Il y a quelques jours, nous avons partagé sur notre page facebook, un post de notre ami François Lesca à propos de l'interdiction totale de pratique de l'escalade et de l'alpinisme dans le Sancy après 10 ans de procédure. Son commentaire suite à la diffusion d'un reportage sur France3 a suscité beaucoup de réactions. François a donc rédigé l'article qui suit (que nous avons parfois un peu retouché pour des questions de longueur). Comptez 25 minutes pour le lire. Au-delà du cas spécifique de cette réserve, ce dossier et son traitement par les administrations met clairement en évidence un risque d'interdiction des sports et loisirs de pleine nature au nom d'une mise sous cloche réclamée par bon nombre de naturalistes. Une interdiction qui plane aussi à Fontainebleau, massif forestier aux multiples classements et qui abrite un très grands nombre d'espèces animales et végétales protégées. Nous vous recommandons la lecture de la remarquable étude en fin d'article. Merci François pour ton investissement sur ce dossier et bonne lecture !
Dix ans de démarches balayés d'un coup de téléphone !
L’objectif était de lever définitivement l’interdiction de pratique de
l’alpinisme dans la Réserve Naturelle Nationale de Chastreix Sancy. Des
milliers d’heures de travail. 100.000€ d’argent
public. Tout cela balayé par pur caprice. Avant de refermer définitivement ce
dossier il est important de raconter ce qu’il s’est réellement passé. Par
quelle magouille l’alpinisme a pu être interdite dans nos montagnes, qui peut
décider du devenir d’un massif et d’y imposer ses règles à sa convenance. Et plus
grave encore pourquoi l’ensemble des activités sportives sont maintenant
menacées à l’échelle nationale dans les espaces naturels.
Loin de moi l’idée d’une « déclaration de guerre », mon engagement débuté en
2007 s’arrêtera à la fin de ce document et je ne souhaite pas en parler à la
presse, je n’en ai plus le courage. Mais pour tous ceux qui se sont investis
dans ce dossier (pratiquants de la montagne, Fédérations, communauté de
Commune, services de la Préfecture, Elus locaux, Députés, Sénateurs, Ministres,…)
il fallait raconter cette histoire puisque la plupart n’ont eu connaissance que
de certaines parties du dossier. Mais aussi parce que les interdictions vont
aller crescendo dans le futur et qu’il est important de comprendre pourquoi.
N’y voyez pas un « déballage d’une personne aigrie », je me suis au
contraire retenu d’écrire beaucoup de chose parce qu’au cours de ces 10 ans, le
petit groupe de travail que nous sommes s’est bien souvent « cogné la tête au
plafond » en écoutant des choses qui dépassent l’entendement… j’ai aussi rendu
anonyme certaines personnes ou laissé vagues certaines sources pour ne
pas nuire aux personnes en responsabilité à différents niveau dans
l’administration de l’environnement qui nous ont aidé.
Le contexte :
Règlementé par l’article L 332-1 du code de
l'environnement, une Réserve Naturelle Nationale (RNN) est une zone où la
biodiversité est remarquable mais nécessite des mesures de protection.
Chronologiquement un dossier scientifique doit être élaboré puis le projet doit
être soumis à enquête publique avant le classement par décret.
Pour la RN Chastreix-Sancy le dossier scientifique est créé en 1999. Tous les
aspects « remarquables » du site y sont mentionnés et les menaces décrites. On
y lit par exemple les formations prairiales: « Le surpiétinement touristique
est une menace aiguë à prendre en compte ». A propos des landes subalpines : «
La principale menace est la destruction par le piétinement humain sur les
crêtes ou par les travaux liés aux aménagements pour le ski alpin ». Concernant les activités touristiques et sportives, elles doivent être
énumérées puis des arguments doivent être apportés en cas de besoin de
réglementation de celles-ci. La règle est claire : « les activités
en accord avec les objectifs de protection de la réserves seront maintenues
».
Avec les travaux liés aux stations de ski c’est le piétinement humain
qui est la menace la plus souvent citée, surtout lorsqu’il s’effectue hors
sentiers. On peut lire: « Randonneurs et promeneurs : La
sur-fréquentation de certains de ces itinéraires est un des risques majeurs
pour la conservation des biotopes sensibles». ‘’Un des risques majeurs’’ et
pourtant la randonnée pédestre sera autorisée dans le décret. « On peut
signaler la pratique montante du parapente avec accès pédestre des pratiquants
» : le parapente sera aussi autorisé. Concernant la pêche il est mentionné que
« la pêche est inexistante». D’ailleurs pour les groupements fontinaux et
ruisseaux il est indiqué comme menace : «…peut le dégrader voir le détruire par
sur-piétinement et eutrophisation… » Cette activité inexistante dans le
périmètre de la RNN sera pourtant autorisée!!! La chasse le sera aussi.
Concernant l’escalade et l’alpinisme : pas un seul mot, pas une seule
critique. Ces activités seraient-elles inconnues des instructeurs ?
Impossible pour l’escalade puisque figure dans le dossier une « carte des
activités sportives » (doc 2) où sont mentionnés ski hors-pistes et
escalade. L’écartement est volontaire. Nulle part le dossier de la RNN n’évoque
ces activités pourtant pratiquées depuis plus d’un siècle pour l’alpinisme (la
section du Club Alpin Français, (CAF) créée en 1874 fut la deuxième de France)
. C’est d’ailleurs une faute puisque l’article R. 332-6
du code de l’environnement impose de « consulter la Commission Départementale
des Espaces, Sites et Itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI) lorsque
le projet de classement a une incidence sur les sports de nature». En effet la
CDESI fournit une liste des activités pratiquées sur le territoire et les
porteurs de projet doivent ensuite argumenter une potentielle règlementation ou
restriction d’activité. Confirmé en 2011 par la personne responsable de
la CDESI à l’époque : « la CDESI n’a jamais été consultée ». Y aurait-il des
raisons d’interdire ces activités ? En 2010 après avoir interrogé le
gestionnaire de la RN à ce sujet il me répond: « il n’existe pas de document
présentant des menaces potentielles liées à l’escalade ou à l’alpinisme dans la
RNN Chastreix ».
Les sites d'escalade interdits dans le Sancy Source Tous les documents sont issus de l'étude publié en fin d'article |
Un dossier mal instruit, peut être intentionnellement !
1°l’enquête publique de 2003
Le projet de Réserve Naturelle terminé il doit être soumis à enquête publique selon l'article R332-3 du code de l’environnement : « Le dossier soumis aux
consultations et à l'enquête comprend : (…)5° _La liste des sujétions et des
interdictions nécessaires à la protection de la réserve ainsi que les
orientations générales de sa gestion ». Ces enquêtes publiques ont lieu en été
2003.
Plutôt qu’une liste claire d’interdiction ce sont des documents flous qui
sont présentés : le Club Alpin Français (CAF, aujourd’hui FFCAM) y dépose un
courrier : « Dans le dossier présenté, les activités sportives autorisées ne
sont pas totalement claires d’un document à l’autre. Si la randonnée pédestre
et équestre, le ski alpin et nordique restent libres dans tous les cas, par
contre le parapente est autorisé dans l’un mais interdit dans un autre. D’un
côté, le VTT est permis sur les chemins existants, mais il est ignoré par
ailleurs. Quant à l’escalade, elle ne paraît pas être connue des créateurs de
la réserve, bien que les deux côtés du Verrou (sites équipés pour l’école
d’escalade dans le Val de Courre) et le Val d’Enfer y soient inclus ».
La Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade (FFME) en fait autant
(doc 3): « Nous sommes inquiets également en ce qui concerne l’Alpinisme
dans les magnifiques couloirs, goulottes et cascades du Val d’Enfer et du Val
de Courre. Lire dans ce même article que «l’escalade ne paraît pas être connue
des créateurs de la réserve» nous afflige énormément alors que le Comité
Départemental de la F.F.M.E. à toujours essayé au travers de sa politique de
concilier le développement touristique, la préservation du patrimoine le
respect de l’environnement avec la pratique sportive comme en témoignent
notamment les actions suivantes ... ».
En 2008 à la sortie de notre première réunion en préfecture (début de la
démarche en vue de réintroduire les activités d’escalade et d’alpinisme) nous
avons la confirmation de l’écartement volontaire de nos activités puisque la
personne qui fut en charge de la création de la RNN me dit entre deux portes: «
si le CAF n’avait pas dit à l’enquête publique qu’il voulait développer
l’alpinisme nous n’en serions jamais arrivé là » et termine en me disant « tant
que je serai là vous ne ferez jamais d’alpinisme ».
Effectivement dans le résumé du commissaire enquêteur on peut lire (doc
4): « Le CAF (…) souhaite un développement du ski de randonnée, de
la raquette à neige ainsi que de l’escalade rocheuse ou glaciaire ». Pourtant
le courrier original du CAF dit (doc 5) : « les sports de plein air
autorisés doivent inclure partout le ski de randonnée et la raquette à neige
ainsi que l’escalade rocheuse ou glaciaire sur toutes les zones Nord du Sancy
».
Contacté en avril 2010 par téléphone le commissaire enquêteur me dit (doc
6): "Je vous certifie que jamais je n'ai eu la moindre intention de nuire
à vos activités. C'est totalement par erreur, inattention que j'ai mis ce mot
‘’développement’’. Si j'avais su, j'aurais mis "maintien", je suis
bien conscient que le courrier du CAF allait dans le bon sens par rapport à la
Réserve". (…) A l'époque de l'enquête, qui s'est déroulée dans un climat
très tendu, (principalement avec les propriétaires), tout était chapeauté par M.xx
et s'est arrangée pour "arranger a sa sauce" certaines conclusions de
l'enquête, et elle a utilisé mon erreur de vocabulaire pour faire croire à une
volonté de votre par de "développer, dans le mauvais sens" vos
activités (infrastructures, augmentations massives, etc...). (…) son but était
de réduire au maximum le nombre de personnes qui pouvaient entrer dans la
Réserve(…) Je suis d’accord pour vous apporter tous les éléments nécessaires
et vous apporter mon aide pour corriger cette injustice qui est en parti de ma
faute mais involontaire si le Conseil d'Etat me l'autorise".
Malheureusement un employé de la Réserve (a qui j’avais fait part de cette
discussion) contacta le commissaire enquêteur et celui-ci devint muet.
2° le projet de décret
Après l’enquête publique de 2003, le projet de décret est rédigé puis
présenté le 16 septembre 2005 à la Sous-Préfecture d’Issoire devant les Maires,
associations environnementalistes, services de l’état, CDOS. Dans la
présentation, le texte était radical puisque aucune activité sportive n’était
autorisée.
Après intervention des Maires et de Jeunesse et Sports les
associations environnementalistes se sont dites conscientes des impacts non-
significatifs des activités pratiquées jusqu’alors et qu’il n’était pas
nécessaire de les interdire mais de les réguler si nécessaire.
Du coup, dans le Projet de décret du 27 septembre 2005 il est écrit « les activités sportives ou
touristiques sont interdites à l’exception des activités de découvertes de la
réserve, de la randonnée pédestre, équestre, à vélo tout terrain, du ski alpin
et nordique, de l'alpinisme ainsi que du parapente, du deltaplane et de la
montgolfière qui peuvent être réglementées par le Préfet après avis du comité
consultatif de la réserve naturelle». L’alpinisme devait bien être autorisé.
Publication du décret définitif
C'est le 13 juillet 2007 que le décret portant création de la RN est publié. L’article
concernant les activités sportives est identique… à l’exception de l’alpinisme
et du VTT qui ont disparu !
A cette époque, très peu de monde est au
courant de la création d’une réserve naturelle. A titre personnel habitant au
pied du Sancy je n’en avais jamais entendu parler ! Dans les associations (CAF /
FFME) les bureaux directeurs ont parfois intégralement changé depuis les
enquêtes publiques (4 ans auparavant), et suite aux craintes évoquées lors de
l’enquête de 2003 le commissaire enquêteur les avait rassuré: «les pratiques
d’hiver et d’été doivent pouvoir se maintenir pour d’évidentes raisons
économiques et sociales ». Ceux qui auraient pu avoir connaissance de la
création d’une réserve ne pouvaient suspecter cette interdiction d'une part parce qu'elle ne figurait pas dans le projet initiale, d'autre part, parce que c'est la première fois en France qu'une telle interdiction est prise !
En effet au niveau local dans la
Réserve de Chaudefour qui existe depuis 1991, nos activités se pratique sans problème et remise en cause ! Au niveau national aucune
réserve de France n’interdit ces activités de montagne.
A l'exception du Cosiroc et de Daniel Taupin qui a tiré à plusieurs reprises le signale d'alarme (ndr), le milieu montagnard est encore loin de s’imaginer qu’une majorité des «
défenseurs de l’environnement » tend à interdire nos activités. D'ailleurs, les grimpeurs considèrent faire partie des défenseurs de l'environnement à travers les actions qu’ils mènent depuis
toujours. Rappelons d'ailleurs que la FFCAM est agrée par le ministère de l’Environnement depuis 1978 ! A cette époque, bon nombre d'associations montagne travaillent à se
rassembler pour lancer « l’appel pour nos Montagnes » (2011) pour unir leurs forces pour la protection de la montagne et lutter contre le réchauffement
climatique.
L’autre « courant » qui préoccupe énormément le milieu est la
surrèglementation de notre société qui tend à restreindre l’accès aux montagnes
(comme l’interdiction d’accès aux refuges de montagnes par les mineurs) ou les
problèmes d’assurances et d’accidentologie, en résulte la création de la «
Coordination Montagne » en 2012.
Imaginez donc notre stupeur lorsque nous prenons connaissance de la création de la RNN et de son
article 12 interdisant nos activités…
Voici venu le temps de réagir !
Les démarches pour supprimer cet interdit après la création de la Réserve
1°L’élaboration du dossier d’opportunité de modification du décret
La mobilisation forte des élus locaux eux aussi étonnés nous permet
l’obtention d’une réunion à la Préfecture en 2008. A la question du Préfet
quant à l’impact de nos activité sur le terrain la DREAL (DIREN à l’époque)
ainsi que le PNRVA (gestionnaire de la RNN) répondent n’avoir aucun argument «
contre ». La DREAL propose même de financer « une enquête juridique sérieuse en
vue de déterminer la possibilité d’autoriser nos activités en l’état actuel du
décret ». Le Préfet nous dit faire aussi le nécessaire en vue d’autoriser nos
activités.
2009 : Le Préfet nous annonce la réponse du Ministère : juridiquement il est
impossible d’autoriser ces activités. Le délai de recours est de 2 mois après
la sortie du décret… la seule possibilité est la modification du décret,
qui consiste quasiment à « annuler puis re-créer » la RNN. Cette démarche est
en théorie possible mais ne peut se faire avant que le plan de gestion soit
validé (le Gestionnaire a 3 ans pour le faire) et doit être étayé d’un solide
dossier contenant des études d’impact présentant l’absence d’incidence sur les
espèces et les milieux présents dans la RNN ainsi qu’une étude socio-économique
prouvant l’importance de réintroduire ces activités.
La mobilisation entre Elus locaux, Députés et Sénateurs remonte jusqu’au
Ministère et, en septembre 2009, le Ministre d’État (Mr Borloo) et la Secrétaire
d’Etat chargée de l’écologie (Mme Jouanno) indiquent que le Préfet peut
demander officiellement la modification du décret et se disent « très
favorables et souhaitons que cette procédure puisse avancer rapidement ».
2010 : La Communauté de Commune accepte la maîtrise d’ouvrage des études
d’impact. Il faut réunir près de 100.000€. Les études
d’impact doivent être réalisées par un bureau d’étude « haut de gamme » avec
des spécialistes réputés. Il y aura le soutien financier de la préfecture, des
députés, du Conseil Régional et de la DRDJS.
2013 : Nous avons aussi reçu de l’aide de nombreux organismes comme Mountain
Wilderness, le Syndicat National des Guides, le Conseil Supérieur des Sports de
Montagne, la fondation PETZL, … Les études d’impact sont réalisées pour les 2
activités : escalade rocheuse sur les sites équipés l’été, et alpinisme
hivernal. (il n’existe pas d’alpinisme estival dans le Sancy). Un dossier de
150 pages réuni les 2 années de travail pour passer « au peigne fin » tout ce
que pourrait potentiellement impacter l’escalade et l’alpinisme. L’étude va
loin : on peut par exemple voir évoqué « l’usure prématurée du rocher due aux frottements
de la corde », ou « le passage répété des grimpeurs qui peut générer un
rajeunissement des peuplements lichéniques ».
Bilan concernant l’alpinisme
hivernal : « Les conclusions de l’étude scientifique sont compatibles avec la
pratique de l’alpinisme hivernal et démontrent le caractère insignifiant de son
impact sur l’environnement ».
Concernant l’escalade : « Des discussions doivent
avoir lieu concernant les périodes de pratique mais la restriction temporaire
doit être la piste à privilégier plutôt que l’interdiction ».
Le dossier peut enfin être présenté au Conseil National de Protection de la
Nature (CNPN) avec la demande de modification du décret.
Les sites d'escalade interdits dans le Sancy |
Mais nous avons peu d’espoirs : pendant ces 6 années (2007-2013)
nous avons passé plusieurs milliers d’heures de travail sur le dossier et avons
perdu toute naïveté.
Nous avons découvert le « sabotage » lors de la création de la réserve,
déterminé les personnes ou organismes hostiles à notre démarche et leurs
raisons, compris comment les réserves naturelles fonctionnaient, ou pouvaient
fonctionner... Nous avons aussi rencontré bon nombre de personnes du milieu
environnementaliste (certains sont des montagnards/alpinistes) qui connaissent
très bien les organismes (ou en font partie) qui vont nous juger et nous ont
expliqué les ‘’petites lignes’’.
Ils nous disent : « vous allez être face à des
spécialistes dont certains sont les durs de durs, ceux qui estiment que l’homme
n’a pas sa place dans la nature et que les sportifs ne devraient pas sortir des
gymnases ». Ils nous ont expliqué que nous n’avons absolument aucune chance de
voir réintroduire l’intégralité de nos activités, essentiellement à cause de
l’escalade. « Qu’importent les résultats des études il faudra lâcher du lest ».
Nous demandons conseil aux gestionnaires de la réserve et, après de nombreux
échanges, il apparaît défendable de conserver le site d’escalade du Verrou du
Bas. L’étude socio-économique a déterminé qu’en tant que site école « il ne
trouve pas son équivalence ailleurs dans le département », ce secteur se
situant à 60 mètres du sentier de randonnée, à 150 m de la limite de la RNN, et
à 500 m du parking. Ainsi la RNN estime que « La canalisation des
pratiquants est possible (…) et il est possible d’instaurer des mesures
permettant de limiter au maximum les impacts liés à la pratique».
Ainsi notre dossier demande officiellement la réintroduction de la pratique de
« alpinisme hivernal et escalade sur le Verrou du bas ». L’abandon partiel de l’escalade est très dur a digérer pour nous d’autant
que nous savons que les falaises grimpées représentent moins de 2% des surfaces
de falaises de la RNN...
2° 2014, premier passage au CNPN (Conseil National de Protection de la Nature )
Malgré nos craintes, le passage au CNPN est plutôt positif. Le Président de
la commission des Aires Protégées félicite la qualité du travail du bureau
d'étude, et le travail de concertation qui a mené à la réduction de la demande
concernant l’escalade. Il ajoute que cette étude leur apporte de bonnes
précisions sur les connaissances des impacts potentiels de l'escalade et de
l'alpinisme. Puis le rapporteur désigné pour étudier le plan de gestion
effectue un point précis du dossier, félicite aussi le bureau d’étude pour son
travail. Personne ne conteste les résultats du dossier. Seul le président de la
section « flore » des Aires Protégées estime que la question des lichens aurait
pu être plus approfondie et demande une étude d’impact complémentaire pour
ceux-ci.
Puis le rapporteur reprend la parole : « "vous n'êtes pas venu
pour rien, mais vous subissez les lacunes du plan de gestion : votre demande
est justifiée, mais tombe au mauvais moment". En effet le rapport de la
commission des aires protégées du CNPN (qui a siégé 2 mois avant pour juger
le plan de gestion) indique que "la sur-fréquentation touristique estivale
sur les crêtes, là où se situent la majorité des espèces patrimoniales, ne fait
pas l'objet d'un programme de réduction d'impact et le plan de gestion
n'apporte pas de solution à ce phénomène". Le CNPN a donné un an au
gestionnaire pour revenir avec le plan de gestion complété pour que « des
discussions soient engagées avec les professionnels du tourisme et les élus
locaux sur la nécessaire limitation de la fréquentation". Cependant le gestionnaire
de la réserve de Chastreix Sancy n’est absolument pas « laxiste ». La réalité
de la situation est qu’il est placé entre ‘’ le marteau et l’enclume’’ : Je
reverrais ce passage car c’est ici que se situe la plus grosse incohérence de
la création des réserves naturelles.
Après différents échanges le rapporteur conclut la réunion : « Votre dossier
est recevable, mais nous souhaitons qu'il soit intégré dans le plan de
gestion l'an prochain, qu'il y ait une étude complémentaire sur les lichens sur
le verrou du bas, que soit établie une convention entre FFME/ FFCAM/ RNN sur
ces pratiques et surtout que la demande apporte une plus-value à la réserve.
Une demande de modification du décret pourra ensuite être envisagée, à
condition que les communes n'en profitent pas pour essayer d'étendre le
périmètre de leurs stations de ski ».
La notion de ‘’plus-value’’ nous avait été expliquée auparavant : « Pour nous,
une demande de modification de décret doit obligatoirement apporter un gain,
comme par exemple l'augmentation de la surface de la RN, ou un gain sur
l'allègement de la fréquentation été, ou l’abandon de chemins».
Un chantage en
bonne et due forme. Ce 16 janvier 2014, nous étions montés à Paris avec l’espoir de terminer
la démarche et finalement nous repartions pour… 4 ans de travaux, réunions,
concertations, négociations…
3° 2014 à 2016, la modification du dossier et la perte de l'escalade.
En 2014 nous repartons sur une nouvelle série de réunions et travaux pour un
nouveau dossier… qui, celui-là, devra passer devant le CSRPN (Conseil
Scientifique Régional du Patrimoine Naturel) avant un nouveau passage au CNPN.
La communauté de Commune travaille sur les « contreparties », et nous nous
rapprochons des gestionnaires de la RNN pour en savoir plus sur le plan de
gestion. Mais un problème majeur intervient : suite aux discussions avec
gestionnaires, DREAL et connaissances interposées avec des membres du CSRPN,
nous apprenons que tant que l’escalade fera partie de la demande (et ce
qu’importent les impacts potentiels), nous n’aurons aucune chance que notre
dossier aboutisse. C’est du dogme et ils sont en position de force …
De plus,
la demande de l’escalade doit être accompagnée par l’étude complémentaire sur
les lichens qui coûterait encore près de 15.000€ et il
parait bien compliqué de continuer les dépenses pour une cause qui nous est
présentée comme perdue… L’escalade doit être totalement abandonnée pour espérer
« sauver » l’alpinisme. Quelle déchirure quand on sait le travail colossal qui
a été effectué avec spécialistes de terrain pour déterminer les problématiques
et trouver des solutions !!! Le bureau d’étude avait conclu le premier dossier
en indiquant que « Ce travail s’inscrit donc intégralement dans une démarche de
gestion concertée et de développement durable »…
La réduction de l’alpinisme :
Interviennent ensuite les discussions avec les gestionnaires de la RNN
concernant les orientations du plan de gestion puisque notre demande doit
être compatible avec ceux-ci. Ils nous apprennent que le plan de gestion tend à
durcir la réglementation côté sud du massif du Sancy (Il y a même un projet de
réserve intégrale dans un secteur au sud), que toute demande de réintroduction
sur ce versant devient impossible… Aussi nous leur demandons si l’alpinisme
versant nord leur parait acceptable. Demande validée, leur semblant tout à fait
gérable et contrôlable. Ainsi côté sud seul le tracé correspondant au chemin de
crêtes l’été serait autorisé pour permettre le retour au parking du Mont Dore.
Une charte de bonne conduite est rédigée par les fédérations et les
professionnels de la montagne, présentant les limites des zones de pratique,
l’engagement de ne parcourir les itinéraires que lorsque ceux-ci sont
suffisamment recouverts de neige et/ou de glace, la mise en place d’un « groupe
de travail » censé évaluer l’évolution de la pratique de l’alpinisme permettant
au Préfet de la réglementer en cas de besoin dans le futur. La Communauté de
Commune a travaillé sur les « contreparties » et a adapté le dossier
d’opportunité de modification du décret à la demande finale.
Parti en 2013 des conclusions du dossier d’études d’impact qui, à la base,
proposait de ne pas interdire l’escalade des sites équipés mais seulement
de revoir les périodes de pratique et d’autoriser partout l’alpinisme, la
demande finale s’est réduite en 2017 à : ‘’Alpinisme hivernal versant Nord du
Sancy’’. Cette zone ne représente plus que 9% de la surface de la RNN et, qui
plus est, située contre le domaine skiable.
En résumé, au fil de ces longues années depuis le passage au CNPN en 2014, nous
avons eu le sentiment que nous était demandé de nous couper un doigt, puis un
bras « pour que le dossier soit acceptable », puis de couper l’autre bras et
les 2 jambes pour les "caprices" de certains. Et de devoir rajouter
des « cadeaux »…
Tout ça pour ça !
1° Septembre 2017 avis défavorable du CSRPN !
Une personne bien placée nous dit que le résultat était connu d’avance. A
part nous dire que « une Réserve naturelle n’est pas un terrain de sport
», peu d’arguments sont avancés lors de cette réunion. Par contre le
rapport qui suit la réunion est assassin. Si le CNPN avait félicité l’étude
d’impact en 2014, le CSRPN la massacre : « le CSRPN constate les insuffisances
du dossier, notamment des lacunes dans les analyses scientifiques qui ne
démontrent pas l’absence d’impact de cette activité sur les milieux et les
espèces présents, lesquels n’ont pas assez été étudiés ». Puis une liste de
lacunes est établie.
C’était sans compter sur le travail du représentant de la DREAL qui suit le
dossier depuis sa prise de poste en 2014. Il rédige un document dans lequel il
reprend point par point chaque « lacune » mise en avant par le CSRPN en
contactant les services référents :
- le Conservatoire Botanique National du
Massif Central qui confirme les conclusions des études d’impact,
- le PNRVA
(gestionnaire de la RNN) qui affirme tout a fait conciliable la pratique,
- l’ONCFS qui confirme que nos activités ne sont pas une gêne pour la faune locale.
De notre côté, nous recueillons les avis des « spécialistes de terrain » :
- les
Gestionnaires de la Vallée de Chaudefour (versant est du Sancy) attestent que «
la pratique dans leur vallée (voisine) ne pose aucun problème et qu’aucune
dégradation n’est constatée ».
- Le Parc Naturel des Pyrénées indique que «
depuis la création de leur Parc, ils sont en relation avec les alpinistes ; ils
témoignent que la pratique de l’alpinisme ne génère aucun problème ».
- Et les
fédérations de Chasse locales expliquent que « les alpinistes ne représentent
pas une gêne pour la faune ».
Ainsi, le document rédigé par le représentant de la DREAL conclut que tant que
la pratique est effectuée avec suffisamment de neige/glace : « Les avis
recueillis auprès de structures compétentes sur les lacunes identifiées par le
CSRPN concluent que les impacts de l’alpinisme hivernal sur une partie de la
RNN de Chastreix-Sancy sont nuls à faibles. La demande de modification du
décret de création de la RNN de Chastreix-Sancy de la communauté de communes du
massif du Sancy apparaît ainsi légitime».
Suite aux conclusions de ce document le Préfet accepte de présenter la demande
de modification au CNPN malgré l'avis défavorable du CSRPN.
2°, Juin 2018, le coup de grâce du CNPN
Cette fois nous ne montons pas à Paris puisque la réunion est
prévue par vidéo-conférence depuis Clermont-Ferrand. Le déroulé est proche du «
sketch » : le système de vidéoconférence est en panne. Alors il n’y a ni son,
ni image avec le CNPN réuni à Paris : la réunion s’effectue à l’aide d’un vieux
téléphone fixe mis sur « haut-parleur »… le son est très mauvais.
Contrairement à notre précédent passage en 2014, leurs questions nous indiquent
qu’ils ne connaissent absolument pas le dossier (Les membres du CNPN ont été
renouvelés en 2017), ni même la note de synthèse de la DREAL.
Leurs
interventions sont hallucinantes : « Mais en fait, vous venez pour quoi ?
C’est quoi votre demande ? » Puis plus tard : « Vous allez avoir besoin de
secouristes en cas d’accident ! Si on autorise votre sport et qu’il y a un
accident le massif va être survolé par un hélicoptère ! » (Les secours en
montagne existent depuis plusieurs décennies dans notre massif, c’est bien sur
mentionné dans le dossier) « Vous allez vouloir sécuriser la montagne ! » Et
ils qualifient l’alpinisme comme «une occupation privative de la montagne
pratiquée par quelques passionnés ».
Pire encore, ils utilisent un argument qui prouve leur méconnaissance des
réserves naturelles de France : « On ne va quand même pas autoriser du sport
dans une Réserve Naturelle ! "
Le CSRPN nous avait d’ailleurs aussi dit «
on ne va quand même pas autoriser de l’alpinisme dans une réserve naturelle, ce
serait une première ! ».
Rappelons donc que la réalité est tout autre et même, l’inverse puisque aucune Réserve en France
n’a alors interdit l’alpinisme !
Le CNPN votera 7 « contre »… nous sommes quand même surpris que 4 aient
voté « pour » !
Enfin, si le Ministre de l’Environnement Nicolas Hulot avait juridiquement le
droit d’aller à l’encontre de l’avis du CNPN, il se serait exposé à un scandale
dans ses services et à la période où il a classé sans suite notre dossier, il
devait avoir des préoccupations bien plus importantes puisqu’il démissionna 10
jours après… l’alpinisme restera définitivement interdite.
Dix ans pour en arriver là !
Des centaines de nuits blanches, des sacrifices familiaux et financiers pendant
toutes ces années pour ceux qui ont travaillé sur ce dossier mais aussi près de
100.000€ d’argent public, la mobilisation pendant 10
ans des services de l’état, des dizaines de réunions, une concertation inédite
avec gestionnaires et spécialistes… tout cela pour un dossier qui ne sera pas
ouvert, balayé sur un coin de table par pur dogmatisme… La déception voire l'écœurement sont immenses.
Cette histoire mérite bien quelques éléments supplémentaires.
RNN Chastreix, un régime d’exception… et d’illogisme !
Contrairement à ce qu’ont dit CSRPN et CNPN, sur la cinquantaine de RNN en
France qui se situent assez en altitude pour que puissent se pratiquer des
activités hivernales, AUCUNE n’interdit l’alpinisme. AUCUNE n’interdit même les
activités touristiques et sportives comme le définit l’article 12 du décret de
la RN Chastreix-Sancy. C’est donc cette interdiction qui est une première,
cette réglementation qui devient la plus dure de France.
Ce classement mérite-t-il un régime si exceptionnel ?
Concernant les activités touristiques et sportives (cf début du dossier), c’est
la sur-fréquentation et le piétinement hors sentier qui représentent les
menaces majeures. Mais qu’importe si la randonnée pédestre représente « un des
risques majeurs », elle reste autorisée, le parapente même si l’accès se fait
hors-sentiers est autorisé, idem pour la randonnée équestre. Si la chasse est
interdite dans la moitié des RNN de montagne, chez nous l’autorisation de
celle-ci permet aux chasseurs de sillonner le massif hors-sentiers sans limite.
Encore plus fort, dans le projet de ‘’réserve intégrale’’ sur le sud du massif
(où il n’est censé n’y avoir aucune activité humaine), la chasse n’y serait pas
interdite ! Le ‘’must’’ est encore la pêche, pourtant inexistante dans la zone
de la réserve qui est autorisée dans le décret de création de celle-ci!
Ce n’est donc pas en fonction de leur impact que les activités ont été autorisées
ou interdites mais de critères bien peu scientifiques... Bienvenue dans une
réserve « surnaturelle ».
Le grand mensonge.
« Vous imaginez bien que si nous évoquions les véritables objectifs d’une RN
toutes les communes feraient leur possible pour empêcher leur création ! »
Cette phrase surréaliste est sortie de la bouche d'une personne bien placée en
2009.
Des points seraient-ils cachés lors des démarches de créations de réserve
naturelle?
Réponse par le maire d’une commune lors de la première réunion à la
préfecture fin 2008 : « On nous a incité à accepter cette réserve en nous
faisant miroiter tout un tas d’avantages. (Développement touristique, création
d’emplois,…) Maintenant qu’elle est créée, on découvre le revers: si on nous
avait dit le dixième des contraintes que cela imposerait, nous aurions tout
fait pour empêcher la création ».
Effectivement, il serait mal reçu que les instructeurs du dossier de création
d'une RN annoncent aux communes et au public : « le but de la réserve naturelle
est de réduire le tourisme et la liberté des gens qui y habitent ou y
séjournent ».
Ainsi, des « stratégies de communications » sont en place.
Jusqu’en 2010, on
pouvait lire sur internet un document expliquant « comment communiquer lors
d’une réunion publique ». Pendant les démarches de création de RN il y a
obligation d’organiser au moins une réunion de ce type pour informer et
échanger avec le public. On lisait dans ce document « il ne faut pas utiliser
le mot interdire, mais plutôt dire que nous allons réguler » ou « concernant
les activités touristiques et sportives, il faut dire qu’il faut d’abord créer
la réserve naturelle et, ensuite, on verra ce qu’on met dedans ».
Ces
stratégies de communications sont reflétées dans les rapports de ces réunions
publiques comme par exemple celle relative au projet de RNN de la Sioule :
«Certains maires présents sont favorables à la réserve, considérant que ce sera
un atout pour le tourisme. Il faudra cependant bien veiller à ce que la
réglementation n’entrave pas les activités existantes. D’autres
sont plus sceptiques. Ils attendent de
voir ce qui sera inscrit dans la
réglementation (…) Le projet de réserve concernait 17 communes qui, pour la
plupart, ont pris une délibération ‘’contre’’ la réserve naturelle nationale
notamment parce qu'il y avait « trop de réponses imprécises concernant les
interdits ». (Pour la Sioule la mobilisation des Elus locaux et de la
population a permis de stopper le projet de réserve)
Une fois créées et qu’il n’y a plus possibilité de faire machine arrière, les
objectifs deviennent officiels. Le gestionnaire étant mis en place après la
création de la RNN (dans les faits c’est un peu plus complexe que cela) il «
hérite » de cette situation qui le place « entre le marteau et l’enclume ».
Car si au niveau local (pour la RNN Chastreix) de par ses actions il passait
déjà pour « un extrémiste essayant de tout interdire », parallèlement le CNPN
l’accusait de laxisme en disant qu’il ne faisait rien pour lutter contre la
fréquentation…
Un précédent qui fait courir un risque d'interdiction massif de nos pratiques !
Loin de moi l’idée de ‘’diaboliser’’ les RN puisque, pendant ces 10 années à
les étudier, j’ai aussi pu voir des exemples de fonctionnements intelligents.
Les activités de pleine nature ne sont pas irréprochables non plus et tout le
monde doit agir en phase avec la protection de celle-ci. Mais il y a un fait
réel, confirmé autant par les textes que par des agents travaillant dans des
Réserves ou Parcs : la tendance est au durcissement des textes et à « l’encadrement
» ou interdiction des activités sportives et touristiques.
Depuis le Grenelle de l'environnement, la France est considérée comme en retard
par rapport aux objectifs européens de zones de protections. Aussi, en 2010, la
France a eu pour objectif de classer d’ici 2018 plus de 400.000 ha sous protection forte. (Soit plus de 200 fois la Réserve Naturelle de
Chastreix Sancy) ainsi que 15 à 20% des littoraux.
De ce fait, si auparavant la
création d’une RN se faisait suite au constat local de nécessité de protection,
maintenant c’est l’inverse c’est-à-dire qu’il est demandé aux régions de «
regarder où on peut mettre des RN ». (SCAP : « les services de l'Etat en région
proposent des projets de création ou d'extension d'aires protégées, désignés
pour la présence d'espèce ou d'habitats de la liste nationale SCAP et
concourant à l'atteinte de l'objectif »).
Le nombre de réserves est passé
d’environ 240 en 2010 à 350 en 2018. Je ne connais pas les objectifs futurs
mais le Congrès des Réserves Naturelles de France avait pour thème en 2018 : «
500 réserves naturelles en 2030 ? ». Il existe aussi 10 Parcs Nationaux et 53
Régionaux, 1754 sites ‘’Natura 2000’’… Si le problème dans notre réserve prouve
qu’il est facile d’interdire sans aucune raison et qu’il est impossible de
ré-autoriser malgré de bonnes raisons, on ne peut que s’inquiéter de la
démultiplication des zones de protection. Et après le texte de création il y
aura toujours une menace puisque les révisions de chartes s’effectuent tous les
5 à 15 ans selon les structures, avec le risque à chaque fois que soit acté
quelque chose d’irréversible.
L’effet pervers des sites classés et le problème du financement
Que la sur-fréquentation ait un impact sur l’environnement n’étonnera
personne. Mais toute l’incohérence des espaces de protection est que l’effet
majeur du classement est de faire augmenter le tourisme par effet de publicité.
Cette augmentation touristique est même l’argument premier pour faire accepter
les espaces de protections aux communes avant d’avouer après le classement que
c’est un « effet indésirable » et qu’il faut « lutter contre ce phénomène »…
Pourrait-on croire qu’il y ait une volonté d’éducation ? Non puisque ce n’est
pas le but des RN.
Le Senat rappelait d’ailleurs en 2013 au « Réseau des
réserves naturelles de France » que l’action d’éducation n’était pas
prioritaire. Car une action a forcément un coût, et pour les zones de
protections se pose évidemment cette question existentielle. En 2012 les
besoins financiers des RNN pour l’année suivante étaient évalués à plus de 21
millions d’euros, et le Senat (qui disait que le montant était déjà difficile à
supporter) a rappelé que l'Etat ne finançait que : « conservation,
connaissance, gestion du patrimoine naturel et police ». Et de se tourner
vers les collectivités territoriales s’ils voulaient financer d’autres actions…
De là à faire payer l’accès à ces espaces naturels il n’y a plus qu’un pas.
Un futur bien sombre…
Difficile d’être optimiste après tout ce que nous avons pu lire et entendre
au fil de ces années. La restriction d’accès à la nature sera d’autant plus
facile à imposer que nous n’avons pas les moyens de nous y opposer. Il faudrait
de l’argent pour payer des juristes, des avocats, des personnes dont le métier
serait de suivre les créations de zones de protections, les révisions de
chartes et qui aient la possibilité de faire évoluer les textes de loi. Mais
qui pour financer tout cela ?
Alors que je cherche à conclure ce texte, je m’évade quelques instants devant la
télé qui diffuse « Sur les îles du ciel », un magnifique documentaire sur des
agents du Parc National des Ecrins qui parcourent des itinéraires d’escalade et
d’alpinisme à la découverte des espèces végétales d’altitude.
Présenté comme «
l'aventure d'une première scientifique », ce documentaire explique à quel point
les espèces sont méconnues en haute montagne, faute de trop peu de monde pour y
faire des recherches. L’Aiguille Dibona, la Meije, la Dent du Géant, des images
magnifiques d’itinéraires parcourus parfois par des dizaines de cordées chaque
jour… D’un côté mon regard de montagnard trouve ce documentaire merveilleux,
avec des spécialistes pleins de bon sens. D’un autre côté après les années
passées sur ce dossier je suis effrayé par les mots utilisés au fil de ces
itinéraires : « rare », « extraordinaire », « jamais observé »,…
Et encore ces
spécialistes étudient essentiellement les végétaux : il y aurait autant à dire
sur les roches, les lichens, les insectes, les reptiles, les oiseaux, … que ce
documentaire soit présenté aux instances nationales de protection de la nature
et il leur paraîtra totalement évident qu’il faut interdire toute
pratique qui pourrait approcher et donc potentiellement impacter ces espèces…
Interdire la haute montagne, impensable ? On en reparle dans 20 ans…
François LESCA
Texte original ici
L'étude scientifique sur l'impact de nos pratique sur les sites de la RN est à lire ici :
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