[BLEAU] Il y a urgence à poursuivre la lutte contre les plantes invasives !

Il y a des combats menés dans l'ombre qui ne semblent jamais devoir s'arrêter. C'est le cas des chantiers nature de lutte contre l'érosion ou ceux de lutte contre les plantes invasives. A la TL²B nous soutenons depuis de longues années ces bénévoles qui s'investissent dans la sauvegarde des paysages de Fontainebleau (entre autres). La Covid a stoppé la plupart de ces chantiers. Pour autant, la nature ne s'arrête pas et les monstro-plantes continuent de s'étendre jusqu'à mettre en péril nos forêts. Il est donc grand temps de reparler de ces actions indispensables et l’aventure de ces héros discrets qui luttent contre les pestes végétales en rendant hommage à Jean Claude qui nous a quitté en mai 2020. C'est une nouvelle fois notre éco-respondant Pascal Villebeuf qui s'y colle...

Reprise des chantiers de lutte contre les plantes invasives de l'ASABEPI
Reprise des chantiers de lutte contre les plantes invasives de l'ASABEPI
Photo Pascal Villebeuf


"Il existe des héros discrets qui mériteraient plus de médailles de l’écologie active que ceux qui ne font qu’en parler. Les bénévoles de l’ASABEPI (association des arracheurs bénévoles de plantes invasives, créée en 2012) en font partie. 

Ce mercredi 1er septembre, ce n’est pas la rentrée scolaire, mais la rentrée des chantiers de lutte contre l’invasion des phytolaques(raisin d’Amérique), une des plus importantes pestes végétales qui a envahi le massif de Fontainebleau depuis plus de vingt ans. 

Ce 1er septembre donc, parcelle forestière n° 9 de la forêt de la Commanderie, du côté de Villiers-sous-Grez, pas loin de l’Autoroute A6, des échos de voix et d’outils se font entendre. Un groupe de retraités s’affairent devant une mini forêt de phytolaques de 2 m de haut qui les nargue. Mais pas pour longtemps. Sylvie, Dominique, Anne, Françoise, Brigitte, Robert, Pascal et Philippe sont armés de gants, de faux et de machettes. Et Dominique, qui coordonne le chantier de commenter. « Nous sommes devant un des layons envahis par le phytolaque. Il suffit d’un sol meuble et acide qui a été labouré par des engins, de l’espace et de la lumière et le raisin d’Amérique s’y développe très rapidementSouvent il peut cohabiter avec des ronces. Mais sinon, il supprime toute biodiversité. » 

Françoise une des bénévoles de l'Asabepi


Eh oui classé peste végétale par l’Union International de Conservation de la Nature, le Phytolacca America où raisinier d’Amérique est au départ une plante à l’apparence élégante avec ses tiges creuses de couleur violine et ses grappes de fruits noirs. Mais le Phytolaque cause des ravages. Il étrangle les racines des petits chênes, repousse les insectes, étouffe le sol en général et empêche la présence de fleurs ou même de champignons !!! 

Pour les bénévoles de l’ASABEPI, « l’Office des Forêts doit, le moins possible, bouleverser les sols et éclaircir les parcelles pour stopper ce phénomène. » Dominique qui habitait Clamart (Haut de Seine) à déménagé à Melun pour être près de sa forêt préférée. « Je mettais 2 heures pour rentrer chez moi. J’ai adhéré à l’Asabepi en 2012, via le club des randonneurs d’Ile-de-France. Et la première opération phytolaque que j’ai faite c’était du côté de Bois Le Roi! » Brigitte vient de Paris, comme Françoise et Robert. « J’ai connu Fontainebleau, d’abord par l’escalade avec mon mari Maurice Lancrenon. A l’époque, en 2008, on arrachait le phytolaque avec Thierry Pain! » 

(NDLR, Thierry Pain fût un des fers de lance de cette lutte, avec Jean Claude Perree et Maurice Lancrenon, voir plus bas)

Dominique détaille la tige du Phytolaque (descriptif photo sur Fontainebleau passion). « Elle est creuse et retient l’eau. Donc en cas de sécheresse elle est en plus résistante. » Dans la parcelle 9, les envols de faux pleuvent. « De juin à septembre on coupe. Et puis en hiver c’est la bêche pour déraciner. Souvent on trouve des racines que l’on appelle carotte, de plusieurs kilos. » Tous se souviennent de parcelles complètement squattées par le raisinier. Mais finalement le combat a payé. « Quand on voit le résultat c’est gratifiant » avoue Sylvie. 

Philippe va plus loin. «depuis mai, on a éliminé une surface de phytolaque correspondant à la superficie de la ville de Fontainebleau ! » Lui vient d’inventer un nouvel outil pour être plus efficace dans le combat. « J’ai pris une faux et j’ai coupé la lame en deux. Du coup je peux couper une partie de la racine avec. » L’ASABEPI préconise le « parrainage de parcelles ». « Moi je m’occupe des parcelles 318-319. Je constitue une vigie, chargé de voir l’évolution de la parcelle concernant les Invasifs. » 


Un combat de longue haleine

Ces courageux bénévoles font partie d’une belle aventure qui a démarré au début des années 2000.  Au début, il y eût Lionel Roth, conservateur des jardins botaniques de l’école vétérinaire de Maison Alfort. Lors d’une balade en forêt de Fontainebleau, avec des scientifiques, en 2003, ils vont découvrir l’invasion du Phytolaque dans le massif. Le phénomène existait depuis longtemps mais il s’est intensifié après les trouées de la tempête de 1999. 

Thierry Pain est un des pionniers
de ce combat

Lionel Roth organisera quelques chantiers d’élimination du Phytollaca America. Comme Thierry Pain, un botaniste autodidacte. « J’habitais le Val d’Oise et je faisais partie du club Alpin. Je fréquentais déjà la forêt de Fontainebleau. Puis j’ai déménagé dans l’Essonne.  J’organisais des sorties botaniques. Et je voyais de plus en plus de  phytolaques. Je me suis dis il faut faire quelque chose.  J’ai mobilisé en reprenant une idée des AFF : le parrainage des parcelles et j’avais créé une page Facebook : Phytogazette. On a réussi à attirer beaucoup de monde la première année. » Le virus l’a touché, peut-être trop fort. « Souvent, je partais à 4 h du matin, à la lampe frontale pour chasser le phyto. J’étais déchaîné. » A l’époque, on parle de « phyto chevaliers et de « dorer une parcelle » quand il s’agit de redonner vie à une parcelle envahie. 

Et puis Thierry Pain se fâchera avec l’ONF. «Nous avons manqué de soutien à nos actions. Et puis on m’a critiqué car j’avais osé enlevé du phytolaque dans une réserve biologique intégrale. Un comble! » Mais ce dernier aura quand même réussi à passer le flambeau, comme le raconte Danielle Perree, la présidente de l’ASABEPI. 

Jean Claude nous a quitté
le 6 mai 2020 mais nous
poursuivrons son combats
« En 2012, lors d’une balade à Barbizon, nous sommes tombés sur la voiture de Thierry Pain qui avait posé une affichette évoquant l’invasion du phytolaque. On a été convaincu avec mon mari Jean-Claude qu’il fallait agir. On a donc créé l’association.  On a rapidement rassemblé une cinquantaine de bénévoles et organisé 2 chantiers par semaine. 

Jean-Claude, mon mari, décédé le 6 mai 2020, avait beaucoup de charisme. C’était un meneur. Il s’est battu pendant quatre ans contre un cancer. Mais il pensait au futur. Il disait toujours : je ne veux pas léguer une forêt équatoriale à mes enfants !! On a vécu des moments extraordinaires, avec des bénévoles qui viennent même de Paris. 

Les Bellifontains, ont a l’impression qu’ils ne s’intéressent pas à l’état intérieur de leur forêt !! Maintenant, il faut aussi lutter contre le PRUNUS Sérotina (voir descriptif sur Fontainebleau Passion), l'Ailanthe, et le laurier du Caucase (NDLR : Un gros chantier d'arrachage a eut lieu en 2019 dans la domaniale des Grands Avaux en Essonne). Ce sont de nouveaux combats qui  commencent (Cf notre article de 2016). Nous espérons une collaboration plus étroite avec l’ONF, pour résoudre cette nouvelle invasion. Il faudrait médiatiser des opérations d’envergure, pour montrer l’ampleur du problème !! » 

La situation est si grave qu'un nouveau groupe de l’ASABEPI va être constitué pour lutter contre l’invasion du Prunus Sérotina. Rappelons que ce prunus tardif a envahi à 80% de la forêt domaniale de Compiègne (Oise), anéantissant toute biodiversité ou presque. La forêt de Fontainebleau devra-elle subir le même sort ? 

Prunus Serotonia
Prunus Serotonia

Alors, à l’occasion des assises nationales de la biodiversité, en octobre, l'ASABEPI et notre reporter vont lancer les premiers chantiers d’élimination du Sérotina en forêt de Fontainebleau ! Pas toujours facile de motiver, mêmes les amoureux de la nature. Entre se promener et agir, il y a un pas à franchir. Celui de maintenir et de développer la biodiversité, en perte de vitesse en forêt de Fontainebleau. Alors, les chantiers vont démarrer les 3 et 10 octobre. Si vous souhaitez y participer, si vous voulez entrer dans l'aventure et agir de manière concrète pour les paysages de Fontainebleau, n'hésitez pas à contacter notre journaliste sur messenger ou par mail : pvillebeuf @ hotmail.fr

A 71 ans, Danielle Perree, elle, ne baisse pas les bras.  « Il faudrait mobiliser plusieurs associations dans cette lutte ! » Depuis 2015, l’ASABEPI totalise 559 chantiers et a rassemblé 5432 bénévoles. Si vous voulez soutenir l’ASABEPI, vous pouvez consulter leur site internet : phytolaque.wifeo.com. Vous pouvez aussi adhérer à l’association, pour seulement 12 euros, ou faire un don, pour soutenir l’action de l’ASABEPI. Vous pouvez contacter l’association sur phyto@net. 

Pascal Villebeuf avec la TL²B

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