Des Agents de l'ONF se lancent dans une grande marche pour dénoncer

En mai dernier, nous avions souligné la mobilisation importante des agents forestiers de l'ONF pour l'avenir de leur profession et bien entendu, de nos forêts domaniales. Si la rubalise et les panneaux ont peu à peu disparus des parking, les forestiers de métier, salariés de l'ONF sont loin d'avoir baissé les bras ! Pour dénoncer une nouvelle fois la surexploitation des forêts, la mutation de leur métier et profond malaise que cela entraîne, ils organisent à partir du 17 septembre une "une grande marche à travers la France". Partant de Mulhouse, Valence, Perpignan ou Strasbourg, les forestiers se donnent pour objectif de rejoindre à pied, d’ici le 25 octobre, la forêt de Tronçais, dans l’Allier, qui est sans doute l’une des plus belles futaies de chênes pour un grand rassemblement.

Un nouvel évènement qui s’inscrit dans la droite ligne de la lutte des agents de l’ONF face à leur direction nationale et leur Ministère de tutelle. Une lutte que l'on soutien de longue date à la TL²B car si on tape parfois fort sur l'ONF, on n'en est pas moins respectueux des agents de terrain qui font souvent ce qu'ils peuvent avec des bouts de ficelle... Si la grève des forestiers est beaucoup moins médiatique et gênante que celle des cheminots, ils subissent pourtant depuis le début des années 2000 des réformes successives ayant les mêmes effets : baisse des effectifs, dégradation des conditions de travail, prédominance des exigences de rentabilité… qui ont conduit a un profond malaise et de nombreux suicides. Une série de drames nettement moins médiatisée que ceux des salariés de France Télécom ou de policiers. 

Si l'orage éclate après la tempête de l'hiver 1999, "le ver était déjà dans le fruit", nuance dans un long article de Bastamag paru ces jours-ci, Philippe Canal, porte-parole du Snupfen, le principal syndicat de l’ONF. "Depuis sa création en 1964, l’ONF a un mode de financement bancal qui dépend de la vente de bois. D’où une pression toujours plus forte pour en couper davantage et délaisser certaines missions jugées non rentables, comme celles liées à l’environnement, à l’accueil du public ou à la surveillance". Depuis quatre décennies, le volume de bois récolté a augmenté d’un tiers alors que les recettes provenant de ces ventes ont baissé de 35 % selon un document de l'intersyndicale de l'ONF d'avril 2018



Qui dit baisse de rentabilité, dit audit et suppressions de postes ! En 2002, les forestiers ont vu arriver de nouveaux intervenants dans les bureaux... « Des cabinets d’audit international comme Deloitte & Touche ont été mandatés par la direction pour proposer des réformes, rapporte un syndicaliste. Fortement influencés par l’univers concurrentiel et la gestion telle qu’elle se pratique dans les entreprises privées, ces consultants ont calqué ce qu’ils connaissaient pour le plaquer tel quel sur le service public. » Résultat : une coupe franche ! Pas que dans la forêt cette fois mais aussi dans l'effectif pour un gain de productivité de 30% en cinq ans ! Voilà nos agents de terrain, amoureux des bois et grands espaces reconvertis en commerciaux et promoteurs de ressources énergétiques ! 



Entre 2002 et 2016, un quart des effectifs a été supprimé, rappelait le directeur de l’ONF, Christian Dubreuil, devant le Sénat en mars 2018. « Ces trente dernières années, l’ONF est passé de 15 000 à 9000 employés. 4 emploi sur 10 ont été supprimés, déplore Frédéric Bedel, du Snupfen. Nous avons vécu avant l’heure la Révision générale des politiques publiques »,  lancée par Nicolas Sarkozy en 2007. Les fonctionnaires ne représentent déjà plus que 60 % des effectifs et deviendront rapidement minoritaires comme le laisse entendre Christian Dubreuil, l’énarque arrivé à la tête de l’ONF, dans son audition au Sénat « Comme l’avait préconisé la Cour des comptes, l’Office remplace les 200 fonctionnaires qui partent en retraite chaque année par 70 % de fonctionnaires et 30 % de salariés de droit privé »...

En 2016, la direction de l’ONF signe avec l’État son contrat d’objectif et de performance pluriannuel. Ce document est rejeté par l’ensemble des organisations syndicales ainsi que par France nature environnement : Il prévoit, en cumulant forêts domaniales (propriétés de l’État) et forêts communales, de prélever en 2020 environ un million de mètres-cube de bois supplémentaires par rapport à 2014. Le document précise aussi que l’ONF devra mener « des actions de sensibilisation du public de façon à améliorer l’acceptation sociale des récoltes de bois ». Malgré de nombreux actions de protestation et d'alertes du grand public, rien n'y fait ! Relisez par exemple ces articles que nous avions publié en 2013 mai 2014 et en juin 2014...

Selon les syndicats, les directions de l'ONF souffrirait d’une tendance à l’autoritarisme. Ils leurs reprochent plusieurs licenciements — dont celui du directeur financier et de la directrice générale adjointe — survenus depuis la nomination du nouveau directeur général. « Le climat social délétère » dénoncé par l’intersyndicale a poussé en septembre 2017 cinq syndicats à démissionner des instances représentatives de l’Office. « Il n’y a plus de dialogue possible. La direction est sourde et aveugle. C’est un management par la terreur », relate Corinne Larenaudie, syndiquée à l’Unsa, lors d’une manifestation des forestiers en juin dernier.

PF 270


Bref, les forestiers sortent à nouveau du bois pour crier haut et fort leur malaise et dénoncer l'avenir de nos forêts domaniales ! Certains forestiers appellent à la grève du zèle, d’autres à ne pas facturer des prestations faites aux communes ou à ne pas enregistrer les PV de martelage ce qui bloque les coupes. « Nous devons dépasser les corporatismes pour créer un mouvement large de défense des forêts », dit un syndicaliste. Les association SOS Forêt et SOS Forêt IDF doivent permettre le rassemblement des citoyens, associations environnementales et professionnels du bois pour la défense du patrimoine forestier. Si à Fontainebleau, les coupes rases ont diminuées, les volumes prélevés restent importants dans une forêt vieillissante et hétérogène. D'ailleurs si nous saluons l'exploitation plus massive du pin ces derniers mois, la sous-traitance des coupes et les carnages qu'elles engendrent parfois, nous font craidre le pire pour l'avenir de notre forêt notamment dans le nord de la domaniale où de nouvelles coupes ne devraient pas tarder ...



A lire aussi sur Bastamag l'entretien avec Jean-Baptiste Vidalou, auteur de Être forêts, habiter des territoires en lutte : « Il va bien falloir prendre parti dans la guerre en cours, entre les managers et les alliés du vivant »
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