La muraillette de Glandelles en Seine et Marne est interdite à l'escalade

Connaissez-vous la Muraillette de Glandelles ? Cette micro falaise du sud Seine-et-Marne est désormais interdite à l’escalade ! En effet, comme la grande majorité des sites naturelles d’escalade de France, la Muraillette a été déconventionnée par la FFME enfermée dans sa politique administrative et financière. Alors, certes, ce n’était pas le spot du siècle mais c’était la seule falaise de Seine et Marne. Un site très intéressant par sa géologie particulière, exploité par les carriers pendant des décennies puis laissé à l’abandon pour le plus grand bonheur de quelques grimpeurs (dont beaucoup de scolaires et clubs locaux) depuis les années 70. Tellement à l’abandon que la végétation avait lentement repris ses droits au point qu’un petit bois de chênes occultait la Muraillette depuis la route. Mais voilà, c’était sans compter sur la nécessité pour le Département d’augmenter le nombre d’espaces naturels sensibles (les ENS) pour protéger ce qui peut encore l’être des hordes de visiteurs. Du coup, ce secteur va devenir très rapidement un ENS. 


Et, il vrai qu’une fois le petit bois rasé, la mise en lumière des parois favorise très certainement la flore et la faune fragile et menacée spécifiquement adaptée à ce milieu brûlant et ultra sec (oui ça existe !) Mais à quel prix ? Par ailleurs,  « sensible » ne veut hélas pas dire « protégé » ! Alors on ne va pas jouer les David, les possibilités de grimper en extérieur ne manquent pas dans le secteur mais juste rappeler à nos amis de Seine et Marne Environnement que créer des ENS c’est bien mais qu’il faut aussi s’en occuper. Nous sommes toujours stupéfaits de voir ce qu’on laisse faire dans certains ENS péri-urbains (motocross, feux de camp, BBQ, destructions de nids, jets de poubelles…) Alors, bien entendu, il est difficile de mettre des « gendarmes » derrière chaque arbre mais quand même !

Notons aussi au passage que si le Département avait sans doute prévenu quelqu'un à la fédé, les grimpeurs n'ont pas été consultés et que de nombreux clubs locaux et groupes scolaires utilisant cette microfalaise se sont donc retrouvés sans solution de repli autre que le mur artificiel et payant de la base de Buthiers... Bref, rien à voir avec l'idée d'apprendre à grimper en site naturel et c'est dommage, car les grimpeurs pouvaient sans doute aider à la protection de l'ENS...

Bref, la Muraillette de Glandelles, devenue officiellement les Carrières de l’Enfer, était escaladée par quelques jeunes chaque mois mais on était loin de la sur-fréquentation et les risques pour la faune ou la flore étaient très minime. Les premières voies y avait été défrichées par Messieurs Alzieu et Fougère du groupe escalade et montagne, loisir et culture de la société SOVIREL, dans les années 1970. Les premiers pitons avaient cédé leur place aux spits au milieu des années 90 grâce aux  moniteurs de la base de loisirs de Souppes-sur-Loing avant d’être mis aux normes fédérales en 2007 par le comité régional de la FFME, sous l’égide de JC Beauregard et avec l’expertise de Eric Fleury. Il faut dire que la géologie très particulière du site favorise une escalade de niveau intermédiaire sur ces 8 m de haut pourtant verticaux voir légèrement déversant. 

En effet, cette petite falaise est constituée de poudingue de Nemours c'est à dire une roche à conglomérats. Le site est à ce titre recensé à l’Inventaire National du Patrimoine Géologique sous l’appellation « Les Conglomérats de Nemours de Glandelles et Portonville à Poligny » - « site n°2 Glandelles ». Par ailleurs, le site de Glandelles représente le seul affleurement bien conservé et facilement accessible, des poudingues de Nemours d’âges yprésien et ludien. Son contact avec le Calcaire de Château-Landon ou de Souppes, bien visible, en fait un site stratigraphique important. Ces poudingues yprésiens et ludiens, remarquables et rares dans la région, témoignent de la présence de fleuves répartis sur le bord du bassin. Le fleuve yprésien provenait certainement du Massif central et circulait sur les auréoles jurassiques et crétacées du sud du bassin de Paris. Le fleuve ludien acheminait les sédiments conglomératiques depuis le sud vers les environnements lacustres du Gâtinais plus au nord. Bref, c'est pas commun et n'a pas d'équivalent, y compris pour les grimpeurs, en Ile-de-France.

En dehors de ces microfalaises, l'intérêt du site pour la création d'un ENS résident dans les possibilités de préservation de la faune et la flore des milieux ouverts secs (notamment  les dalles et corniches calcaires, pelouses calcicoles très sèches) ou semi-ouverts (fourrés calcicoles secs, fourrés mésophiles et ourlets) qui subsistent encore. Ces milieux ouverts et semi-ouverts sont caractérisés par des cortèges floristiques et faunistiques diversifiés et présentent un intérêt qualifié de "primordial, puisque d’une part ils sont d’intérêt régional, souvent rares et/ou en régression et d’autre part, ils permettent d’enrichir la diversité et la valeur globale des habitats de l’ENS" par l'audit environnemental préalable au projet. 

Les habitats naturels du site présentent un état de conservation moyen à bon et un niveau de fonctionnalité assez bon. Localement, notamment au niveau des zones d’affleurement rocheux, on peut retrouver un état de conservation qualifié de mauvais. On vous passe l'inventaire détaillé pour se concentrer sur la flore. 322 espèces végétales ont été recensées sur le périmètre des Carrières de l’Enfer. Ces espèces représentent 17 % des 1842 espèces inventoriées en Seine-et-Marne. Ce chiffre important s’explique par la forte prospection sur le périmètre de l’ENS. Une part non négligeable d’espèces remarquables est recensée avec 37 espèces patrimoniales dont 3 espèces protégées et 19 espèces menacées au niveau régional.

L’ensemble du site était caractérisé par un paysage ouvert. Même si la pauvreté des sols et l’exposition ont retenu le processus de fermeture naturelle des milieux, ce phénomène était probablement maitrisé grâce au pastoralisme. A partir des années 1940, le site se transforme en carrière d’exploitation de calcaire. Entre les années 1950 et les années 1965, les coteaux se referment et évoluent vers un boisement de plus en plus dense. L’exploitation de la carrière de craies blanches et des sables semble s’arrêter à partir des années 1980. En 1987, le site est presque entièrement boisé.

Effectivement, comme forêt de Fontainebleau, les habitats ouverts sont menacés en raison de la disparition de certaines activité humaine et surtout de la dynamique végétale naturelle. Si certaines espèces s’en accommodent plus ou moins, d’autres, héliophiles, voient leur population se réduire du fait du manque de lumière. Les fourrés, puis les boisements jeunes qui prennent la place des milieux ouverts, et le site perd alors en diversité et en intérêt biologique. Du coup, et compte tenu de l'intérêt de la faune et flore localement présente sur ces petits bouts de cailloux, le site a été totalement passé à la gyrobroyeuse ! Mais nul doute que sa mise en lumière brutale, si elle ne grille pas totalement les plantes, favorisera certaines espèces en danger local (mais pas à l'échèle nationale ou européenne). Parmi elles, deux espèces de fougères aimant particulièrement nos parois auraient soit disant fait les frais de la pratique de l'escalade !

En effet, les grimpeurs seraient coupables de la quasi disparition de la Doradille de Billot (Asplenium Billotii) _ argument déjà entendu à Fontainebleau il y a plus de 30 ans _ et la Doradille du Nord (Asplenium septentrionale) en danger critique et extrêmement rare en Ile-de-France, espèces héliophiles des falaises et rochers siliceux. Elles sont heureusement plus fréquentes en montagne. Nous avons déjà écrit à plusieurs reprises que si les naturalises ne partagent pas leurs connaissances de la localisations de ces plantes fragiles avec les grimpeurs (c'est aussi valable pour les mousses et lichens) elles ne peuvent être correctement protégées par les pratiquants. Notez que ces deux espèces ont tout aussi bien pu disparaitre du simple fait de la couverture végétale qui supprimait totalement l'ensoleillement de la falaise ! Seuls quelques pieds subsistent sur un rocher non escaladé et en bord de route. Malgré les efforts de gestion, guidés par le CBNBP, le nombre de pieds diminue toujours.

Toujours dans les plantes, l'Aster linosyris (Galatella linosyris), en danger et extrêmement rare en Ile-de-France, une espèce héliophile qui apprécie les milieux secs et chauds tels que les ourlets calcicoles et thermophiles devrait à nouveau s'épanouir. La station des Carrières de l’Enfer présentait plus de 1900 individus en 2017. C’est la seule station subsistant au sud de l’Ile-de-France. Les autres stations encore existantes sont localisées au nord-ouest de la région. Toutes les stations connues entre ces localités ont disparues, y compris dans le massif de Fontainebleau.  On trouve aussi la Buplèvre du Mont Baldo (Bupleurum baldense), une plante à fleur en danger critique dans l'Ile-de-France dont c'est la limite géographique, est une espèce héliophile qui apprécie les milieux secs et chauds comme les pelouses rases calcicoles. Aux Carrières de l’Enfer, cette espèce extrêmement discrète a été découverte très récemment lors d’une prospection ciblée du CBNBP (mai et juin 2019). Elle était historiquement mentionnées sur des sites proches et présentant des caractéristiques écologiques similaires. Seuls quelques pieds extrêmement localisés sont présents sur le site. 17 individus ont été dénombrés en juin 2019.

L'ENS devra donc faire l'objet d'un pâturage important pour éviter sa re-couverture forestière mais les les ovins et caprins devront éviter ces plantes rares ! Le site sera sans doute ouverts aux visiteurs qui seront guidés sur les allées de part et d'autre des clôtures. Bref, souhaitons que cet ENS soit mieux entretenu que tant d'autres en Seine et Marne. Quant à la réouverture de la falaise aux grimpeurs, si elle nous semble compromise, elle reste tout à fait possible et nous sommes certains que les grimpeurs locaux auront à cœur d'aider les naturalistes et le Département à la préservation des espèces cohabitant sur ce petit bout de cailloux. A voir... 

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1 commentaire :

  1. Bonjour,
    Concernant la muraillette de Glandelles, quel crève-coeur ! C'est un site que j'entretenais régulièrement depuis 2005, chaque printemps, pour permettre aux clubs de continuer d'y accéder, et où je grimpais toutes les semaines. Quelques mois avant la fermeture du site et la sidération de voir les arbres rasés, je venais de brosser 3 nouvelles voies. Maintenant, j'y croise des boucs qui broutent...tout ! J'ai espoir qu'un accord puisse être trouvé pour y permettre de nouveau l'escalade.

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