C'est quoi une forêt pour un juge ?

Avez-vous tort si vous pensez qu’une forêt est une vaste étendue de terrain couverte d'arbres ou l’ensemble des arbres qui couvrent cette étendue ?
Il faut croire puisque le règlement communautaire n° 21252/2003, (désormais abrogé par le règlement n° 614/2007 du 23 mai 2007) retenait à son article 3 une définition des notions de « forêt » et de « autres terres boisées » un peu plus alambiquée.
Constitue une forêt « des terres avec un couvert arboré (ou une densité de peuplement) supérieur à 10 % et d'une superficie supérieure à 0,5 hectare, les arbres devant pouvoir atteindre une hauteur minimale de 5 mètres à maturité in situ ». Les « autres terres boisées » correspondent à « des terres ayant soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de 5 à 10 % d'arbres capables d'atteindre une hauteur de 5 mètres à maturité in situ ; soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de plus de 10 % d'arbres ne pouvant atteindre une hauteur de 5 mètres à maturité in situ et d'arbustes et formations arbustives. »
Faut-il pour autant exclure définitivement toute autre définition de la forêt devant la primauté de cet exercice de style communautaire, précis mais particulièrement dépourvu de poésie ? Si la gestion forestière y trouve certainement son compte, il est difficile d’imaginer le Petit Chaperon rouge se balader dans un tel maquis.
Il semble que non à la lecture d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 22 avril 2010 (CJUE, 22 avr. 2010, aff. C-82/09, Dimos Agiou Nikolaou Kritis c/ Ypourgos Agrotikix Anapatyxis kai Trofimon ).
Une juridiction grecque a en effet posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'interprétation de ce règlement dans le cadre d’un sombre litige opposant une commune crétoise au ministère du Développement agricole et des Denrées alimentaires au sujet d’une obligation de reboisement d’une malheureuse parcelle de 217,64 m2.
La législation grecque retient en effet une définition plus large de la notion de forêt que celle du règlement communautaire et les juges grecs ont donc posé la question de la compatibilité de leur définition nationale avec celle du droit communautaire.
Selon la Cour, le législateur communautaire n'a pas entendu procéder à une harmonisation complète de l'ensemble des activités concernant la gestion des espaces forestiers. Pour mettre en œuvre l'action de surveillance des forêts, le législateur communautaire a entendu fournir la définition des territoires visés par ladite action mais il ne ressort d'aucune des dispositions du règlement n° 2152/2003 que celui-ci ait eu pour objet d'établir des règles communes pour régir d'autres actions.
Dans ces conditions, c'est seulement pour l’exécution de ce règlement, que son article 3 définit  la notion de forêt. En conséquence, cet article n'a pas eu pour objet et ne saurait avoir pour effet d'exclure toute autre définition de ce que sont les forêts et les espaces boisés.
La notion de « forêt » et de « terres boisées » retenue par le règlement communautaire ne s'impose donc pas aux États membres d’une manière générale et ne s’applique pas aux actions non régies par ce règlement.
Nous voilà sauvés. Encore que la complexité rédactionnelle de certains articles du Code forestier pourrait être proverbiale. Ainsi "Le fait de procéder à une coupe abusive non conforme aux dispositions de l’article L. 222-1, des deux premiers alinéas de l’art. L. 222-2, et de l’art. L. 222-3 ou non autorisée conformément à l’art L. 222-5 est puni lorsque le total des circonférences des arbres exploités mesurés à 1,3 m du sol, le taillis non compris, dépasse 200 m dans l’ensemble des parcelles constituant la coupe, d’une amende qui ne peut être supérieure à 4 fois et demi le montant estimé de la valeur des bois coupés, dans la limite de 60 000 euros par hectare parcouru par la coupe" (art. L. 223-1 C. for issu de l’art. 37 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001).
C'est à se demander si l'on doit encore se rendre à l'invitation d'Alexandre de Humbolt : "Que celui qui veut échapper aux orages de la vie me suive dans l’épaisseur des forêts » (A. HUMBOLDT (de), Tableaux de la nature ou Considérations sur les déserts, sur la physionomie des végétaux et sur les cataractes, 1808, p. IX-X, (trad. C. Galuski), 2 vol., Paris, 1866, reprod. En fac-sim., Paris, Ed. européennes Erasme, 1990.
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