Les serpents de Bleau sont-ils dangereux ?


Couleuvre, Dame Jouanne, photo Neil Hart
Le Massif forestier de Fontainebleau et ses environs recèle de bébêtes en tous genres et les reptiles n'y font pas exception ! 
Couleuvres, vipères... sont bien présents à Bleau. La terreur viscérale des bleausards, c'est la vipère-aspic ! Mais au fait, sont ils vraiment dangereux ?

La vipère, espèce protégée et menacée, est la seule qui puisse être dangereuse. A notre connaissance, elle n'a pas tuée d'humain à Fontainebleau depuis plus d'un siècle !!! Donc, pas de panique... Elles sont, d'après nos observations, plus nombreuses qu'ils y a quinze ans (conséquence d'hivers doux...) mais, à moins de lui chercher des noises dans son refuge ou d'être sur le point de lui marcher dessus, il y a peu de chance qu'elle vous morde ! Quoique, surprise par une main de grimpeur ou de gamin... Si on peut l'observer c'est une chance car elle a été victime d'un véritable massacre au cours des siècles précédents , à la mesure de la terreur que l’animal inspirait. Quand on lit les chiffres rapportés…

La première rumeur à qui nous allons ici tenter de tordre le cou une bonne fois pour toute, voudrait que l'ONF organise des lâchers de ces petites bébêtes notamment pour repeupler le domaine. C'est complètement faux ! Quant à ceux qui prétendent que l'office les jette depuis des hélicoptères, ou des ballons qui éclateraient en plein vol, ils ne mesurent pas la fragilité du dit vertébré que l'on peut tuer d'un bon coup de bâton sur la nuque ! La rumeur semble naître le 21 juillet 1994, dans le courrier des lecteurs de La République de Seine-et-Marne où un lecteur signale une inhabituelle présence d'ophidiens aux abords des habitations de Nemours-Château-Landon. Un habitant de Bouligny prétend même avoir trouvé une caisse grouillante de reptiles dans son champ ! Pire, Paul Florens, le commissaire de Dammarie-les-Lys, affirme qu'il est de notoriété publique, que l'ONF largue par hélico, non pas des caisses mais des ballons de vipères dans le but d'éliminer les "espèces nuisibles" qui  prolifèrent dans les sous-bois. Ce commissaire fut par ailleurs mis à la retraite anticipée ultérieurement. « Les ballons sont pratiques, explique cet expert, ils éclatent dans I'atmosphère, libérant les serpents qui s'éparpillent au gré du vent et se dispersent dans la forêt.»

Neil Hart en dresseur de serpent...

Peut être faut il voir ici les restes d'une invention du Docteur Paulet, médecin chef des hospices de Fontainebleau (1740-1826) qui publia en 1804 un livret sur la démoniaque "vipère de Fontainebleau" !
Il y décrivait l'animal avec sérieux indiquant une alternance d'écailles noires et blanches sur la tête "ce qui fait que celui-ci porte la livrée de la mort." Tous les touristes voulaient voir cette bête mortelle qui pullulaient à Fontainebleau au point de rendre bientôt la ville inhabitable, ce qui obligeât la Préfecture à offrir une prime de 2 franc-or à qui ramènerait une tête de vipère. La cause fut entendue. Aux 15 vipères tuées en 1804 allaient succéder de 1816 à 1826 la capture de près de 350 têtes par an ! Sur la base des primes versées par la Liste Civile puis ville de Fontainebleau, ont peu dire qu'en 1863, 1668 vipères furent tuées, puis 1323 l'année suivante, et 803 en 1869. Un massacre qui atteint son paroxysme en 1870 avec près de 1600 vipères tuées ! En 1866, le Petit Parisien, poussait l'exagération un peu plus loin en écrivant que "l'année dernière 160 000 vipères ont été tuées à coups de gaule dans la forêt de Fontainebleau." Pourtant, dès 1805, le propre éditeur du docteur, monsieur Charles Rémard avait publié une sévère critique de l'étude du docteur et un poème qui disait notamment :
Venez, ne craignez point la vipère nouvelle,
Que connaissait déjà l'histoire naturelle :
Cette vipère-aspic dont le docteur Paulet
Disserte longuement dans un petit livret.
Qu'on l'entende, il dira que ce malin reptile,
Si l'on ne le détruit va dépeupler la ville :
Nenni car la forêt est pleine d'amoureux
Qui reviennent à trois quand ils sont allés deux...

Un homme du pays, le sieur Barrage, a fait de la chasse à la vipère une véritable industries; il absorbait, à lui seul, la presque totalité du crédit voté par le Conseil municipal. Il vendait un  grand nombre de ces reptiles à des pharmaciens qui faisaient avec la graisse, un baume thérapeutique.



En 1910 plus de 11 000 vipères furent détruites en Seine et Marne et Fontainebleau n'arrivait qu'au vingtième rang ! Croyons plutôt Domet qui au cours de sa carrière  confessait en avoir tué 17 en quarante ans ou Colinet qui déclarait n'en n'avoir tué que deux ! Quant on sait comment ces deux hommes ont bartassé dans nos cailloux, y compris dans les carrières exposées au sud où il est facile de rencontrer l'ovidé, on peut s'interroger sur les propos du docteur Paulet.

Un des descendants de ces chasseurs de vipères bellifontains fut assez célèbre. En effet, à partir de  1912, Edmond Pelletier chasse ces serpents et prend l'habitude de les stocker chez lui, à Recloses, dans des petites caisse en bois. La récolte suffisante, il les porte à l'Institut Pasteur à Paris. Il en détruisait, en moyenne, près de 500 par an et il se serait fait mordre 16 fois en trente années de carrière ! Ne craignant pas l'animal, on a pu voir quelques photos de lui, les serpents autour du cou, en carte postale des cartes éditées par la Vie au patronage puis au cinéma dans de petits rôles de charmeur de serpents. En 1981, le Figaro reproduit à 600 000 exemplaires le visage d'Edmond Pelletier le cou enroulé de ses aspics (Source: Notre Département n°8, août-septembre 1989, notice de Colette et Étienne Bidon)

Au Potala, sur un des petits blocs que nos bambins apprécient tout particulièrement pour sa faible hauteur...

Jusqu'en 2005, j'en avais rencontré que trois ou quatre, plutôt en semaine, dans des coins sauvages et peu fréquentés de notre forêt. Aujourd'hui, j'en suis à plus d'une dizaine, croisées tant en semaine que les bruyants dimanches et parfois au cœur même des sites les plus fréquentés comme au Cuvier à vingt mètres de la Marie Rose, à la Canche aux Merciers, au Potala ou à Beauvais ! 

Les hivers peu rigoureux de ces dernières années ont certainement contribué à leur prolifération.  Dans les Monts de Fays au Rocher Canon lors du brossage de nouveaux blocs, l'une d'elle, sur laquelle j'ai failli marcher, a bondi sur mon pad. La même année, une autre, qui était à 80 cm de ma main lorsque je ramassais ma brosse posée sur le sol, n'a pas bougé d'un pouce avant que je n’ai reculé, lentement, de trois bons mètres. De nous deux, je ne sais qui a eut le plus peur...

Photo MA Demais FALRando Chartrette
Samedi 24 mars 2012, les randonneurs du Falrando  (Chartrette) ont eut la chance d'assister au rare spectacle de la parade d’accouplement de deux vipères au Pignon des Maquisards ! Les images sont ici http://falrc2.blogspot.fr/2012/04/danse-de-serpents-au-pignon-des.html



Parmi les quatre espèces de couleuvre qui habitent notre forêt : la vipérine présente quelques ressemblances, (taille, couleur, aspect) avec la vipère, mais on la différencie facilement par la tête (forme, yeux ecailles) ! Euh encore faut-il regarder attentivement ce qui dans la panique n'est pas toujours évident !  La tête des vipères est recouverte de petites écailles granuleuses, celle des couleuvre est toujours couverte par de grosses écailles... Quant aux trois autres espèces: la couleuvre à collier; la couleuvre d'Esculape, la couleuvre lisse, sans parler des orvets, il ne devrait pas y avoir de confusion. Attention, les couleuvres peuvent être plus agressives que les vipères...




Quelques compléments :

1°)       Quand l'animal se déplace parce qu'il est dérangé (cas classique sinon il faut être vraiment attentif pour les voir de près) la progression de la couleuvre est très rapide, celle de la vipère peu efficace et lente. Celui qui fait un peu attention ne panique pas s'il se souvient de ça.

2°)       Marcher avec un bâton en tapant naturellement le sol (inutile d'imiter le marteau pilon), ..... vibrations ...... les serpents se sauvent dans la plupart des cas (sauf début de printemps aux premières sorties en fin d'hibernation). Les impacts des bâtons de marche doivent suffirent d'après moi ce qui fait que maintenant le randonneur qui se fait piquer ...... c'est pt'être qu'il l'a voulu...

Encore un petit oubli, les plus exposés ce sont nos copains à quatre pattes.
Donc, si votre toutou revient vers vous la queue basse, il a une grosseur légère qui gonfle rapidement du coté du museau et du cou et qu'un petit examen montre deux petits points rouge au centre de "l'hématome", une  seule chose à faire : abandonner le passage de 8 ou + que l'on était enfin entrain de réussir et filer le plus vite possible chez le véto (accompagné de sa carte bleue ;(

Pour les humains, si vraiment, comble de malchance, vous étiez mordu, restez zen ! A moins d'une allergie foudroyante, ou d'un gros problème cardiaque vous n'allez pas mourir dans les deux minutes ! Vraiment pas ! Abandonnez l'idée du couteau et de la succion type western mais déclenchez les secours (18) ou faites vous accompagner à l'hôpital le plus proche.




Allez, pour en savoir plus visitez ces quelques blogs de complices :

http://photonaturefontainebleau.over-blog.net/article-viperes-102735985.html



Je vous recommande aussi ce document vidéo de macrophotographie : Biologie de la vipère aspic sur le site du Cerimes. http://www.cerimes.fr/le-catalogue/la-biologie-de-la-vipere-vipera-aspis.html
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