Ça chauffe en montagne !

La France va accueillir et présider la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21/CMP11), aussi appelée « Paris 2015 », du 30 novembre au 11 décembre 2015. C’est une nouvelle occasion d'aboutir à un accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C. On peut rêver ! Les alpinistes sont bien entendus touchés par le réchauffement climatique et les plus de 40 ans ne peuvent que pleurer le recul des glaciers... Les températures exceptionnellement chaudes de cet été viennent accentuer le phénomène de la fonte des glaciers, signe visuel fort de la tendance à long terme de l'évolution climatique. Pour comprendre les effets de ces changements, les mesures et suivis réalisés dans les Écrins par les agents du Parc national des Ecrins et les chercheurs concernent les glaciers, bien sûr, mais aussi la végétation, les alpages, les lacs et quelques espèces sentinelles. Un PN fortement mobilisé sur ce thème qui multiplie donc les publications sur le sujet et dont sont issus les extraits ci-dessous.

"La contribution du Parc national des Écrins à l'étude et au suivi des processus liés aux changements climatiques s'inscrit dans ses missions et travaux d'observations à long terme. Les informations des différentes stations météorologiques sont complétées par l’analyse d'images aériennes et satellites sur les évolutions de la végétation, les mesures et suivis sur les glaciers ou encore des programmes pluridisciplinaires sur les lacs d'altitude, les alpages et quelques espèces sentinelles.
De par ses missions et ses travaux d'observation à long terme, le Parc national des Écrins contribue à la veille écologique de nombreux écosystèmes. Au sein de nombreux réseaux, en partenariat avec des équipes de recherche, il participe à une meilleure compréhension des évolutions en cours.

Le suivi des glaciers reste l'élément le plus démonstratif de l'évolution des climats.

La fonte des glaciers, l'évolution de l'enneigement ou de la pousse de l'herbe nécessitent des suivis sur le long terme pour comprendre les évolutions et anticiper d'éventuelles mesures de gestion.

Le Parc national met en œuvre un protocole de mesure du recul des fronts glaciaires sur plusieurs glaciers du massif, ainsi qu'un protocole de bilan de masse au glacier Blanc.
La mesure des fronts est le plus ancien protocole de suivi des glaciers. Réalisée d'abord au décamètre, la mesure de la distance du front depuis un point fixe est aujourd'hui enregistrée à l'aide d'un télémètre laser. Ce suivi est réalisé encore actuellement pour cinq glaciers dans les Écrins : glacier Blanc, glacier Noir, glacier de La Selle, glacier du Sélé et, le doyen en la matière, le glacier de La Pilatte. Pour ce dernier, en effet, les premières mesures de front furent décidées par le service RTM en 1920 !

Depuis 1986, le front du glacier Blanc a reculé de 726 mètres, soit 26 mètres de moyenne par an. Pour l'ensemble du massif des Écrins, de simples mesures de distance permettent d'estimer que la superficie des glaciers est passée de 100 km2 en 1986 à 69 km2 aujourd'hui. Mais cette mesure n'est pas suffisante. À lui seul, le recul du front ne constitue pas un indicateur exhaustif de la perte glaciaire. D'autres mesures sont nécessaires pour calculer l'évolution de la masse glaciaire. Le protocole dit de "bilan de masse" est complexe. Il est appliqué sur le glacier Blanc, sur le glacier (rocheux) de Laurichard et sur le glacier Noir, en lien avec les partenaires du Parc (LGGE et Irstea).

Carte des glaciers du Parc national des Ecrins en 2009  (d'après la thèse de Marie Gardent : Inventaire et retrait des glaciers dans les Alpes françaises depuis la fin du Petit Âge Glaciaire, 2014)Un bilan réalisé à partir d'images aériennes montre que le plus grand glacier des Alpes du Sud a perdu en moyenne près de 10 mètres d'épaisseur en douze ans, avec des différences importantes selon l'altitude. Malgré quelques épisodes de répit, le volume du glacier Blanc diminue, en réponse à l'évolution du climat. Un déséquilibre qui remonte aux années 80. Les fortes chaleurs de cet été vont certainement accentuer le phénomène.

C'est une mesure qui n’est reconduite que tous les 10 à 15 ans. : établir une carte précise d’un glacier pour en connaître les variations d’épaisseur sur toute la surface. Ce bilan, réalisé à partir d'images aériennes, donne la tendance à long terme du bilan de masse du glacier, c’est-à-dire de son état de santé en réponse aux changements du climat.

La dernière mesure de ce type conduite au glacier Blanc, le plus grand glacier des Alpes du Sud, datait d’octobre 2002. Elle a été reconduite en septembre 2014 à partir de photographies aériennes réalisées par l'IRSTEA (1) pour le Parc national des Écrins. Plusieurs mois après la réalisation des images aériennes, le résultat tombe : ce sont près de 42 millions de m3 d’eau que le glacier a perdu en 12 ans. Cela représente, en moyenne, entre 9 et 10 m de perte d’épaisseur sur toute la surface du glacier.


graphique Bilan de masse glacier Blanc © Parc national des Ecrins




Glacier Blanc 2002-2014 - variation surface - photo aerienne - analyse E-Thibert-IRSTEA
Photographie aérienne du glacier Blanc, septembre 2014.
En rouge et noir, ce sont les extensions du glacier respectivement au 3 octobre 2002 et 29 septembre 2014.
En 12 ans, le glacier a perdu presque 50 ha de surface (ci-dessus) et, en moyenne, 9 à 10 mètres d'épaisseur sur toute sa surface (ci-dessous)


« Si l’on n'observe que peu de changements entre 3800 m et le sommet du glacier au Dôme de neige des Écrins (4015 m), c'est vers 3000 m que le glacier a perdu plus de 10 m d’épaisseur en face du refuge des Écrins, et jusqu'à 20 m dans la chute de sérac en face du refuge du glacier Blanc » explique Emmanuel Thibert, ingénieur de recherche à IRSTEA - ETNA Grenoble (1).
Au niveau du front actuel du glacier, là où émerge le torrent sous-glaciaire, 90 m de glace ont disparu depuis 2002. « C’est dans les zones terminales du glacier que les changements sont les plus marqués, là où la surface du glacier a le plus diminué (48 ha en moins, soit 10 % de sa surface initiale) et la langue glaciaire s’est retirée (370 m de recul). »
Au cours des 12 dernières années, le glacier a ainsi perdu en moyenne une lame d’eau de 70 cm chaque année, soit 40% de plus de ce qu’il perdait annuellement entre 1981 et 2002.
Evolution de la surface du Glacier Blanc depuis 1853 et de sa longueur depuis l’extension maximale du Petit Age de glace de 1815.
Évolution de la surface du glacier Blanc depuis 1853 et de sa longueur depuis l’extension maximale du Petit Age de glace de 1815.

La fonte estivale s'intensifie

Cette perte de masse est observée depuis les années 80. Elle s’accentue depuis les années 2000 et indique que le glacier est de plus en plus en déséquilibre avec le climat.
« Les années 70-80 sont la dernière période au cours de laquelle le glacier a été à peu près en équilibre avec les conditions climatiques : son bilan de masse était équilibré, c’est-à-dire nul, les précipitations de neige accumulées l’hiver étant exactement compensées (à l’échelle du glacier) par la fonte estivale » explique Emmanuel Thibert.

Lever de soleil sur le Pelvoux - glacier Blanc au premier plan © M.Coulon - Parc national des Ecrins Glacier Blanc - sept 2014 - © M.Coulon - Parc national des Ecrins

Depuis le milieu des années 80, la fonte d’été a nettement augmenté en réponse à l’augmentation des températures atmosphériques. Le glacier réajuste alors son volume : son front recule et il perd de l’épaisseur, en moyenne une lame d’eau de 50 cm chaque année entre 1981 et 2002.

« Ce que nous disent ces dernières mesures, c’est que ce réajustement n’a pas suffi et que le glacier a augmenté sa perte de masse annuelle entre 2002 et 2014, certainement parce que, simultanément, le climat continue de se réchauffer. »

Si les précipitations d’hiver qui alimentent en neige le glacier à haute altitude n’ont pas beaucoup changé depuis 30 ans, ce sont surtout les conditions estivales qui expliquent cette accentuation : une fonte plus précoce au printemps, plus tardive en automne et bien plus intense au milieu de l’été. Telles sont les principales causes identifiées par une étude menée également par IRSTEA (2) au glacier de Sarennes, petit glacier voisin de 30 km du glacier Blanc, et objet d’observations continues depuis 1948.

Pour ce petit glacier, la perte de masse, systématique et observée tous les ans depuis 2002, est en moyenne de -2,9 m de glace par an.
Au glacier Blanc, la présence d’un grand bassin d’accumulation à plus de 3000 m et la variabilité inter-annuelle des conditions météorologiques font que le glacier a compté tout de même quelques années au cours desquelles il a connu des bilans excédentaires depuis 2002.

Les mesures réalisées annuellement par le Parc national des Écrins montrent qu’en 2008, 2013 et 2014 des hivers bien enneigés conjugués à des étés pas trop chauds ont permis au glacier Blanc d’augmenter légèrement son volume. Mais, la tendance à long terme, celle liée à l’évolution du climat, est bien à une diminution du volume du glacier Blanc, comme on peut l’observer pour la quasi-totalité des glaciers de l’arc alpin.

(1) IRSTEA : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (ex-CEMAGREF) - ETNA - Érosion torrentielle, neige et avalanches.
(2) E. Thibert, N. Eckert, and C. Vincent (2013). Climatic drivers of seasonal glacier mass balances: an analysis of 6 decades at Glacier de Sarennes (French Alps). The Cryosphere 7, 47-66, doi:10.5194/tc-7-47-2013.


Phénoclim
"Phéno" comme phénologie - "Clim" comme climatologie
Initié en 2004, Phénoclim est un programme scientifique et pédagogique qui invite le public à mesurer l’impact du changement climatique sur la faune et la flore en montagne.


La communauté Phénoclim regroupe près de 5 000 personnes depuis plus de 10 ans – particuliers, professionnels de la nature, élèves et enseignants, associations ou entreprises.

Le Parc national des Ecrins est partenaire de ce programme piloté par le CREA (Centre de Recherche sur les Ecosystèmes d'Altitude) et a installé depuis 2004 une station à la Maison du parc de Vallouise, où les agents réalisent les observations de phénologie et d'enneigement. Depuis 2013, deux autres stations ont été mises en place avec comme originalité une station en altitude à proximité du refuge de Vallonpierre (2270m).


Par ailleurs, en 2014, le Parc national des Écrins a accompagné le CREA dans la modernisation de sa base de données, de l'application de saisie des relevés de phénologie, dans la refonte du site internet de Phenoclim et dans le développement d'une application mobile pour que les membres puissent relever la phénologie directement sur smartphone.
Visitez le site de phenoclim

SOURCES textes et images :
Ecouter la chronique nature Le suivi du glacier blanc, avec Martial Bouvier (PNE)
http://www.ecrins-parcnational.fr/actualite/glacier-blanc-equilibre-rompu
http://www.ecrins-parcnational.fr/dossier/sentinelles-du-climat
Et aussi Des glaciers à la carte
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