Fontainebleau, la forêt poubelle !

En quelques mois, la Forêt de Fontainebleau et ses environs sont devenus une vaste décharge à ciel ouvert suscitant de vives critiques contre l'ONF sur les réseaux sociaux et auprès des associations d'usagers. Il est temps pour nous de revenir sur ce dossier car ces critiques se trompent de totalement cible. En dehors des imbéciles qui jettent leurs déchets en forêt et sur les chemins de nos campagnes, les vrais responsables de la transformation du pays de Fontainebleau en décharge sont nos élus locaux que ce soit le maire de Fontainebleau ou les élus du SMITOM LOMBRIC ! Il est peut être temps d'organiser un dépôt de ces déchets devant les portes des vrais responsables de cette pollution !

Certes, les négligences et incivilités ont toujours existé. Cependant, la situation se dégrade depuis quelques années de façon exponentielle aussi bien en forêt que dans les campagnes environnantes. Ainsi, autour de Chailly-en-Bière, commune à la lisère de la forêt domaniale, il n'est pas un chemin agricole (et ils sont très nombreux) qui ne soit pas transformé en dépôts de gravats et immondices en tous genre. Dans certains secteurs, les maires ont même pris des Arrêtés Municipaux de fermeture de ces chemins assortis de barrières pour éviter la multiplication des dépôts sauvages. En forêt domaniale, c'est l’ONF qui assure leur ramassage mais des quelques dizaines de tonnes annuelles retirées jusque dans les années 2000 on est passé à plusieurs des centaines de tonnes ! Environs 200 tonnes en 2014, 357 tonnes en 2015 et certainement le double en 2016 ! Mais comment en est-on arrivé là ? Les habitants du Pays de Fontainebleau seraient-ils devenus si bêtes en quelques années ?

Petit retour en arrière...



1984, dans les Trois Pignons, les poubelles en forêt cela
ne résolvaient absolument pas les problèmes
Les déchets en forêt de Fontainebleau, c'est une longue histoire que l'on connaît bien à la TL²B. Au début des années 90, pour le ramassage des quelques 6 000 m3 d'ordures annuels abandonnés en forêt ou je dans l'une de 900 poubelles de parking, l'ONF utilisait deux camions au moins une fois par semaine pour un coût d'environ 150 000 €. Que devenaient ces déchets ? Ils s'entasser dans l'une des cinq décharges ONF cachées dans la forêt ! Faute d'un passage plus régulier, faute de poubelles adaptées, de nombreux sacs poubelles des visiteurs étaient éventrés sur les parking par les renards et autres corbeaux.
C'est le groupe technique ONF des Trois Pignons qui expérimenta la suppression des poubelles en 1995, remplaçant chaque corbeille par un panneau "stop" vert orné d'une chouette. Si les premiers weekends qui ont suivi la pose des panneaux, on a pu voir ici et là des petits sacs accrochés à ces panneaux, la plupart des usagers réguliers et occasionnels avait pris l'habitude de remporter ces ordures chez eux. Fort du succès, la mesure fut généralisée à l'ensemble du domaine forestier. 
Hélas, depuis 1995, la fréquentation n'a fait que s'accroître et les incivilités ont progressé. Mais la situation catastrophique que l'on connaît actuellement sur ce secteur est-elle vraiment la conséquence d'un changement de comportement des visiteurs et un accroissement de leur nombre ? La réponse est clairement NON !


Cette photo prise en forêt domaniale de Fontainebleau est garantie sans trucage. Faite par Jean Paul Lahache, elle
montrait une ancienne décharge de l'ONF. Actuellement fermée, cette décharge est juste enfouie sous quelques centimètres de sable où la végétation reprend doucement. Il en existe plusieurs en forêt (voir la page des cartes) !



Alors, qui est responsable de la situation actuelle ?


Deux indices sont là pour nous aider à répondre à la question. Dans la récente enquête de fréquentation de la forêt dont nous parlions ici, nous voyons très clairement que le problème des déchets et la préoccupation numéro 1 pour visiteurs. Une prise de conscience qui a transformé les clean up days et autres journées de nettoyage institutionnelles en rendez-vous citoyens écorresponsables mensuels notamment grâce au groupe Une petite marche pour une grande démarche !

Deuxième indice, la nature des déchets a bien changé ! Aujourd'hui, plus de 70 %  des déchets ramassés proviennent de dépôts sauvages de gravats en tous genre. Il ne s’agit plus de négligences ou d’incivilités mais d’une action réfléchie pour s'épargner les frais d'une mise en déchetterie, coûteuse et parfois éloignée. Si certains de ces dépôts sont le résultats du travail d'artisans et professionnels du bâtiment bien peu scrupuleux, un grand nombre provient de riverains trouvant dans notre forêt une alternative gratuite à  la nouvelle politique d'accès aux décharges du secteur ! Car l'analyse de ces tas d'ordures ne laisse aucun doute sur l'origine de ces dépôts. Fauteuils défoncés, matelas hors d’usage, pots de peinture à moitié secs, bidons de produits chimiques, batteries de voiture,  pneus, plaques de toiture amiantées, cuvettes de toilettes, machines à laver….et divers végétaux coupés dans les jardins proviennent le plus souvent de particuliers n'habitants pas très loin.


Cette photo d'un lecteur de la TL²B vous donne une idée du type de dépôt que l'on rencontre actuellement dans
la forêt de Fontainebleau à l'entrée des routes et allées forestières.


La responsabilité juridiques des communes limitrophes.


Sur le plan juridique, ce sont les communes qui sont responsables de la propreté de leur territoire communal, même si celui-ci est en partie boisé. Il appartient à la commune d’assurer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques », ce qui comprend notamment « le nettoiement .., l’enlèvement des encombrants ou celle de réprimer les dépôts, déversements, déjections de toute nature ….objet de nature à nuire à la propreté des voies publiques» selon l'article L2212-2 du code général des collectivités territoriales. Une action que le Maire de Fontainebleau limite aux seuls murs de sa commune ! Pourtant, « au cas où des déchets sont abandonnés, contrairement aux prescriptions du présent chapitre, … le titulaire de pouvoir de police (le Maire), peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. » selon l'article L541 -3 du Code de l’environnement. De fait le massif forestier de Fontainebleau s’étend sur plusieurs communes, dont la principale est la ville de Fontainebleau.  Si la ville de Melun s'est récemment doté d'une Brigade Verte pour chasser les dépôts en ville, les communes du Pays de Fontainebleau, elles ne semblent pas se sentir responsables de la propreté de la forêt !

Cette situation est d’autant plus surprenante que, comme l’indique l’étude de fréquentation, les retombées économiques apportées par les visiteurs de la forêt sont évaluées à 11 millions d’euros ! Pour obtenir que la forêt de Fontainebleau soit classée au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, il faudrait peut être que nos communes se bougent un peu pour sa préservation ! Alors, oui, leur budget sont aussi de plus en plus serrés mais  cette action pourrait relever des communautés de communes qui vont être prochainement fusionnées dans la communauté d’agglomération.


Et la responsabilité financière des élus du Département !


Pourquoi l'ONF a t-il cessé les ramassage depuis avril 2016 ? Tout simplement parce qu'il n'a plus les moyens de le faire comme il le rappelait dans sa note de communication. Nous avons à la TL²B l'habitude de taper sur la politique des Ministères de tuelle de l'ONF. Cette fois, soulignons le rôle des élus du Département dans la transformation du Pays de Fontainebleau en décharge ! Le Conseil départemental accorde annuellement une subvention à L'ONF pour qu'il organise l'accueil du public sur son terrain.  Cette subvention finance donc une partie des charges assumées par l’ONF comme l'aménagement de parkings. Aujourd'hui, l'ONF affecte plus de la moitié de cette subvention à la seule domaniale de Fontainebleau. Mais celle-ci se réduit comme peau de chagrin alors que les dépenses ne cessent d'augmenter ! En effet aux 500 mille euros versés par le Département en 2014 à l'ONF,  on est passé à 435 000 en 2015 et seulement 350 000 en 2016.


Autre photo, autre lectrice de la TL²B mais toujours en forêt domaniale de Fontainebleau !



La  responsabilité organisationnelle du SMICTOM


Nous avions largement prévenu que ces dépôts allaient augmenter avec l'adoption l'an dernier de la nouvelle politique d'accès au déchetteries ! Les coups de gueules étaient nombreux ici et là, pour rappeler que cette décision aurait une incidence immédiate sur les dépôts sauvages. En effet, à partir du 1er octobre 2015, des 36 passages gratuits par an pour un véhicule standard, on passait à 18. Ensuite, les tarifs faisaient vite grimper la note ! 


Le SMITOM LOMBRIC est administré par un Comité Syndical composé de 108 délégués élus par les différents conseils municipaux de ses 67 communes adhérentes Le SMITOM-LOMBRIC assure la compétence traitement des déchets ménagers pour 7 adhérents : 1 communauté d’agglomération, 2 syndicats intercommunaux, 3 communautés de communes et 1 commune isolée.Le SMICTOM de la Région de Fontainebleau est un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI), regroupant 22 communes rurales et semi-urbaines dont Fontainebleau, Avon et Bourron-Marlotte, soit un total de 85 174 habitants. La Communauté de Communes du Pays de Fontainebleau a délégué la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers au SMICTOM. Chaque commune est donc rattachée à une déchetterie :

Les communes de Fontainebleau et de Bourron-Marlotte sont rattachées à la déchetterie de Bourron-Marlotte, et la commune d’Avon à la déchetterie de Vulaines-sur-Seine. Les habitants de Recloses peuvent se rendre dans différentes déchetteries .
Mais la responsabilité du SMICTOM ne s'est pas arrêté là puisqu'il facture aussi à l'ONF la mise en déchetteries des ordures collectées, comme s’il en était responsable ! Donc en dehors d’opérations ponctuelles, telles que celles de « forêt propre » où le SMICTOM est partenaire, les nombreux ramassages bénévoles seront facturés à l'ONF !


L'ONF est donc une victime qui fait ce qu'il peut avec le peu de moyens qu'on lui donne !


C’est donc l’ONF qui assure le ramassage des déchets en forêt domaniale  y compris sur le bord des routes départementales, par convention avec le département de Seine et Marne (collecte, stockage et traitement). A cette fin, il a déployé un plan d’action qui s’articule autour de quatre volets : surveillance accompagnée de répression, partenariat avec des associations, communication et sensibilisation. Pour conduire ce plan, il reçoit une contribution financière du département de Seine et Marne qui, comme on l'a vu a diminué de 65 mille euros en 2015, et de 85 mille euros en 2016 alors que le volume de déchets progresse de façon exponentielle. Un déséquilibre qui a conduit l’ONF à suspendre le ramassage des déchets ou gravats depuis le 4 avril 2016. Les dépôts attirants les dépôts, la situation ne cesse d'empirer et l’électrochoc ne semble toucher que les usagers réguliers. 


Agissons !


Il n’est plus possible de laisser s’aggraver d'avantage cette situation inacceptable. Il est impératif de reprendre progressivement l’enlèvement des gravats en commençant par les sites les plus contaminés et si l'ONF ne peut plus y contribuer, il faudra sans doute les déposer devant l'Hotel du Département ou devant le siège du Président du SMICTOM, Michel Benard ! 

Il convient aussi d'interpeller par courrier ou lors des réunion publiques nos élus locaux. Bref, il va falloir conduire une action d'ampleur contre les responsables pour leur ouvrir les yeux ! Ensuite, il faudra trouver des solutions pérennes avec une prise en charge des coûts de traitement et ramassage des déchets plus justement répartis. Une convention pourrait ainsi lier tous les acteurs précédemment évoqués : Conseil départemental, communes et communauté d’agglomération, ONF, Associations. 

Il faudrait également renforcer les actions répressives car le niveau maximum possible des amendes restent faibles. En effet l’infraction représentée par les dépôts sauvages en forêt relève de la 5é catégorie et n’est passible que d’une somme de 1500 € maximale auquel peuvent s’ajouter des dommages et intérêts (notamment le coût représenté par l’enlèvement du dépôt). Un relèvement de ce plafond irait dans le sens souhaité tant par l’UICN que par les associations de protection de l’environnement mais il s'agit là d'une compétence législative qui nécessite l’implication du Ministère de l’environnement !

En attendant, la Seine et Marne reste une poubelle géante pour l'Ile-de-France car ces tumulus du XXIè siècle devraient être transférés dans des installations de stockage de déchets inertes (ISDI). Un déchet inerte est un déchet qui ne subit "aucune modification physique, chimique ou biologique importante" avec le temps, et ne présente donc, soit disant, aucun danger pour l'environnement ou la santé humaine.  Il s'agit donc en grande partie des déchets du BTP dont la France a produit 254 millions de tonnes en 2008. Huit fois plus que d'ordures ménagères !!! En Seine-et-Marne, à la douzaine d'ISDI en activité, sept demandes de création ou d'extension de sites existants avaient été déposées en 2011. En 2006, notre département produisait  environ 2 millions de tonnes de déchets du BTP mais surtout en enfouissait cinq fois plus et c'est pas prêt de s'arrêter (ici) !


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5 commentaires :

  1. Merci pour cet excellent article.
    La responsabilité des organismes cités est flagrante et
    l'ONF est une victime collatérale.
    Pour s'en convaincre Il suffit d'essayer d'aller déposer des déchets dans l'un des sites mentionnés gérés par un des sus dits organismes pour comprendre que l'artisan pressé ou le particulier peu regardant est fortement dissuadé
    d'y venir: Attentes interminables, fermetures inopinées pour manque de bennes, limitation des passages (comment fait on quand on a un très grand jardin sachant que simultanément l'interdiction de brûler les végétaux est entrée en vigueur....
    L'objectif de rentabilité des déchèteries est la source du problème, on augmente ainsi les taxes en faisant semblant d'être vertueux.
    Ce service est déjà payé par les habitants.

    Merci pour votre Information et merci.
    Cordialement

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    1. Bonjour,

      J'ai le même problème que vous pour les déchets verts. Petite poubelle et grand jardin. Je balance tout dans un coin retiré pour faire un excellent compost. Pour les grandes branches, l'option cheminée/poêle à bois reste envisageable.

      Pour le reste, tout à fait d'accord avec vous, en 10 ans nous sommes passés d'un service à domicile de retrait des encombrants payé par nos impôts locaux à un système de déchèterie contraignant, peu ergonomique et payant. L'argument écologique est parfois le faux nez du libéralisme...

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  2. Bonjour,
    Une des photos semble représenter le tas d'ordures proche du Canon, qui est là depuis plusieurs mois, j'en avais signalé deux autres de même volume vers la Table du Roi au début de l'été, qui doivent y être encore. Du coup je ne signale même plus, il n'y a peut-être plus de personnel pour les ramasser...
    Denis D

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    1. Bonjour,
      nous comprenons mais comme expliqué, l'ONF a suspendu les ramassages depuis Avril fautes de moyens et pour créer un électrochoc. En attendant, nous demandons de poursuivre les signalements auprès de l'observatoire des AFF pour identifier les nouveaux dépôts et ne pas laisser à penser que leur nombre à diminué par une mauvaise interprétation des statistiques ! Merci

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  3. Bonjour,
    Très bon article qui cerne bien le problème mais évacue trop vite la responsabilité de certains autochtones aux pratiques coupables. Combien de frigos, fours et matelas usagés abandonnés à la nuit tombante sur le bord d'une route isolée par une voiture immatriculée dans le 77 ?
    La photo animalière m'amène souvent à ma balader en forêt aux heures sombres : croyez-moi, le phénomène augmente dramatiquement depuis quelques années. Cet aspect là ne peut pas être ignoré car il est révélateur d'un problème beaucoup plus profond et fondamental que peuvent l'être les seuls arguments économiques ou pratiques.
    C'est triste mais c'est ainsi, bon nombre de nos concitoyens se fichent de la nature et de sa préservation. La forêt de Fontainebleau ne constituant qu'un inconvénient quand il s'agit de la traverser au milieu des bêtes sauvages la nuit en voiture.
    Ils voient un chemin dont la barrière a été cassée sans être remplacée depuis des mois et au lieu de regretter comme moi que l'ONF n'ait pas les moyens ou le courage de changer la barrière, pensent immédiatement au vieux four qui prend de la place dans le garage. Et si demain soir, à la nuit tombante...

    C'est ainsi, notre société souffre, certaines limites liées au respect et au civisme tombent. L'éducation, l'esprit critique sont en berne ; la forêt n'est finalement qu'un miroir.

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