L'ONF nous a adressé un petit courrier pour nous avertir de l'interdiction de pratique de l'escalade en face nord du restant du Long Rocher tant hors circuit que sur le vieil orange de la Grotte Béatrix retracé en 2015. Une interdiction réclamée de longue date par quelques naturaliste de l'ANVL et qui ne nous surprend pas mais qui soulève, une nouvelle fois, la difficulté à communiquer avec les naturalistes. La protection de la biodiversité de la forêt de Fontainebleau passe-t-elle obligatoirement par une mise sous cloche ?
Commençons donc par la diffusion du courrier de l'ONF et le panonceau qui l'accompagne !
Comme discuté lors de la dernière commission d’escalade bellifontaine, le versant nord du restant du long rocher est désormais fermé à la pratique de l’escalade. De nombreuses espèces de mousses et lichens rares et protégées se trouvent sur les blocs de grès. Pour certaines, cette station est l’unique zone de présence en Ile de France.
En tant que gestionnaire, l’ONF a la responsabilité de les protéger et faire en sorte de maintenir le bon état de conservation du site. La pratique de l’escalade, entrainant le démoussage des blocs et l’utilisation de magnésie qui est néfaste pour ces espèces, ne doit donc plus être pratiquée sur cette zone.
Le circuit orange qui s’y trouve va être débalisé. Il a été convenu, avec le Cosiroc et les grimpeurs entretenant les circuits du secteur, de créer un nouveau circuit orange sur l’autre versant ne présentant pas cette même problématique.
Quant au texte du panonceau qui accompagne la carte indiquant la zone concernée, il est encore plus vague : "Beaucoup d'espèces rares et protégées"... ? Le tout s'accompagnent d'une très imprécise localisation des autres secteurs de grimpe ("Toujours plus au sud" nous dit le professeur Tournesol) et d'une menace : "la destruction d'espèces protégées est un délit" ! Bref, circulez, il y a rien à voir...
"Nombreuses, beaucoup, rares, protégées"... c'est quand même très flou non ? Pourquoi ne pas mettre quelques exemples et illustrations ? Dans une époque où les théories complotistes avancent plus vite que la vérité, un peu de transparence pour crédibiliser son discours ne fait pas de mal. Certains d'entre nous réclament depuis des décennies ce type de précisions qui sont factuellement vérifiables. Oui, les mousses et les lichens sont fragiles et menacées (changements climatiques, changements sylvicoles, pollution, anthropisation). Oui, plusieurs dizaines de mousses et lichens sont assez rares en Forêt de Fontainebleau. pour autant, cela ne veut pas dire qu'ils le sont en France ou en Europe !
Par exemple, le taxon Umbilicaria hirsuta n'a été observé qu'une seule fois à Fontainebleau et il peut facilement être confondu avec un autre Umbilicaria. Ce manque d'observation explique peut-être cette prétendue rareté. Idem pour Parmelia endochlora Leight espèce très hygrophile, rare, présente uniquement sur des rochers horizontaux exposés au N. et qui donc semble limité au versant N. du Grand Mont Chauvet.
On protège mieux ce que l'on connaît et identifie !
C'est cette règle d'or que semble systématiquement oublier les technocrates de l'ONF et les savants qui les accompagnent. Il faut dire que l'identification précise des taxons des mousses et lichens est réservée à une élite et que sur le terrain, sans l'aide d'un spécialiste, c'est impossible. Mais tout de même, une interdiction passe mieux quand elle a du sens !
Les lichens saxicoles et terricoles de la Forêt de Fontainebleau n'ont pas été beaucoup étudiés mais un catalogue de 262 espèces existe tout de même. La richesse de cette flore est due à la variété des substrats et des expositions ainsi qu'à la présence de très vieilles réserves biologiques. Quelques lichens dont l'aire de répartition est atlantique, alpine ou méditerranéenne peuvent donc être observés dans notre belle forêt, ici ou là en petites quantités, chacun en limite de répartition. Une douzaine d'associations saxicoles ont été reconnues. La nature des roches détermine en priorité l'identité de l'association qui s'y installe : grès acide, grès silico-calcaire, calcaire ; mais aussi l'orientation et l'environnement de la surface colonisée : les surplombs, les faces supérieures, les faces où l'eau ruisselle, les faces ensoleillées et sèches, les rochers bas, dégagés ou sous couvert forestier sont autant de situations qui portent des associations différentes.
Si aucun lichen ne figure dans la liste nationale des espèces végétales protégées, certaines espèces sont parfois présentes dans des listes régionales. C'est le cas par exemple de Lobaria pulmonaria (L.) assortie parfois aussi d'une protection par arrêté préfectoral. Si les listes rouges ne constituent pas une protection légale opposable, elles peuvent être importantes pour la prise en compte des lichens dans la gestion ou la protection de sites naturels d'intérêt patrimonial. Contrairement aux autres pays européens, aucune liste rouge des lichens menacés n'existe actuellement en France (cependant des démarches sont en cours dans ce sens par des membres de l'A.F.L. Pour les mousses, une liste des espèces de bryophytes déterminantes de ZNIEFF a été revue. Elle est constituée de 131 taxons majoritairement assez rares dans la région. Sur ces 131 taxons, 10 sont inscrits sur la liste régionale SCAP (Stratégie de création d’aire protégée) et 2 seulement bénéficient d’une protection nationale assortie d’une inscription à la directive Faune, flore et habitat.
Parmi les lichens qualifié de rares à Fontainebleau on peut observer au restant du Long Rocher, Lecidella scabra sur les rochers de grès à ciment très peu calcaire moyennement ensoleillés. Aspicilia recedens récolté une seule fois, Opegrapha trifurcata Hepp., sur les rochers de grès à ciment calcaire exposés au N.ou encore Sarcogyne privigna un taxon des grès à ciment calcaire ombragés.
Bref, la zone interdite au restant du Long Rocher est très petite. C'est une face nord, humide, froide, plutôt moussue et lichéneuse avec des rochers parfois hauts et exposés y compris sur le circuit orange. En dehors de la célèbre Grotte Béatrix, la zone restait assez peu fréquentée et les grimpeurs se consoleront facilement avec les blocs de la face sud des parcelles 538, 539 et 549. Le parcours du sentier bleu Denecourt n° 11 tracé en 1867 reste lui possible. Un sentier plein de curiosités devenues célèbres comme la Mare aux Fées ou la Grotte Béatrix, mais aussi d’imposants rochers feuilletés qui marquent l’entrée dans ce décor magique qu'est le sentier de l'enfer de Dante, la route de la Mort, le Pic des Sept Collines.
Reste donc quelques grandes questions. Comment les grimpeurs vont-ils repérer la zone interdite sur place sans un balisage ? Était il nécessaire de menacer de l'article L411-1 les grimpeurs alors que l'on est incapable faire respecter une simple interdiction de camper sur les parking de la forêt ? Enfin, la stratégie de la mise sous cloche est-elle toujours la bonne pour enrayer une perte de biodiversité (ici très relative) également liée aux changements climatiques ?
On va s en remettre, Bleau c est grand 2-3 circuit de fermé pour la protection d espèces protégées c est pas la fin.
RépondreSupprimerIl faut juste avoir conscience que notre pratique ultra dense sur ce massif impacte fortement. Peu especes rupestre c est tres probablement la grimpe le souci!!!