Participer aux prises de décision en matière d'environnement, c'est utile et possible

L’article L 120-1 du Code de l’Environnement avait été déclaré contraire à la Constitution par une décision du Conseil Constitutionnel du 23 novembre 2012 avec effet au 1er septembre 2013. Les parlementaires viennent de combler cette lacune en adoptant à l’Assemblée Nationale un projet de loi le 13 décembre dernier selon la procédure accélérée.
Les modifications touchent plusieurs articles mais l’essentiel se trouve dans une nouvelle rédaction de l’article L 120-1. Ces modifications et précisions visent « à garantir l’information et la participation du public aux décisions prises en matière d’environnement comme prévu par la Charte de l’environnement ».

 
Le Ministère de l’Ecologie rappelle que : « Le principe de participation du public constitue un des piliers de la démocratie, par la possibilité de faire entendre sa voix, d’une part, par la transparence qu’elle confère aux décisions des autorités publiques, d’autre part. La participation active des citoyens aux processus décisionnels renforce ainsi les fondements de ces choix sur toute question relative à l’environnement et à ses répercussions sur le cadre de vie ou la santé ».
En effet, il faut rappeler que : « Sur le plan juridique, le principe de participation est notamment protégé par la « Convention d’Aarhus » (convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ratifiée par la France le 8 juillet 2002) , et l’article 7 de la Charte de l’environnement, adoptée en 2004.  Selon cette disposition, toute personne a droit non seulement « d’accéder aux informations relatives à l’environnement » mais aussi « de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». »
Qu’est-ce qui va changer ?
Désormais, et selon ce nouveau texte :
- pour les décisions relevant de l’Etat, le public est informé par voie électronique, et sur demande, sur support papier consulté dans les préfectures et sous-préfecture. Dans un premier temps, le projet environnemental accompagné d’une note de présentation est mis en ligne. Le public peut ensuite y faire ses observations par voie postale ou électronique. Enfin, ces observations sont rendues publiques et l’administration devra en tenir compte.
- pour les décisions individuelles, prises par exemple par les collectivités, le projet de loi habilite le gouvernement à prendre par ordonnance les modalités de participation du public.
L'article L. 120-1 ainsi modifié prévoit désormais que "la participation du public permet d'associer toute personne, de façon transparente et utile, à la préparation des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, en l'informant des projets de décisions concernées afin qu'elle puisse formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente".
Quant aux délais pour formaliser les observations, un autre amendement présenté par le Gouvernement prévoit que les observations du public, formulées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours. Il s'agit de "fixer un délai unique pour que le public formule ses observations quelle que soit la voie utilisée pour les transmettre à l'autorité administrative à l'origine de la consultation". Ce délai minimal est porté à 21 jours lorsque la consultation concerne un projet de décret ou d'arrêté ministériel.
Il est également noté que : « Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publique, par voie électronique, une synthèse des observations du public ». Point nouveau qui n’a jamais été appliqué pour la consultation de 2011 concernant l’introduction d’ours en Béarn.
Dans un objectif d'efficacité de l'action administrative, un autre amendement prévoit de laisser à l'autorité administrative la possibilité de mener les consultations des commissions spécialisées en parallèle à la consultation du public, voire avant celle-ci. A défaut, les procédures "seraient mécaniquement allongées", justifie le Gouvernement.
Le Gouvernement a par ailleurs fait supprimer l'obligation d'adresser à l'ensemble des conseils municipaux concernés le projet de décision et sa note non technique, obligation jugée "disproportionnée" par rapport à l'objectif recherché.
Du nouveau pour la montagne
Il est évident que pour beaucoup de projets concernant la montagne, la procédure d’information et d’élaboration s’appliquera. Et il ne s’agit pas que des extensions de stations de ski et équipements touristiques. Y seront également soumis les constructions et agrandissement de refuges, les créations de chemins, les lâchers d’animaux, ours et autres, les constructions d’infrastructures routières…. Mais aussi les équipements de falaises et les événements ponctuels comme les manifestations du type compétitions ou grands rassemblements. Nous avons déjà vu des compétitions de ski alpinisme soumises à une étude d’impact.
Et qui fera l’objet d’une consultation ?
Pas les intéressés mais les populations concernées c’est-à-dire essentiellement les communes et les habitants des communes impactés. Ce qui aurait pour conséquence d’éliminer de la consultation et même de l’élaboration du projet des usagers citadins au profit des acteurs locaux des vallées de montagne pas forcément usagers mais concernés par les aménagements de leur territoire.
Voilà une situation qui pourrait bien être nouvelle en déplaçant l’influence lobbyiste des environnementalistes vers les populations locales et leurs élus qui étaient, pour certains projets, exclues des décisions. Ceci n’empêche pas que toute personne a droit à l’information quel que soit son lieu de résidence.
D’autres dispositions concernent les terres agricoles et la protection des bassins versant et aires de captage. Le risque de gel de certains terrains à toute activité n’est pas à exclure avec des conséquences économiques et sociales non négligeables qui pourraient se rajouter à l’application de la directive « Nitrate » et aux trames vertes et bleues à venir. Là aussi, des dispositions pourraient bien trouver leurs limites dans les activités et équipements de loisirs.

Si l’information du public est une bonne chose, la lourdeur des procédures risquent d’allonger les délais de réalisation des projets des collectivités locales ainsi que le coût des investissements. Pour certaines entreprises privées, le risque de délocalisation vers des pays moins regardant n’est pas à exclure avec les conséquences que ceci peut avoir sur les emplois. Un bien peut cacher un  mal. Dans l’immédiat, nous pouvons penser que plusieurs projets en montagne seront impactés. Nous notons que dans les pyrénéens, pour ne citer qu’une partie de ce massif,  seront concernés le projet d’extension de Piau-Engaly si tant est qu’il soit encore d’actualité, la remontée lourde de la station de ski de Luz-Ardien, le projet d’extension de la station de ski de Cauterets et la liaison avec Luz-Ardiden, l’introduction d’ours pour laquelle une consultation a déjà eu lieu, une éventuelle et hypothétique TCP (Traversée Centrale des Pyrénées par chemin de fer) devenue une arlésienne, etc… sans parler de projets d’installations hydroélectriques déjà compromises par les trames bleues. Par contre la procédure d’introduction de bouquetins ibérique dans les Pyrénées n’est pas remise en cause puisqu’engager avant le 1 janvier 2013.
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