Les détenteurs de sites pollués sont responsable sous conditions

La Cour de cassation a rendu le 11 juillet un arrêt très intéressant en matière de responsabilité des propriétaires de sites pollués par l'action d'une installation classée. Une décision qui rejoint la récente jurisprudence du Conseil d'Etat.

Produits chimiques abandonnés sur le site de l'ICPE
Dans cette affaire, Mesdames Z. et X. avaient loué à Mme A. un terrain pour l'exercice d'une activité de conditionnement et de commercialisation de produits chimiques, relevant de la législation sur les installations classées (ICPE). Le bail a été résilié et la liquidation judiciaire de Mme A. clôturée pour insuffisance d'actifs. Mais des produits chimiques avaient été abandonnés sur le site dont les propriétaires ont repris possession.
Le préfet a confié à l'Ademe le soin de conduire les travaux d'élimination des déchets abandonnés. Après avoir mené à bien ces travaux, l'Agence a assigné Mesdames Z. et X. pour les voir condamner, sur le fondement de l'article L. 541 2 du code de l'environnement, à lui régler la somme de 246.917 euros.

La cour d'appel de Toulouse a rejeté la demande de l'Ademe estimant que les propriétaires n'avaient pas eu de pouvoir de contrôle et de direction sur l'activité qui avait généré ces déchets, qu'elles n'avaient pas par elles-mêmes contribué à un risque de pollution et que l'abandon des déchets ne leur était pas imputable. L'Agence de l'environnement s'est alors pourvue en cassation.

Le propriétaire/détenteur des déchets responsable sous conditions
"En l'absence de tout autre responsable", la Haute juridiction judiciaire considère que "le propriétaire d'un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur" au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, "à moins qu'il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l'avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance".
"Ces deux conditions sont cumulatives : le propriétaire dont la responsabilité est recherchée ne peut se contenter de rapporter la preuve de l'absence d'abandon. Il doit en outre démontrer n'avoir pas eu un « comportement fautif », à savoir permettre ou faciliter l'abandon des déchets par négligence ou complaisance", relève Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement.
En l'espèce, la Cour rejette le pourvoi de l'Ademe : les propriétaires ne pouvant se voir reprocher un comportement fautif, elles n'étaient pas débitrices de l'obligation d'élimination de ces déchets et ne pouvaient, par conséquent, être tenues de régler à l'Ademe le coût des travaux.

Les propriétaires doivent faire preuve de vigilance
Cette décision rendue dans le cadre d'un procès civil doit être rapprochée de celle rendue par le Conseil d'Etat le 26 juillet 2001, suivie de celle du 23 novembre 2011. Par la première, la Haute-juridiction administrative a jugé que le maire, au titre de la police des déchets, pouvait imposer l'évacuation des déchets au propriétaire d'un terrain pollué, en l'absence de détenteur connu, en particulier s'il avait fait preuve de négligence. Par le second, il a estimé qu'en cas de carence du maire, le préfet pouvait prendre le relais et exiger la dépollution d'un site au titre de la police des déchets.
Pour Arnaud Gossement, la solution retenue par la Cour est "cohérente" avec celle du Conseil d'Etat. Une raison de plus pour les propriétaires de faire preuve de vigilance quant aux produits et substances situés sur leurs biens. "Ils peuvent être à l'origine de leur recherche en responsabilité", avertit l'avocat.

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