Les paysages de Fontainebleau menacés par les monstroplantes

Bonjour,

Phytolaque Photo : Yann Dumas
Voilà presque 4 ans que Thierry Pain a lancé la lutte contre le Phytolaque, avec un certain succès.Nous avons relayé plusieurs fois ses cris d'alarme et les opérations d'arrachage. Mais le Phytolaque ou Raisin d'amérique n'est hélas, pas la seule plante envahissante qui à menacer nos éco-systèmes. Sans intervention,  les paysages du Pays de Fontainebleau pourraient changer radicalement d'aspect.

Certes ces paysages ont beaucoup évolués depuis le 19ème, certes c'est bel et bien l'homme qui les ont forgé d'abord en plantant des chênaies puis en introduisant les pins, mais est-ce une raison pour laisser l'Ailante, un arbre venu de Chine, couvrir notre forêt ? Car oui, au Phytolaque, s'ajoute bien des espèces invasives à croissance rapide. C'est le cas de la fougère Aigle, du Robinier, des pins mais aussi des cerisier tardifs et de l'Ailante.

Elles ne réussiront peut-être pas à submerger nos forêts... si suffisamment de bénévoles s'adonnent avec détermination et optimisme à leur arrachage. Pour réussir, il suffit de s'y mettre, comme on le constate sur les parcelles dont les parrains font preuve de sérieux (voir lien en bas d'article).


Eh oui, Franchard au début du XXième n'était pas couvert de Pins !

Si tous les grimpeurs, randonneurs, etc. acceptaient de consacrer quelques heures par mois à l'élimination, nous réussirions très vite !

Nous relayons donc une nouvelle fois l'appel de Thierry sur le Phytolaque et recommandons aussi l'arrachage systématique des plants d'Ailante que vous croiserez (il y en a dans les propriétés privées non loin de la Gorge aux Chats par exemple). Attention, ces deux plantes sont toxiques et à manipuler avec des gants.

Nous vous rappelons aussi que tous les documents qui nous sont utiles sont disponibles sur notre boîte à outil ou ici, dans notre bibliothèque communautaire :
le site d'information http://latribunelibredebleau.blogspot.com met à la disposition de tous les passionnés de nature et de sport de plein air les publications dont il dispose pour la rédaction de ses article ayant trait à la sauvegarde de la forêt de Fontainebleau ou à la protection des libertés de ses usagers...

L'Ailante
























Le PHYTOLAQUE
Phytolacca decandra
(Syn. P. americana, P. acinos)

LA PLANTE - Le Phytolaque, ou Raisin d’Amérique, se reconnaît aisément à ses vigoureuses (mais creuses) tiges rouge violacé, rameuses (c’est-à-dire se subdivisant en rameaux secondaires), atteignant un diamètre de 4 cm et une hauteur de 1 à 3 mètres. Ses fleurs blanches en épi dense donnent à partir du mois d’août des fruits noirs « en grappes de raisin ». Lorsqu’on s’est familiarisé avec cette plante, on en repère sans difficulté les nouvelles pousses au printemps et même les très jeunes sujets. En hiver, on le retrouve sous la forme de cannes blanchâtres cassées. Ses graines sont dispersées par les oiseaux sur de vastes territoires et son aire de distribution ne cesse de s’étendre.

En Ile-de-France, outre Saclay et la forêt des Grands Avaux en Essonne, la forêt de Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines, on le rencontre surtout dans les forêts de Fontainebleau, des Trois Pignons, ainsi qu'à la Commanderie, Darvault et Nanteau, où il s’ajoute à d’autres invasives très gourmandes telles que l’Ailante, le Robinier et le Cerisier tardif. Il apprécie particulièrement les clairières créées par la coupe ou la chute d’arbres, favorisant la levée de nombreuses graines en dormance, et il prospère ensuite dans tout l’éventail de luminosité possible. En fait, il apparaît un peu partout, et même parfois au contact des grès. Pour l’instant, il ne vient que frôler les platières (vu et arraché près de la mare aux Joncs en juillet 2008). Il se déchaîne, hélas, dans quelques réserves intégrales où il bénéficie d’une impunité totale, puisqu’il est actuellement interdit d’y intervenir.
Photo Yann Dumas


Il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter si l’on ne rencontrait que des individus épars de cet élégant végétal. Hélas, il constitue rapidement, voire dès son apparition, des colonies qui comptent des centaines, puis des milliers de plantes enlaidissant la forêt. Il est classé comme peste végétale par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) qui fêta naguère son 50ème anniversaire… à Franchard, haut lieu de la forêt de Fontainebleau

Le Phytolaque fut introduit d’Amérique du Nord à partir de 1600 par des voyageurs espagnols, français et portugais et on utilisa le jus de ses fruits comme colorant pour le porto, les bordeaux rouges ratés, la charcuterie et la pâtisserie, ainsi que pour élaborer des encres et comme pigment en papeterie.

Il semble que son utilisation dans l’alimentation n’ait pas eu d’effets réellement désastreux chez l’espèce humaine, quoiqu’il soit purgatif ; plus grave, la consommation de ses feuilles et de ses racines peut provoquer l’avortement des vaches, la mort des chevaux et des porcs et des dommages chez les moutons et les chèvres. En forêt, on constate parfois que des jeunes feuilles, peu toxiques, sont activement broutées, ce qui limite la floraison. Aucune mortalité de chevreuils ou de cerfs n’a pu lui être imputée avec certitude, mais en cas de baisse des effectifs il conviendra de chercher à savoir s’il y a un lien de cause à effet.  Les oiseaux (grives, merles, tourterelles), dont la température et les sucs digestifs ne sont pas ceux des mammifères, mangent ses baies en abondance et sèment ses graines dans leurs fientes.

Chez les humains, des soins médicaux, voire une hospitalisation, sauvent la vie de la plupart de ceux qui en ont manipulé sans précautions ou consommé. Outre des effets inflammatoires cutanés, on évoquera une modification de la proportion de leucocytes, des affections cardiaques, des diarrhées sanglantes « incoercibles », des brûlures buccales, œsophagiennes, gastriques, des vomissements, des embolies, des attaques rénales, etc. Comme pour d’autres plantes toxiques, cela n’empêche pas d’en tirer des molécules utilisées en pharmacologie, notamment en homéopathie. Il contient une protéine anti-virale, étudiée pour lutter contre le sida. Ses applications médicales en justifient la culture, mais il convient alors d’empêcher, par des filets ou autres, la dispersion de ses graines.

Le pire, c’est que le Phytolaque provoque des catastrophes en détruisant la microfaune et la microflore du sol, c’est-à-dire la base de la biodiversité. Les vers de terres, acteurs majeurs de la fertilité des sols, disparaissent. Presque rien ne vit au pied des Phytolaques, ni sur ses fleurs qui n'attirent quasiment pas d'insectes. Ses vastes peuplements interceptent l’eau de pluie, celle du sol et la lumière. Il consomme beaucoup d’humus. Les glands privés de lumière ne germent plus ou les plantules meurent, les graminées disparaissent, obligeant les grands herbivores à se rabattre sur les cultures si l’invasion s’aggrave. Les champignons ne viennent plus nous régaler la vue ni les papilles. C’est pourquoi il convient de préserver la santé de nos forêts, en l’occurrence celle de Fontainebleau, menacée une fois de plus. Dire qu’on en trouve en jardineries et dans des catalogues de graines (peut-être l'origine de l'invasion en Ile-de-France) ! Bien sûr, d’autres plantes (Fougère aigle, par exemple) occupent le terrain sans partage, mais ce n’est pas une raison pour en ajouter.

ACTIONS PROPOSEES

Nous proposons surtout un (CO-)PARRAINAGE DE PARCELLES. Dans ce cas, vous vous engagez moralement à couper ou, mieux, arracher les phytolaques (et, le cas échéant, les jeunes ailantes et cerisiers tardifs) plusieurs jours par an dans un ou plusieurs secteurs, que vous pouvez partager avec d’autres parrains bénévoles. Cette action connaît un grand succès, les deux tiers des parcelles infestées étant parrainées au bout de 2 ans. L'objectif est d'atteindre le nombre de 500 bénévoles, soit environ 3 par parcelle, pour pallier les défaillances involontaires dues aux aléas de la vie et permettre à tous de garder du temps pour continuer à pratiquer la randonnée, l'escalade ou autre
Photo Mireil


LE PLUS EFFICACE : L'ARRACHAGE de la plante, à l’occasion de chantiers spécifiques, donne immédiatement d’excellents résultats. Bien entendu, un suivi régulier est nécessaire jusqu’à épuisement du stock de graines dont la germination est favorisée par le piochage, mais aussi par le vermillage (sangliers) et plus encore les travaux forestiers, hélas parfois rendus nécessaires par le dépérissement de certaines essences, surtout le chêne pédonculé ; curieusement, là où les plantes ont été arrachées, on ne constate parfois quasiment pas de levée après l’intervention, mais dans la majorité des cas des dizaines de milliers de plantules surgissent et nécessitent de nouvelles journées de travail facile mais long. Malheureusement, le civisme n’est pas en vogue et les bénévoles ne se bousculent pas pour pallier l'apathie des pouvoirs publics. Si nous vous convions évidemment à venir partager nos ébats du 1er janvier au 31 décembre (renseignements : Thierry PAIN* au 01 39 82 67 soixante dix huit ou Lionel ROTH* au 01 49 82 58 cinquante quatre), nous vous proposons aussi une action plus improvisée visant à limiter l’extension du fléau : la bastonnade, ou l’art de randonner avec les mains.

Une douzaine de personnes munies d’un bâton (et de préférence d’une paire de gants de jardins, à demander sur les programmes d’activités des associations) peuvent, en 20 minutes, réduire à néant la production de graines de 1500 Phytolaques (mathématiquement, 6 phyto par minute x 20 x 12 participants = 1440). Sachant qu’il y a 10 graines par baie, presque toutes viables, dans une grappe de 20 à 60 baies, et en moyenne 10 grappes par plante adulte, calculez votre efficacité. Les tiges creuses se cassent au premier coup. Il faut veiller à ce qu’elles soient sectionnées  (et pas simplement pliées) le plus près possible de la base (à partie de fin août, laisser 40 cm de tige pour permettre l'arrachage en hiver). Un manche de binette fait merveille et coûte moins cher qu’un bâton de marche. Une machette rend également de grands services.

A l’occasion des chantiers d’arrachage, une pioche, une houe et, mieux encore, une serfouette à lame large (dite pioche de cantonnier), compte tenu des dimensions de la racine en forme de navet, sont recommandées; pour les personnes craignant un outil trop lourd pour elles, je conseille le piochon, sorte de petite pioche  dont le manche peut se séparer du fer et se loger aisément dans un sac à dos ; on doit en trouver dans des magasins de surplus militaires, peut-être au Vieux Campeur ; on nous a parlé d'un autre outil, la gibinette ; surtout, n’oubliez pas vos gants de jardin. Sinon, outre le contact avec des organes toxiques, gare aux ampoules ! Il n’est pas nécessaire d’arracher tout le pivot, qui meurt dès qu’on le coupe quelques centimètres sous le collet. Saisir le collet sectionné quelques centimètres sous la surface du sol, et tirer pour extraire les racines horizontales superficielles, parfois longues de près d'un mètre, dont les extrémités cassées et restées enfouies ne donnent pas de rejets. Un croissant à long manche, une faux, etc., sont conseillés pour l’après-midi, si les muscles commencent à fatiguer. Dans ce cas, évidemment, on se limite à empêcher la dissémination des graines, si possible en entassant les tiges coupées. Le fauchage ou la bastonnade, donc l’absence de graines, constitue la meilleure solution à court terme, car l’arrachage prend plus de temps et il faut absolument enrayer la dispersion de nouvelles graines.

Alors, pourquoi ne pas programmer des sorties dans des secteurs très atteints (une centaine de parcelles) et consacrer du temps à agir plutôt qu’à se lamenter sur la situation ? Il est encore temps pour que la forêt ne devienne pas un champ de ruines. A Compiègne, faute d’action, 95% des parcelles sont touchées par le Cerisier tardif. A terme, que restera-t-il des futaies? Plutôt qu’attendre un éventuel prédateur indigène ou une hypothétique régulation spontanée, il nous faut intervenir sans délai… et sans produits chimiques ! C’est aussi le cadre de nos loisirs en forêt qui est en jeu.

Une CARTOGRAPHIE DU GANG DES TROIS (Phytolaque, Cerisier tardif, Ailante) a été réalisée, mais risque de présenter des lacunes. Merci de nous signaler la présence de fortes populations de ces espèces en indiquant le n° de parcelle et une localisation aussi précise que possible. En ce qui concerne les petites populations, merci de les éradiquer au passage (n’oubliez pas les gants !).

Site Internet : http://phytolaque.wifeo.com

Renseignements t.pain@orange.fr
Merci d’avance au nom de la nature.

*Lionel ROTH est chercheur retraité de l’INRA, conservateur du jardin de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort. Thierry PAIN, traducteur, est membre de la Commission des Réserves Biologiques de la forêt de Fontainebleau et coordonnateur de la cartographie des Orchidées de l’Essonne (à ce titre, il organise aussi des chantiers de protection d’orchidées).

Liens :
liste des parrains des PF


Un très bon article sur les éspèces invasives en général



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2 commentaires :

  1. Lors du clean-up de dimanche, je suis tombé sur plusieurs pieds en plein milieu de Cuvier. Aussitôt arraché !

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  2. Bonjour,
    En essayant d'identifier un arbre inconnu de nous, on tombe sur votre blog. Super!
    Je pense donc que c'est des Aliantes que j'ai vu la semaine dernière à proximité de la Fontaine Sanguinède (parcelle 262). Ce qui m'étonne, c'est qu'il y avait beaucoup de rejets, mais aussi des arbres très hauts. Pourquoi n'auraient-ils pas été abattus s'ils sont si nocifs? (j'ai fait des photos mais je ne vois pas comment vous les envoyer! )
    Je crois en avoir aussi aperçu ce matin sur la route reliant Chailly-en-Bière à La Glandée.
    Pour les Phytolaques, j'étais déjà au courant, je les élimine dès que j'en vois, mais je n'en ai pas encore croisé cette année. Il en pousse même dans mon jardin ( à Chailly-en-Bière) et dans le jardin de ma mère (à Perthes). On va avoir du mal à s'en débarrasser, ils ont l'air d'adorer la région!!!Hihi
    Cordialement
    Dominique

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