[MATOS] Fiche pratique 2 : Comment utiliser un pof à Bleau ?



Fiche pratique sur l’utilisation du Pof, etc.

Niveau : facile à technique

Temps : quelques minutes


Par Greg Clouzeau


La dernière fois nous avons vu comment fabriquer le POF en tant qu'objet. A peine publié, je recevais les premiers conseils ou reproches sur l’utilisation de ce dernier et du produit qu’il contient.

Donc, première précision, le Pof ne fait pas l’unanimité tant à Bleau qu’à l’étranger... Mon tort ? L’avoir opposé à la sacro sainte poudre blanche consommée avec une certaine addiction par de nombreux grimpeurs. 

Je le redis, les deux produits n’ont pas la même fonction, et il est évident que si tout le monde utilisait la colophane avec autant d’ardeur que la magnésie, les dégradations qu’elle pourrait causer à nos rochers serait probablement très importantes.

Mais je persiste dans la comparaison car je reste persuadé (jusqu’à ce que l’on me prouve le contraire autrement par que des affirmations gratuites) que le pof, bien utilisé, signifie :

- Une pollution visuelle très nettement inférieure à la magnésie,

- Un encrassement des prises très réduit par rapport à la magnésie,

- Une biodégradation plus complète et plus rapide que la magnésie.


La colophane et son "emballage" sont apparus dans les années 1930 sur nos cailloux. Jusqu’au début des années 90, elle a régné en maître. Songez que la magnésie n’est apparue à Bleau que vers 1978 et qu’en trente ans, les blocs sont devenus tout blancs et non à pois !

Son "abandon" est probablement du à deux phénomènes : la disparition de la culture bleausarde avec les générations de grimpeurs formées en salle d’escalade mais, surtout, la généralisation des crash-pads qui a conduit, à tort, bon nombre de grimpeurs à abandonner le paillasson puis le pof.

Certains m’ont parlé de prises « vitrifiées » par le pof. Je les cherche encore ; elles devaient être cachées sous une épaisse couche de magnésie !

Pour qu’il y ait vitrification, il faudrait que la colophane redevienne quasi liquide soit une température de 70°C minimum. Bon, ok, je joue un peu sur les mots car il existe bien des "ronds" jaunes sur certaines prises de pied qui prennent peu la pluie (voir par exemple la photo de Composition des forces). Il s'est donc bien formé ici une pellicule de résine imperméable, difficile à retirer. Mais, elles ne gênent pas l'escalade de la voie et sont beaucoup moins voyantes que les plaques blanches laissées par la magnésie (même après brossages et lessivages).

prise de mains sur le rouge du 91.1 exposée à la pluie
et la magnésie

Ceci-dit, sur certaines places des Trois Pignons où le soleil peut cogner très fort, pourquoi pas ? J’ai trouvé sans mal des prises très patinées mais bon, c’est souvent dans des voies deux fois plus vieilles que moi ou sur dans des sites si fréquentés que le moindre jeu se patine en quelques années. 


En plus, dire si c’est la colophane qui a poli la prise ou l’action de la semelle ou, beaucoup plus vraisemblablement les grains de sable situés sous cette dernière, c’est difficile. Mais bon, la colophane, dans de bonnes conditions adhère au rocher ce qui nous permet d’y grimper. Par contre, la résistance mécanique de cette adhérence est assez faible du coup, c’est soit zippette (surcharge par rapport à la résistance mécanique), soit nettoyage de la prise en partant. Vous me direz, les grimpeurs ne nettoient déjà pas la magnésie alors le pof… Quant à la magnésie, en soit elle n’est pas plus agressive mais présente l’inconvénient majeure d’absorber toute l’eau qu’elle trouve (sueur, humidité, pluie.) Cela change sa structure chimique pour former un ciment qui avec le temps fait corps avec la prise ! A ce stade, il ne reste plus qu’un mélange à base d’acide chlorhydrique pour la retirer…

Pieds patinés dans l’Abattoir au Cuvier. Beaucoup de gomme mais aussi un rond peut être du à l'utilisation du POF. 


Bon, du coup, je l’utilise comment ce P… de Pof ?
Le Pof a diverses fonctions. Dans une première action, il permet au grimpeur de préparer le bloc et la voie, en suite, il servira à la préparation du grimpeur et de son matériel, enfin, bien entendu, comme je lis aussi les chroniques de Rascal sur Zebloc, il servira a essuyer les traces de notre passage !

Préparation du bloc et de la voie :

La boule dans la main, la queue du pof (assez longue avec celui que je vous ai fait faire) devient un excellent plumeau. Mais comme vous n’êtes pas des femmelettes, allez-y de bon cœur, de droite et gauche avec de bonnes grosses claquasses ! Ce faisant vous retirez l’excès de magnésie laissé par votre prédécesseur, la poussière, le sable et au printemps, cette ignoble couche de pollen qui transforme certains blocs en véritable patinoire… insistez sur ce qui vous emble être vos futures prises de mains et de pieds. Certains (moi le premier) n’hésitent pas grimper au sommet du bloc par la descente afin de nettoyer les rondeurs de sortie… Jusque là, vous n’avez fait que du bien et avez augmenté vos chances de réussite du fait d’un bloc propre.


Maintenant, en retournant l’engin, vous allez taper la boule sur les prises dont vous pressentez qu’il faut en augmenter l’adhérence… C’est le cas principalement des prises de pieds et des plats. Vous entendez ? « Pof », « Pof »… c’est fait ! Inutile de taper dix fois comme un sourd. Là, vous retournez à nouveau l’engin pour, avec le chiffon, refaire l’étape 1 ce qui permet de retirer l’excès de colophane (retournez voir la première fiche notamment le paragraphe concernant la trame du tissue).

Attention, comme me l’a fait remarquer Franlou, mon Pof est asymétrique, donc, quand on veut pofer une prise très en hauteur en le prenant par la queue, faites attention car l’engin peut aisément se transformer en une puissante massue. Idem, si négligemment, une fois les plats de sortie pofés, vous le laissez choir vers le départ sans d’autre forme d’avertissement. C’est votre pareur qui risque de ne pas être heureux !
En cinq minutes, la voie est prête… Pas vous, donc passez à l’étape 2, tout aussi facile.

Préparation du matos et du grimpeur :

Première opération, comme vous êtes un de ces grimpeurs modernes qui n’enchaîne pas les circuits sans mettre un pied au sol mais plutôt en papillonnant autour de votre camp de base, vous êtes très certainement équipé d’un crash pad ! Il faut le placer idéalement… Là encore, il y a débat ! Il relève plus de l’éthique mais la chose à quand même son importance dans notre cas.

Je ne jugerai pas ici le fait que vous avez décidé de faire du Pad-start (en fait, faut le dire, ce n’est pas bien mais certains me répondront que cela compense à peine l’érosion du sol au pied de la voie…). Ce qui m’intéresse c’est uniquement le fait que votre base départ reste propre pour éviter le polissage prématuré des prises !

Avant les années 90, la question ne se posait pas ; des pads, on n’en avait pas ! On démarrait depuis un paillasson en poils de coco à fond imperméable (idéale pour certains sites essonniens où le sol est plutôt terreux gras). Bon, ok, certains mettaient le pof dessus pour gagner quelques centimètres (j’ai même vu de très, très gros pofs à cette époque) mais là encore, ce n’est qu’une question d’éthique.

Donc une fois le pad posé à une vingtaine de centimètre en retrait de la base du bloc, reste à le nettoyer comme à l’étape un avec de violents coups de chiffon. Vous disposez ensuite d’une base de départ débarrassée des grains de sables.
J’utilise toujours mon paillasson mais, dans le cas où vous avez décidez que l’éthique ce n’était pas votre truc, s’il vous plait, faite au moins cette étape. Pourquoi ? Bien parce qu’elle vous permettra, combinée avec la suivante, d’avoir des chaussons propres ce qui, primo, diminue le risque de glissades provoquées par les grains de sable, secundo, évitera une usure prématuré du rocher par le frottement des dits grains de sable !
Regardez la photo. Avec une telle quantité de sable sur le pad, il n’y avait rien d’étonnant à ce que ce grimpeur zippe de nombreuse fois dans le départ de ce bleu d’Isatis !


Le pad est propre, à vous maintenant.

Avant de monter sur votre pad, faite le Flaman rose ! Sur un pied, l’autre jambe fléchie derrière vous, utilisez le chiffon du pof pour essuyer consciencieusement la semelle. Posez le pied propres sur le pad et refaite l’opération avec le deuxième pied. Super. Avant de taper votre essai, essuyez la suer de vos mains avec le chiffon. Vous pouvez aussi malaxer la boule. En fin de journée, si vous n’utilisez que le pof, celles-ci ne sont pas blanches mais noires et collantes ! Adhérence garantie.

Pour les plus flémards, l’opération peut se faire assis sur le pad… La variante historique de cette préparation consistait, une fois le coup de chiffon effectué, à se cracher dans la paume des mains puis à frotter avec les semelles. Cela retire très efficacement la poussière accumulée. Lorsque la semelle est propre, on poursuivait le mouvement pour chauffer la gomme qui devient alors plus tendre et collante. Lorsque la semelle couine, c’est qu’elle est prête pour une adhérence maximale. Bon faut dire, outre l’aspect peu ragoutant de cette pratique, les gommes modernes sont bien plus adhérentes qu’autrefois et les grimpeurs pratiques de moins en moins les adhérences ! Autre avantage de ce nettoyage, il aide à la concentration !


Enfin, dernière étape, nettoyage.Vous avez terminé, vous allez libérer la voie pour les grimpeurs suivants. Super… Là, il y a encore deux petites choses à faire. Elles sont obligatoires, quelque soit le produit utilisé. Primo, un bon coup de brosse (celle avec des poils de sanglier) sur les prises c’est le strict minimum pour retirer toutes les traces de son passage (revoir l’article de Rascal). Secundo, un bon coup de chiffon, y compris sur les premières prises pieds, c’est le top. En faite, c’est comme en sortant des toilettes, faut tirer la chasse ! C’est d’autant plus important et nécessaire que si vous êtes des milliers à utiliser ce super instrument qu’est le pof après la lecture de cette fiche, on va me reprocher chaque rond autour des prises !

Donc, comme les autres substances, celle-ci s’utilise avec modération.

Pour finir, pliez votre pad (éventuellement avec le matos dedans) puis soulevez le jusqu’au bloc suivant ; en le tirant au sol vous aggravez considérablement l’érosion du sol !

Bonne grimpe et n'hésitez pas à demander des conseils aux anciens...
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7 commentaires :

  1. trop de prise de tête à mon avis

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  2. Ca c'est sur, réflechir aux conséquences de sa pratique... c'est pas super simple ! Ca fait des noeuds à la tête ;-)

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  3. ceci n'est pas un palaidoyer pour l'usage du pof mais pour celui du torchon, de la vieille serviette ou du vieux t-shirt pourri qui dégage les grains de sable des chaussons et vire la poussière et surplus de magn/pof du rocher...
    instructif quand même... quant au départ réhaussé ou non par un pad ou une grosse boule de pof, il n'intéréssera que les grimpeurs obnubilés par le "c'est comme ça qu'on fait pour pouvoir se comparer et savoir qui c'est qu'il est le plus fort", moi je démarrerais toujours sur les prises qui me font plaisir, point.

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  4. Intéressant, mais pourquoi opposer grimpe moderne et ancienne et pad et paillasson ?
    Bien que contraire à l'éthique, on peut mettre le pad pour ceux qui tombent (les mauvais, moi par ex)ou les petits et le paillasson sur le pad pour s'essuyer les pieds.
    Les brossages avant , apres, pendant ...c'est bien mais est ce que ca ne va pas finir par user les cailloux ?

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  5. Bonjour,

    Merci pour votre commentaire très intéressant égallement.

    le but n'est pas d'opposer modernisme et tradition mais bien de remettre au goût du jour une ancienne pratique qui était plutôt efficace en terme de nettoyage.

    Pad et paillasson ne sont pas incompatibles, (d'ailleurs, je dis bien que j'utilise moi-même les deux)mais comme j'ai reçu déjà pas mal de critique concernant le pad start, je préfère prévenir... En fait, je fais souvent comme vous, je pars du paillasson posé sur le pad (du moment que je ne cherche pas à valider une nouvelle ascension, l'éthique n'est pas mon problème...).

    Le but, et je pense que les photos l'illustrent bien, c'est de montrer que les gens, sous prétexte d'utiliser un pad, ne s'essuient plus les pieds et partent, finalement, dans le sable !

    C'est la seule opposition que l'on peut trouver entre ancienne et nouvelle pratique.

    La question sur le brossage est très intéressante. La réponse est oui. Surtout quand des "malades" brossent systématiquement à la brosse métalique ! Les brossages répétitifs et excessifs ont ainsi détruit la traversée du "petit toit" au 95,2 où les plats d'antant sont maintenant de très grosses bosses. Je pourrais citer d'autres voies du Bas Cu et d'ailleurs...

    Cela doit-il justifier l'absence quasi total de netoyage comme c'est le cas aujourd'hui ?
    Peut être doit on faire une fiche n° 3, apprendre à utiliser les brosses sur le grès de Fontainebleau.

    Donc, finalement, ne faite rien, n'utilisez ni pof, ni magnésie et surtout ne grimpez pas ! ;-)
    A bientôt
    greg des blocs

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  6. C'est une opinion personnelle (vous contredirez ou soutiendrez), mais je pense que Jacky Godoffe est fortement responsable de l'apparition de la magnésie à Bleau.

    A la fin des années 80, on grimpait à Bleau en utilisant un guide bleu, dans lequel il était prôné la non-utilisation de la magnésie (en expliquant pourquoi), et à peu près personne ne l'utilisait. On pouvait lire par ci par là des disputes sur le sujet, en particulier entre le sieur Oleg (anti-magnésie) et Jacky Godoffe (pro-magnésie). Le guide bleu devenait vétuste/épuisé, et J. Godoffe a sorti son propre guide, dans l'introduction duquel on pouvait lire "pour grimper à Fontainebleau, vous avez besoin de chaussons, de magnésie...", pas de mention du pof, pas l'ombre d'une mention de la polémique sur le sujet. C'est alors que j'ai vu les premiers grimpeurs magnésistes, guide Godoffe en main. De nouveaux guides Cosiroc ont ensuite paru, re-prônant le pof, mais trop tardivement, le mal était enclenché et la magnésie s'est largement répandue. Quand j'essaye à présent d'expliquer à un grimpeur qu'il ne devrait pas l'utiliser à Bleau, j'ai en général droit à un regard qui semble signifier "tout le monde l'utilise, pourquoi veux-tu m'empêcher de le faire ?".

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  7. Merci pour cet article, il aurait bien besoin de repasser en premiere page de votre site, etant donne le tartinage generalise de magnesie qui defigure les sites. Plus personne ne s'en formalise or 1 c'est laid 2 C'est inutile pour la majorite des blocs or on voit des voies en 2-3-4-5 completement petris facon baguette tradition.
    A un moment donne, des randonneurs vont dire stop, l'ONF va dire stop et ca ne peut rien donner de bon.
    Sans compter que ces blocs sont la pour des generations de grimpeurs a venir, 100 ans d'histoire de l'escalade a bleau ce n'est rien.

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