Attention, Bleau s'écroule, nouvel épisode.

Les phénomènes d'érosion naturelle et anthropique sont sans aucun doute ceux qui sont le plus susceptibles de modifier durablement notre pratique des sports et loisirs de nature en forêt de Fontainebleau. Si dans certains sites, l'érosion, parfois alarmante, a entraîné la mise en place d'une surveillance particulière, de mesures de sécurisation préventives, voir de chantiers de restauration, le glissement spontané d'un bloc ou l’effondrement d'un surplomb reste rarissime. C'est pourtant ce qui vient de se produire dans un secteur de la domaniale, à quelques centaines de mètres du parking. Il y a quelques jours, plus cent de tonnes de rocher surplombant se sont effondrés sans crier gare ! Heureusement, il n'y avait personne dessous (enfin pour ce qu'on en sait) ! L'occasion de vous rappeler que le risque zéro n'existe pas et que même dans les secteurs fréquentés, balisés et prétendument sécurisés, mieux vaut faire attention à ce qui pourrait se passer, notamment avec le grès mouillé. Car si le grès est parfois très dur en surface, ce n'est que du sable plus ou moins bien aggloméré...

Décembre 2017, en forêt de Fontainebleau, un auvent d'une ancienne carrière de grès s'est effondré !

L’effondrement de cet énorme auvent en bordure de platière et dans une zone exploitée autrefois en carrière ce qui a certainement fragilisé l'ensemble nous rappelle qu'à Bleau, parfois les blocs bougent ou cassent ! Un phénomène certes très rare mais qui s'est déjà produit à plusieurs reprises notamment aux Grands Avaux (Essonne) probablement en 1972 à côté de l’ancien circuit safran et par deux fois au 95,2 (Trois Pignons) dans les années 70, heureusement sans autres conséquences que la perte de l'arrivée du circuit rouge (Saut de la mort) et l'ex n° 2 du circuit rouge au 91,1 où l'on peut encore admirer la racine qui a fait le travail avec l'écaille couchée à son pied.  En revanche, en octobre 1966, au dessus du célèbre rocher de la Caroline (Groupe rocheux de la Dame Jouanne, à Larchant), un très gros morceau du banc de grès (La tranche de gruyère pour les anciens) s'est effondré sur les trois jeunes qui bivouaquaient à son pied : les deux frères Paillard et leur ami Muller...


Pour bien appréhender le sujet, revenons un peu sur la géologie du site.


Le surplomb de Rascar Capac a cédé en deux coups de masse
à la DJ suite à sa signalisation par les équipes Cosiroc/ONF

Lors de la formation du relief des pays bellifontain, biterrois et hurepien, l'érosion a joué un rôle majeur dans la formation des chaos rocheux. Sans elle, point de pignons, monts et autres gorges. En effet, la plupart des blocs que nous grimpons proviennent d'une rupture de la table de grès sommitale. Ainsi, sans l'érosion, Bleau ne serait qu'une immense et aride platière. Les fissures sont des conduits préférentiels pour l'eau mais aussi pour les racines qui en grossissant font éclater la roche comme les vieux coins de bois que les carriers faisaient gonfler en les arrosant. C'est d'ailleurs l'une des explications plausibles de ce dernier effondrement.



Si à l'échelle humaine, on peut avoir l'impression que ces paysages chaotiques n'évoluent plus, à l'échelle géologique, c'est loin d'être le cas. Car les facteurs qui les ont engendrés continuent leur inexorable travail de sape. Un phénomène simple et naturel donc, mais que l'homme contribue à accélérer, souvent dans des proportions déraisonnables. Et on s'en doute, plusieurs millions de visites annuelles cela fait des dégâts sur les sentiers sans parler des multiples tractions des crashpadeurs invétérés sur des écailles surplombantes. 

En effet, dans les pentes sableuses, le simple fait de marcher pousse et entraîne du sable vers le bas, sable qui va manquer par la suite à l'assise des blocs environnants. Ce phénomène est donc à l'origine des glissements de blocs et déracinements d'arbres et il y a fort à parier que l'effondrement spectaculaire de ce début décembre soit lié aux trombes d'eau tombées ces derniers jours. 


Sans pour autant basculer dans la psychose, comme en février 2002 où le Préfet avait voulu interdire l'ensemble du site de la Dame Jouanne, il est certains que les aménagements de lutte contre l'érosion mis en oeuvre par et avec le gestionnaire (ONF) vont se faire de plus en plus nombreux dans les années à venir pour peu qu'il trouve les moyens humains et financiers de les réaliser. Une évolution inévitable devant l'accroissement de la fréquentation tant à cause des impacts  de celle-ci sur les sols que de la volonté de l'ONF de vouloir sécuriser le massif pour se prémunir d'éventuelles poursuites.

Mais attention. Qui dit aménagement de lutte contre l'érosion, ne dit pas pour autant sécurisation complète et totale du secteur ! Une clôture ne protège pas d'un effondrement... comme ici à la DJ où la chute de l'écaille dans la Dalle de feu était prévue par Daniel Obert, l'expert géologue qui avait inspecté la zone. Rappelons aussi qu'après un éboulement, la zone reste souvent instable pendant des mois, voir des années. C'est le cas des surplombs et autres auvents feuilletés comme le Toit du Calvaire où le Cosiroc avait piloté le retrait préventif d'une partie du toit de plus de 16 tonnes



Dans un site classé comme Fontainebleau, souhaitons tout de même qu'ils ne deviennent pas trop lourds et s'intègrent parfaitement dans l'environnement local pour éviter l'artificialisation des paysages. En effet, si elle est nécessaire, la multiplication des clôtures de ganivelle (type aménagement autour du Saint Roch du Calvaire) n'est pas souhaitable, tant pour nous que pour la faune. Bref, c'est utile parfois mais à ne pas pérenniser !

Amis grimpeurs, prudence donc, notamment après la pluie où le grès humide reste très fragile

En attendant, le secteur fera certainement l'objet d'une sécurisation rapide et d'un suivi particulier. Nous ne vous donnons pas sa localisation afin d'éviter la visite des curieux sur cette zone particulièrement dangereuse. Comme aux Drus, la zone mettra certainement plusieurs années à se stabiliser et plusieurs blocs de 500 kg à plusieurs tonnes sur la gauche du site n'ont sans doute pas terminé leur course !

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1 commentaire :

  1. Merci pour ce très bon article. Les rochers sont les vestiges d'une érosion qui demeure très active à l'échelle géologique. L'homme contribue probablement à celle-ci, c'est bien aussi de le rappeler.
    Bonne fêtes la tL2b !

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