait la paix et les "collanteux" fréquentent les "boueux" sans aucun soucis tant que la pratique des uns ne gêne pas celle des autres. Là où cela se complique, c’est justement quand une pratique entraîne une nuisance ou un danger pour les autres usagers. 

C’est le cas par exemple des vététistes lorsqu’ils descendent à vive allure un chemin piétonnier. Mais aussi de la slack ! Eh oui !

Avec la popularisation de cette pratique (on trouve des slacks dans bon nombre de magasins pas du tout spécialisé !), on voit des apprentis slackers tendre le bordel n’importe où, n'importe comment et parfois arrivent les accidents !

Passe encore pour la gêne occasionnée quand la sangle est tendu au pied d’un bloc de Bleau (justement celui que vous vouliez faire, pas de bol !) mais quand celle-ci plie jusqu’à la rupture des barreaux des garde-corps, il y a mise en danger des pratiquants et des autres usagers ! Il est évident que les altérations montrées ci-dessous ne sont pas l'oeuvre de pratiquants "informés" mais de débutants.

Voici quelques exemples des dégradations constatés au Viaduc des Fauvettes et qui ont justifié l'interdiction totale de la slack sur celui-ci !


Pliage et déformation du garde-corps par traction excessive (photo Cosiroc)


Rupture du garde-corps par traction excessive (photo Cosiroc)

Les efforts sur les points sont considérables

Les grimpeurs ont remplacé au fil du temps tous les points par des broches scellées à la résine d’une longueur exceptionnelle de 25 cm et fabriquées spécialement pour le Cosiroc. Un point est donc à priori inarrachable dans des conditions normales d’utilisation et avec les forces habituelles liées à la pratique de l’escalade.

Pour la slack, c’est moins certain vu les forces de traction induites par certaines installations. Nous ne sommes pas du tout certain de la résistance des joints de ciment autour du bloc dans lequel est fixé le point.

Nous parlons ici du viaduc mais quand on voit certaines slacks au Saussois ou à Connelle, on peut aussi s’inquiéter.

Si vous ne voyez pas de quoi on parle, nous vous demandons de lire attentivement la suite et de compléter avec la lecture complète des articles de Julien Millot rédacteur des extraits ci-dessous.

Donc pour résumer :
pas de highline avec un kit chill ou click ou une baobab. Ce n'est pas fait pour : Achetez du matériel d'escalade, ou mieux de travaux sur cordes. Acheter une sangle adéquate, une corde statique pour faire le backup. Oui c'est cher, mais moins que votre vie ou celle de votre meilleur pote.
pas de highline si vous ne savez pas faire un noeud de huit : Entrainez vous au sol à simuler une installation de highline. Demander de l'aide  aux personnes expérimentées. Imaginer les scénarios si une pièce de l'installation casse pour vérifier que vous serez toujours retenu.
pas de highline si vous ne savez pas marcher et vous lever sur le double de la distance: C'est empirique mais c'est relativement vrai. Vous pouvez y aller "à l'arrache" évidemment, mais soyez conscient que le miracle ne s'accomplira pas là-haut.
pas de highline si vous avez le moindre doute sur l'installation : Cela arrive même aux meilleurs qu'une installation défaille comme récemment avec une erreur d'équipement qui a fait écrouler tout un pan de falaise (voir ci-dessous).
pas de highline pour "faire comme à la télé" : En tant que membre des "bad slackliners", j'ai une certaine responsabilité sur la vulgarisation de la pratique et sur la diffusion de cascades à sensations d'un goût plus ou moins douteux. Je ne peux pas me permettre de dire ce qu'il faut et ne faut pas faire. Je peux seulement vous assurer que nos démarches avant de telles cascades sont réfléchies, menées d'une manière extrêmement sérieuse, et sont la suite logique d'années de pratiques en tous genres.


Avant/Après ! 





Ne vous êtes-vous jamais demandé : A combien de kilos ai-je tendu ma longline ?


Petit schéma :
Soient :
- L : longueur de la longline
- f : la flèche au milieu
- P : le poids du slackliner se tenant au milieu de la sangle et provoquant la flèche sus-mentionnée.
- T : la composante horizontale de la Tension de la longline qui permet au slackliner de ne pas toucher au sol.

Et bien en vertu d'un Théorème bien connu "Thalés" pour ceux qui se souviennent, on obtient la relation hyper simple : (P/2)/T = f /(L/2)





D'où l'on peut en déduire que : T = LP/(4f)


Voici déjà une bonne approximation de la tension dans la longline avec cette force T. Car non ce n'est pas la tension dans la longline exactement mais la composante horizontale de la tension de la longline.

Ajoutons :
- a : l'angle formé par l'horizontale et la longline au niveau de l'ancrage.

Si l'on veut obtenir la tension réelle dans l'axe de la longline (celle que le dynamomètre mesure), la relation se complexifie un peu : Treelle = T/cos(a)

Et l'on connait cos(a) par la relation dans un triangle rectangle cos(a) = côte adjacent/hypoténuse

Avec côté adjacent = L/2 et hypoténuse = sqrt(f x f + L x L /4)

Mais avant de sombrer dans la dépression mathématique, regardons ce que vaut un angle a dans l'exemple d'une longline de 100m avec 2m de fléche pour une personne pesant 80kg :2,29°.

Que vaut le cos(2,29°) = 0,999. Autant dire 1.
Donc ouf ! La tension T réelle est réellement très proche de T.

Conclusion : Si vous arrivez à tendre une longline d'une longueur connue telle qu'une personne d'un poids connu crée une flèche connue en son milieu sans toucher par terre, alors vous savez que la tension générée aux ancrages vaut approximativement : T = LP/(4f)

Remarques intéressantes :

- la force de tension est indépendante du type de sangle. Que vous ayez une sangle basique, ou la dernière sangle en vectran, pour la longueur, la flèche et le poids de la personne qui fait le test, la force restera la même. Cependant, avec une sangle élastique, vous n'arriverez tout simplement pas à tendre la slackline assez avant sa rupture. Notez qu'on néglige ici le poids propre de la sangle dans ce modèle.

- L'élasticité n'intervient pas dans ce modèle statique. L'élasticité intervient cependant dans toute la phase de tension (ce qui fait qu'on arrive ou non à tendre la longline pour ne plus toucher au milieu). Les sangles les plus fortes (Vectran données pour 8T à la rupture) cassent aussi parfois vers 2T. La théorie mise en oeuvre lors de la tension d'une longline est beaucoup plus complexe à mon avis.

(ERRATUM CORRECTION) - La différence de tension entre la tension à vide de la slackline, et la tension avec quelqu'un dessus fait intervenir l'élasticité de la sangle. En effet, si on prend le cas extrème d'une sangle sans poids propre, totalement inélastique, alors il n'y a pas besoin de la tendre, il suffit juste de la placer pour que le slackeur ne touche pas le sol, et la tension sera appliquée dès que le slacklineur marchera dessus. A fortiori donc, une sangle très statique aura une tension à vide plus faible qu'une sangle plus élastique, ce qui se vérifie en pratique lorsque vous comparez la tension à vide à mettre dans une Moonwalk (4,4% à 15kN et 33,4g/m) par rapport à une Dark Blue (5,5% à 15kN et 66g/m) pour une même flèche.

Conclusion :

Plus vous mettrez vos ancrages haut, moins vous aurez à tendre. Si vous gardez en tête cette formule T = LP/4f, avec des approximations, vous pourrez vous dire si vous avez ou non de la marge sur votre système.

Une slackline de 100m avec 2m de flèche pour une personne de 80kg nécessite une tension d'1T. La même slackline avec 1m de flèche nécessitera 2T.


Si vous avez des doutes sur ce calcul, n'hésitez pas à nous écrire et à nous démontrer qu'il est faux.


Un grand merci à Christophe pour les souvenirs de mécanique !

A vos calculettes pour les abaques.
Extrait de 
Et maintenant un peu de physique...





Vous n'êtes pas sûrs du point de gauche parce que la pierre vibre un peu lorsque vous tapez dessus...



... Vous aviez raison d'avoir des doutes, mais il aurait fallu s'écouter et procéder à un changement avant la catastrophe...
Partagez:

Enregistrer un commentaire

Merci d'avance pour vos encouragements, commentaires, informations, témoignages ou critiques. En cas de difficultés, jetez un oeil à la page FAQ ou adressez-nous un mail.

Copyright © Tribune Libre de Bleau et Cie. Designed by OddThemes