Parc National des Calanques, outil de sauvegarde mon oeil !

Après plus de douze ans de tergiversations et de travaux préparatoires, d'avancées et de reculs au rythme d’une marée inexistante en méditérannée, le parc national des Calanques est officiellement né avec la signature du décret de création du dixième parc national français par François Fillon, mercredi 18 avril 2012 ! Entre fausses rumeurs, vrais fantasmes et craintes avérées, les pêcheurs professionnels, les cabanoniers, les chasseurs, les plongeurs, les plaisanciers, les grimpeurs, etc ..., tous craignent de perdre leur liberté et de devoir faire des concessions disproportionnées.

A la Tribune Libre de Bleau nous avons exprimé régulièrement et largement notre opinion, plutôt défavorable à la création d’un parc national aux rabais, et aux portes de la deuxième ville de France (800 000 habitants). Encore une fois rappelons-le depuis la Loi de 2006, les PN ont perdu un peu de leur intérêt car elle autorise de nombreuses concessions qui nous paraissent incompatibles avec une réelle protection de la nature.

Jean-Pierre Giran, président de l'établissement public Parcs nationaux de France (PNF), par ailleurs député (UMP) du Var, reconnaît les particularismes de ce parc dans lequel chasseurs, pêcheurs et exploitants touristiques ont reçu le droit de poursuivre leurs activités ! "C'était le but de la loi de 2006 que j'ai portée : élargir la notion de parc national afin que ce ne soit plus seulement un élément de protection mais aussi de partage de l'espace avec les usagers". 

Les pros et antis PN des Calanques (PNC) sont tous des amoureux du site et, des deux côtés, on se bat, pour les sauver, chacun à sa manière. Avec passion, dans les deux camps on évoque la préservation de la nature, en évoquant l'aigle de Bonelli, l'oursin diadème, le mérou ou le molosse de Cestoni (une très grosse chauve-souris de 40 cm d'envergure !), les célèbres herbiers de posidonie, les superbes genêts de Lobel, ou les savoureuses asperges sauvages...

Le PNC s'étend sur plus de 150 000 hectares et 51 800 ha classés en "cœur de parc" (dont 43 500 en mer) dans lesquels s'applique, quoi qu’on en dise, une réglementation contraignante. C’est bien entendu là que se trouvent les spots mythiques des grimpeurs et des randonneurs que sont  Sormiou, Morgiou, Port-Pin, En-Vau, Port-Miou. Les 8 300 hectares constituants  "l’aire optimale d'adhésion" feront l'objet d'une politique contractuelle de développement durable, avec une charte, entre le parc national et les communes tout comme dans le reste des 106 300 hectares de zones adjacentes ! On pourrait penser que ces zones seront moins soumise à la contrainte mais, force est de constater, que bien souvent (et c’est d’ailleurs ce pourquoi la Loi de 2006 a été voté) les autorités considèrent qu’un PN est un tout en matière d’interdits !
Le PNC est aussi le premier parc national "périurbain" intégrant même certains quartiers de Marseille ce qui contraindra quelques particuliers à changer leurs habitudes… !  Le dossier est aussi très politique sur fond de rivalités au sein de l'UMP en vue de la succession de Jean-Claude Gaudin, l'actuel maire de la ville.

A lire le décret paru au JO (voir plus bas), on comprend vite que les craintes et reproches de opposants sont fondées. En effet, les interdits sont nombreux, évolutifs et laissés aux bons vouloirs du directeur du PNC. Pire, le PNC a été construit sur des compromis étranges, parfois révélateurs des luttes électorales comme cette autorisation de la chasse y compris l’ancestrale chasse à la glu, pratique condamnée par l’Europe (on met de la glu sur les branches d'un arbre et l'oiseau qui s’y fait coller sert d'appât pour les autres migrateurs) !

Et encore pire, les interdictions sont levées en ce qui concerne les grosses pollutions en mer, largement dénoncées pendant ces douze ans d’étude. Le PNC ne règlera donc pas le problème des rejets de boues rouges industrielles  ni celui des égouts de Marseille ainsi que la remarquable décharge à ciel ouvert de La Ciotat situé en plein cœur de parc !



Par contre, plus question de faire des fêtes nocturnes dans les cabanons ou d’utiliser nos traditionnels bivouacs de grimpeur. "On va interdire les palmes des plongeurs pour ne pas déranger les micro-organismes, mais les "promène-couillons" (bateaux pour touristes) restent autorisés", s'étrangle Claude Leloustre, de la Société nautique de Marseille.

"Soit on laissait tomber et il n'y avait pas de parc national des Calanques, soit on trouvait des voies de passage, en l'occurrence des dérogations", se justifiait Nathalie Kosciusko-Morizet, encore ministre de l'écologie, interpellée par un responsable marseillais de France Nature Environnement, lors du congrès de l'organisation, le 28 janvier dernier.
"La limite de l'exercice, c'est que ces mesures spécifiques ne doivent pas être contagieuses pour les autres parcs", ajoutait la ministre.
C’est bien là notre principale crainte !
"Il y a eu un débat très vif avec les défenseurs de la nature, qui parlaient de "précédent fâcheux", souligne Michel Sommier, directeur des PNF, « mais je ne suis pas inquiet, le parc évoluera. » Les dérogations sont dites "décadentes", c'est-à-dire non transmissibles et disparaîtront avec la mort des propriétaires des bateaux de pêche ou des permis de chasse...

En attendant, les opposants au PNC ne désarment et entendent bien attaquer juridiquement ce décret !


Extrait du décret publié au JO le 19/04/2012
(ou télécharger le pdf, 14 pages)

III. – Il peut être dérogé aux interdictions édictées par les 2o, 3o et 4o du I pour capturer des appelants destinés à la chasse au gluau, les détenir, les transporter et, le cas échéant, les emporter en dehors du coeur du parc, avec l’autorisation du directeur de l’établissement public, dans les conditions et limites fixées par l’article 28 et précisées par la charte.

Art. 15. − I. – Sont interdits :
1° L’usage de véhicules nautiques à moteur et la pratique de sports et loisirs nautiques tractés ;
2° Les compétitions sportives motorisées, notamment les compétitions motonautiques ;
3° L’accès aux embarcations à moteur :
a) Dans la calanque d’En Vau, entre le fond de la calanque et une ligne droite, délimitée sur le plan au 1/100 000 annexé au présent décret (1), reliant les points listés dans l’annexe 6 au présent décret ;
b) Dans la calanque de Port-Pin, entre le fond de la calanque et une ligne droite, délimitée sur le plan au 1/100 000 annexé au présent décret (1), reliant les points listés dans l’annexe 7 au présent décret ;
4° La navigation des navires de plus de 20 mètres hors tout, dans les espaces maritimes du coeur délimités sur le plan au 1/100 000 annexé au présent décret (1) par des lignes droites reliant les points listés dans
l’annexe 8 au présent décret pour la calanque d’En Vau et dans l’annexe 9 au présent décret pour la calanque de Port-Pin.
Cette interdiction n’est pas applicable aux navires de transport de passagers mentionnés à l’article 31, dans les conditions et limites définies par cet article ;
5° Le débarquement et l’embarquement de passagers dans le cadre d’activités commerciales ou paracommerciales, à l’exception du débarcadère de l’île Verte.
II. – Sauf autorisation du directeur de l’établissement public, sont interdits :
1° Le survol du coeur du parc à une hauteur inférieure à mille mètres du sol des aéronefs motorisés ;
2° Le campement et le bivouac sont interdits sous quelque forme que ce soit ;
3° L’organisation et le déroulement de manifestations publiques, notamment de compétitions sportives.

L’interdiction édictée au 1° ne s’applique pas aux survols nécessités par les opérations d’approche, d’atterrissage et de décollage sur l’aéroport de Marseille Provence ainsi qu’aux survols effectués conformément aux règles de vol à vue empruntant l’axe de transit de jour « La Ciotat - Cap Croisette - Carry-le-Rouet » sous réserve qu’ils soient effectués à un mille nautique des espaces classés en coeur terrestre et à une hauteur minimale de cinq cents mètres.

III. – Sont réglementés par le directeur de l’établissement public :
1° Le survol du coeur du parc à une hauteur inférieure à mille mètres du sol des aéronefs non motorisés et, le cas échéant, soumis à autorisation ;
2° L’escalade.



IV. – L’accès, la circulation et le stationnement des personnes, à l’exception de l’escalade mentionnée au 2° du III, des animaux domestiques et des véhicules en dehors des voies mentionnées à l’article 21 sont réglementés par le conseil d’administration et, le cas échéant, soumis à autorisation du directeur de l’établissement public, sans préjudice de l’article L. 331-10 du code de l’environnement, en tenant compte des nécessités de l’exercice des activités légalement exercées et de la desserte des propriétés.
Cette réglementation ne s’applique pas aux chiens guidant des personnes aveugles ou assistant des personnes handicapées, sauf dans les zones et, le cas échéant, pendant les périodes, définies par le conseil
d’administration en vue d’assurer la protection du patrimoine, notamment d’espèces animales ou végétales ou d’habitats naturels, ainsi qu’aux chiens utilisés pour la surveillance, la conduite et la protection des troupeaux.

V. – Peuvent être réglementées par le directeur de l’établissement public les autres activités sportives et de loisirs en milieu naturel, qu’elles soient pratiquées à titre individuel ou dans un groupe encadré par des professionnels.

VI. – Les armateurs exerçant une activité de transports de passagers pour la visite des Calanques, quel que soit le port de départ, avec des navires circulant dans les espaces maritimes du coeur du parc à la date de publication du présent décret sont, ainsi que les navires utilisés à cet effet à la même date, inscrits sur une liste établie par le directeur.
L’exercice de cette activité par un nouvel armateur ou par un armateur existant au moyen d’un nouveau navire est subordonné à une autorisation du directeur, qui procède à l’inscription sur la liste prévue à l’alinéa
précédent.

II. – Les autorisations délivrées au titre du 1° du II peuvent être subordonnées au paiement d’une redevance dont le montant est fixé par le conseil d’administration.


Art. 22. − L’interdiction édictée par le 8° du I de l’article 3 n’est pas applicable aux rejets issus des stations d’épuration dans les zones affectées par ces rejets à la date de publication du présent décret. Cette interdiction n’est pas davantage applicable aux résidus de traitement de bauxite issus de l’usine d’exploitation de l’alumine
située à Gardanne rejetés dans le canyon de la Cassidaigne mais est limitée jusqu’au 31 décembre 2015 s’agissant des résidus solides qualifiés de « boues rouges ».

Art. 24. − I. – Le conseil d’administration de l’établissement public est composé de cinquante et un membres, ainsi répartis :
1° Neuf représentants de l’Etat :
a) Un représentant du ministre de l’intérieur ;
b) Un représentant du ministre de la défense ;
c) Le préfet maritime de la Méditerranée ;
d) Le directeur du service déconcentré régional chargé de la protection de la nature ;
e) Le directeur du service déconcentré régional chargé de la mer ;
f) Le directeur du service déconcentré départemental chargé de l’agriculture, de l’équipement et de la mer ;
g) Le directeur du service déconcentré régional chargé de la culture ;
h) Le directeur du service déconcentré régional chargé des sports ;
i) Le directeur du service déconcentré régional chargé du tourisme ;
2o Douze représentants des collectivités territoriales :
a) Le maire de la commune de Marseille ;
b) Le maire de la commune de Cassis ;
c) Le maire de la commune de La Ciotat ;
d) Un maire élu par et parmi les maires des communes qui ont adhéré à la charte, à l’exclusion de ceux
mentionné aux a, b et c ;
e) Deux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal de la commune de Marseille ;
f) Le président de la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole ainsi qu’un autre représentant
désigné par cet établissement ;
g) Le président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;
h) Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône ainsi que deux conseillers généraux désignés par
l’assemblée départementale ;
3° Vingt-neuf personnalités :
a) Le président du conseil scientifique de l’établissement public du parc national ;
b) Dix-neuf personnalités à compétence locale nommées sur proposition du préfet des Bouches-du-Rhône :
– deux personnalités compétentes en matière d’activités commerciales ou artisanales exercées dans le parc national ;
deux représentants des pêcheurs professionnels ;
– un représentant de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence ;
– un représentant de la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône ;
trois représentants d’associations de protection de l’environnement ;
quatre personnalités compétentes en matière de sports de nature ;
– un représentant des pêcheurs amateurs ;
un représentant des sociétés de chasse des communes concernées par le coeur du parc national ;
– un représentant des propriétaires fonciers dans le coeur du parc national ;
– un habitant du parc ;
– deux représentants des associations de quartiers dans le parc ;
c) Neuf personnalités à compétence nationale :
cinq personnalités désignées par le ministre chargé de la protection de la nature dont au moins deux sur proposition du Conseil national de la protection de la nature appartenant aux associations agréées de
protection de l’environnement ou au milieu de la recherche scientifique ;
– un représentant de l’Office national des forêts ;
– un représentant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;
– un représentant de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse ;
– un représentant de l’Agence des aires marines protégées ;
4° Un représentant du personnel élu par le personnel permanent de l’établissement public du parc. Un suppléant est désigné dans les mêmes conditions.

II. – Les représentants de l’Etat ou de ses établissements publics peuvent se faire représenter par un membre du service ou de l’organisme auquel ils appartiennent. Les maires et présidents mentionnés aux a, b, c, f, g et h du 2° du I peuvent se faire suppléer par un élu de la même assemblée délibérante. Les autres représentants des
collectivités territoriales peuvent se faire suppléer par un élu désigné dans les mêmes conditions.

Les membres mentionnés au 3° du I peuvent donner mandat à un autre membre du conseil d’administration.

III. – Le président du conseil économique, social et culturel assiste aux séances avec voix consultative.

Art. 28. − L’autorisation de capturer des appelants pour la chasse au gluau est accordée aux titulaires du permis de chasser qui, à la date de publication du présent décret, sont affiliés à une société de chasse ayant au moins une partie de leur territoire dans le coeur du parc et qui sont titulaires ou bénéficiaires d’une autorisation
préfectorale annuelle d’employer des gluaux.


Communiqué de presse ASPAS,  Le 19 avril 2012

Parc National des Calanques : espace de chasse protégée

Avec la création du Parc National des Calanques, on assiste à la création d’un nouveau genre d’aires protégées : les Parcs Nationaux de protection… de la chasse !
Si l’ASPAS devrait se réjouir de voir aboutir ce projet de protection d’un site exceptionnel aux portes de la seconde ville de France, nous ne pouvons que constater que non seulement ce Parc National n’est pas à la hauteur des attentes en matière de protection de la nature, localement, mais qu’il crée également un grave précédent au sein des aires protégées françaises en y autorisant la chasse, et surtout les pires de ses pratiques.

Dans le Parc National des Calanques seront autorisées tout à la fois, la chasse aux gluaux, un mode de chasse interdit par la législation Européenne, et la pratique des lâchers de gibiers de tirs, véritable honte de la chasse française.

La chasse aux gluaux consiste à enduire des branches de glu, sur lesquelles les oiseaux, attirés par le chant de leurs congénères « appelants », viennent s’engluer. Contraire à ses engagements européens, cette pratique est pourtant autorisée par la France dans les départements de PACA. Elle fait l’objet d’un recours de l’ASPAS auprès de la Commission Européenne en raison de la cruauté de cette chasse particulièrement barbare, mais aussi à cause de sa non sélectivité. En effet, de très nombreuses espèces protégées, mésanges, rouges-gorges, accenteurs, sont victimes par dizaines de milliers de cette pratique scandaleuse. Chaque année, les pouvoirs publics autorisent la capture de plusieurs centaines de milliers de grives par ce procédé.

Cette pratique sera désormais autorisée dans les mêmes conditions au sein d’un Parc National !

Les lâchers de gibiers de tirs, ces faisans ou perdrix sachant à peine voler, lâchés la veille des parties de chasse, pourront être pratiqués en zone centrale du Parc National. Cet espace est pourtant censé protéger la faune sauvage, mais également sensibiliser le public à sa protection.

Dans ce parc, toutes les activités nature seront règlementées et connaitront des restrictions d’usage, à l’exception de la chasse, qui verra ses pratiques, y comprises illégales, confortées sur l’intégralité du périmètre du Parc. Les promeneurs n’auront pas le droit de cueillir une pâquerette mais les chasseurs pourront tuer la faune sauvage pour se divertir !

L’ASPAS condamne donc avec force, ce bradage de la protection de la nature, cette dégradation inadmissible des Parcs Nationaux, au profit des méthodes de chasse les plus scandaleuses. Ce nouveau cadeau aux chasseurs arrive, comme par hasard, à quelques jours du premier tour des élections présidentielles.



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