Gaz de schiste... La france avance mais les pétroliers ne lâchent pas !

Bonjour,
Béatrice Héraud nous a adressé l'article suivant via Novethic qui démontre combien les industriels ne sont pas prêt à lâcher le morceau...
Article à mettre en rapport avec celui de Fabrice Nicolino et du Figaro :
http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1119



Gaz de schiste : face aux contestations, l'industrie veut faire entendre sa voix

Alors que les riverains, militants et politiques multiplient les actions contre l'exploration des gaz de schiste, les organisations de l'industrie pétrolière veulent elles aussi faire entendre leur voix. Exemple en France, où le gouvernement vient de marquer un sérieux coup d'arrêt sur les opérations en cours et au Québec, où il est plus hésitant.

Manifestations, propositions de lois, débats à l’Assemblée, pétitions, documentaire, réunions d’informations…les anti-gaz de schiste multiplient depuis quelques mois les actions coups de poing pour faire stopper l’exploration de cette ressource énergétique. Face à eux, l’industrie pétrolière et gazière, qui doit aujourd’hui composer avec la suspension de ses travaux d’exploration décrétée par le gouvernement et peut-être l’annulation des permis déjà attribués, ne cache pas son exaspération. Lors de la présentation des résultats de son groupe en février dernier, le patron de Total déclarait ainsi être « agacé par le bruit qu'on fait autour [des gaz de schiste] ». Quelques semaines plus tard, lors de son audition devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée, le président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP) estimait également que « le risque environnemental qui a été agité est excessif par rapport à la réalité » et que « ce qui est vraiment important aujourd'hui, c'est de pouvoir forer – de façon traditionnelle comme à l’habitude, c’est-à-dire sans faire courir un risque environnemental – pour évaluer ce dont on parle. On se jette à la figure des anathèmes, alors même que nous ignorons si la géologie offre ou non un potentiel.» Aujourd’hui, alors que le gouvernement vient d’annoncer la mise en place d’une procédure d’urgence pour annuler les permis, l’industrie est dans l'expectative et joue la prudence. « Vu la levée de boucliers politique, les choses semblent relativement pliées pour le moment et l’on ne peut que s’incliner », déclare ainsi Yves Le Goff, le directeur de la communication de l’UFIP. « La présidentielle étant dans un an, il y a énormément de pressions de part et d’autre…Il est donc difficile d’établir un pronostic sur ce qu’il adviendra », estime de son côté Bruno Courme, le directeur de Total Gas Shale Europe. Interrogé par l’agence Bloomberg le 1er avril, le président de Total en concluait qu’il leur fallait maintenant « attendre que cela se calme. Je ne suis pas pressé ».



De son côté l’Amicale des foreurs et métiers du pétrole, elle, ne veut pas baisser les bras. « Je suis ahuri par ce qui se dit et ce que l’on voit aujourd’hui », tonne Jacques Sallibartant, le président de cette association.

Créée en 1986, celle-ci se veut « indépendante de tous groupes de pression » et compte quelque 1700 membres en France et à l’étranger, en grande majorité des cadres et techniciens du secteur. Depuis quelques semaines, elle « mène une campagne » sur son site internet ainsi qu’auprès des administrations et politiques en démontant notamment le documentaire Gasland, dont elle reprend les critiques de l’association américaine Energy in depth* et entend bien emmener quelques députés en voyage d’étude aux Etats-Unis.

Objectif affiché : lutter contre la « désinformation actuelle sur ces sources d'énergie et sur leur technique d'extraction, dite de "fracturation hydraulique", qui est visiblement totalement méconnue en France », explique Jacques Sallibartant dans une lettre adressée à tous les députés avant le débat du 29 mars à l’Assemblée nationale (voir document lié). « Ils se sentent mal traités, et sans doute à juste titre car si les opérations sont réalisées correctement les risques sont maîtrisables. Ce n’est d’ailleurs pas quelque chose que l’on démontre sur le papier… », abonde Bruno Courme. Des arguments qui auraient trouvé une oreille attentive chez le député François-Michel Gonnot, co-rapporteur de la mission parlementaire sur les gaz de schiste, estiment certains, comme la députée du parti de gauche, Martine Billard, qui a demandé sa démission, après son intervention qu’elle jugeait pro-gaz de schiste lors du débat à l’Assemblée. Mais pour Jacques Sallibartant, il s’agit seulement de rétablir les faits et de défendre une profession « qui est indispensable aujourd’hui » et qui en France « a démontré son professionnalisme, son savoir faire et ses réussites avec pour preuve des milliers de puits forés dans les règles de l’art ». Dès l’annonce de l’examen en urgence de la proposition de loi des 124 députés de l'UMP, l’association s’est donc de nouveau fendue d’une lettre ouverte aux députés où elle « exprime une vive stupéfaction mêlée d’amertume » : « plutôt  que d’aboyer avec les loups vous feriez mieux de demander une modification des Règlements d’application du Code Minier visant à une meilleure répartition de la rente minière », écrit l'Amicale avant de demander à être reçue par la mission parlementaire. (voir document lié)

Au Québec, les associations d’industriels retravaillent leur communication

De l’autre côté de l’Atlantique, au Québec, où la mobilisation contre les gaz de schiste est également extrêmement forte (voir article lié) et où plusieurs rapports très critiques -dont ceux du bureau de l’environnement (BAPE) et du Commissaire au développement durable- ont conduit le gouvernement à décréter une évaluation environnementale mais sans le moratoire demandé par la majorité de la population (l’exploration reste permise mais sans la technique de la fracturation hydraulique qui sera seulement acceptée dans le cadre de l’étude), l’industrie, commence elle aussi à s’organiser pour faire entendre sa voix.

On a ainsi vu le président de Questerre Energy, une société d’exploration de pétrole, s’emporter assez vivement contre les médias sur son blog, créé pour défendre l’exploration et financer des réparations d’églises dans des villages concernés par les projets, ce qui n’a pas manqué d’attiser les critiques des opposants pour qui il s’agissait de faire taire la population... « Il faut savoir que cette industrie est nouvelle au Québec et travaille d’ordinaire dans des territoires bien moins peuplés que celui du Saint Laurent, ce qui rend l’acceptabilité sociale beaucoup moins problématique. Elle n’était pas préparée à une telle contestation menée, il faut aussi le rappeler, par des ONG qui sont rompues à cet exercice de mobilisation publique », souligne Bernard Motulsky, professeur de communication publique et sociale à l’UQAM, au Québec. Pourtant, selon le journal Le Devoir, quelque 55 lobbyistes de l’industrie pétrolière et gazière seraient à pied d’œuvre pour négocier le régime de redevance (qui leur est très favorable actuellement) et une éventuelle loi sur les hydrocarbures. Et ces derniers mois, l’industrie a refondu sa stratégie de communication.



En février dernier, l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), qui regroupe principalement les entreprises étrangères opérant sur le territoire québécois, s’est ainsi dotée d’un président de premier choix en la personne de Lucien Bouchard, ancien Premier ministre de la province et ex-ministre de l’environnement. Dans une interview au journal « La Presse », celui-ci a expliqué se voir comme « un conciliateur des intérêts privés et des intérêts publics (…) l’heure n’est plus à l’arrogance mais à la médiation. Je ne suis pas seulement le porte-parole de l’industrie ; mon rôle, c’est aussi de leur expliquer des choses à eux. Je leur dis que ça ne peut pas aller aussi vite qu’ils le voudraient, que ça ne peut pas se faire dans la précipitation. Il faut convaincre la population ». Après des gros ratés de communication, l’association parie désormais sur le ton pédagogique concernant les techniques employées tout en mettant en avant les avantages de cette exploitation pour le Québec, études à l’appui (voir site internet lié).

Depuis fin mars, une autre organisation de défense des intérêts industriels a également fait officiellement son apparition. Le « Mouvement d’appui aux gaz de shale » (MAGS) officie informellement depuis un an et réunit une trentaine de membres, essentiellement parmi les fournisseurs de cette industrie, ainsi que plus de 200 particuliers qui soutiennent la cause. L’association affirme elle aussi vouloir faire œuvre de transparence et se déclare en faveur des études environnementales qui vont être menées dans les prochains mois. « Nous sommes bien connus des populations riveraines des projets et nous nous attachons à leur montrer les chantiers pour qu’ils comprennent bien de quoi il s’agit et démystifier la technologie employée », explique son porte-parole, Mario Levesque, qui possède une entreprise d’acquisition de droits de passages sur les sites d’explorations gazières. Pour mieux faire accepter ses projets, elle souhaite aussi travailler en partenariat avec les universités comme celle du Québec à Trois rivières, qui réfléchirait notamment à la formation d’étudiants aux métiers du gaz de schiste, selon le magazine du site de recrutement Joobom.

Au Québec comme en France, si l'exploration est pour l'instant ralentie, il semble en tous cas que les gaz de schiste restent une option et que les industries pétrolières et gazières peuvent encore faire valoir leurs arguments. Le 13 avril, le Premier ministre français déclarait en effet aux députés qu'il fallait « remettre tout à plat » et « annuler les permis » mais qu'il avait également décidé de « prolonger une mission de recherche scientifique sur les possibilités d'exploiter ces gisements avec d'autres technologies. (..)Il n'est pas question de sacrifier notre environnement mais il n'est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d'accéder à de nouvelles ressources énergétiques».

* Sur son site l’association se présente comme une organisation de petits producteurs indépendants de gaz et de pétrole mais elle est également liée aux grosses compagnies telles que BP, Halliburton, etc ainsi qu’à l’Independant petroleum association of America et l’American Petroleum Institute. Ses arguments contre le film Gasland ont à leur tour été réfutés par le réalisateur Josh Fox dans un document de 40 pages (à lire ci-dessous).

Actualisation. Le 15 avril, dans un entretien aux Echos, le PDG de GDF Suez déclarait que la décision gouvernementale d'interdire l'exploitation des gaz de schiste et d'annuler les permis était « surprenante ». « La France a décidé de tourner la page des gaz de schiste avant même de l'avoir ouverte. (...) La France gèle les prix du gaz d'un côté et de l'autre refuse de produire des gaz de schiste. Je rappelle que si le gaz naturel n'est pas cher aux Etats-Unis, c'est grâce aux gaz non conventionnels.»

Béatrice Héraud
Mis en ligne le : 15/04/2011
© 2009 Novethic - Tous droits réservés 



LES OPPOSANTS RESTENT VIGILANTS

Pour FNE, le dépôt de 4 propositions de lois destinées à interdire l'exploration et l'exploitation par la fracturation hydraulique et l’adoption d’une procédure d’urgence pour celle de l’UMP est une « victoire de la mobilisation citoyenne ». Le combat de l’association, qui s’estime « rassurée mais vigilante » n’est cependant pas terminé : «  Il est essentiel qu'une telle absence de toute information, de concertation et de considération à l'égard des citoyens comme des élus  ne puisse se reproduire. L'exigence d'une enquête publique et d'une étude d'impact avant tout octroi de permis de recherche, exigence prévue dans les mêmes termes dans les 4 propositions de lois, doit aussi être votée », précise ainsi Bruno Genty, le président de FNE. Par ailleurs, la coordination nationale des collectifs contre la  prospection et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste appelle à 3 jours de « mobilisation sur tous les territoires concernés » les 15,16 et 17 avril. « Le gouvernement français a été contraint de reculer par la mobilisation de la grande majorité des habitants et des élus de ces territoires : il a suggéré aux industriels une pause pour tenter de calmer le jeu et confié une mission chargée d’« expertiser» l’impact de cette nouvelle fuite en avant industrielle au Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, dont la composition laisse prévoir qu’il abondera dans le sens des prospecteurs à quelques détails près. Nous ne sommes pas dupes des manœuvres de retardement de ceux qui ont procédé à un véritable coup de force en accordant des permis sans aucune information ni débat», explique le collectif de l'Aveyron dans un communiqué.




Gaz de schiste : « On se pliera à ce que décidera le gouvernement »

Alors que l'exploration des gaz de schiste devrait être sérieusement freinée par l'examen en urgence de la proposition de loi de 124 députés de l'UMP visant à interdire l'exploitation du gaz de schiste et l'annulation des permis accordés par l'Etat, réaction de Bruno Courme, le directeur général Europe des gaz de schiste de Total.Que pensez vous des dernières décisions gouvernementales : d’abord un moratoire sur les forages jusqu’en juin et maintenant l’examen en urgence d’une proposition de loi demandant l’annulation des permis déjà attribués ?

Bruno Courme : en fait, le moratoire avait pour nous relativement peu d’impact car nous n’avions pas prévu de réaliser des travaux ni de demander l’autorisation d’en faire dans le laps de temps indiqué. Nous en avions pris acte et globalement nous pensons que c’est une bonne chose que le gouvernement reprenne la main sur cette question. Concernant la proposition de loi, ce n’est pas à une compagnie pétrolière de se prononcer sur les décisions gouvernementales.  Ce que l’on peut dire, c’est que la présidentielle étant dans un an, il y a énormément de pressions de part et d’autre…Il est donc difficile d’établir un pronostic sur ce qu’il adviendra. On ne peut pas dire que cela nous facilite le travail, mais ce sont des choses qui arrivent dans notre métier et l’on se pliera à ce que décidera le gouvernement. 
Par ailleurs, nous voyons très positivement les travaux de la commission interministérielle et de la mission parlementaire auxquelles nous collaborons. Cela nous donne une opportunité de nous exprimer alors que nous ne sommes pas très audibles sur le sujet…

Mais vous comprenez les inquiétudes des élus, riverains, militants qui craignent de voir leur environnement se dégrader avec cette exploitation ? Allez-vous à leur rencontre ?  

Bruno Courme. Les questions sont entièrement justifiées, même si je pense que les motivations ne sont pas uniquement environnementales et servent les intérêts politiques de certains. Mais nous avons l’intention de répondre aux interrogations le plus complètement possible. Il faut simplement que l’on nous laisse la parole pour expliquer nos techniques et que l’on puisse explorer pour savoir s’il existe bien un sujet. 
Pour le moment, nous avons vu des préfets, des élus et de responsables de la DREAL ou encore les personnes qui sollicitent des avis techniques, comme les universitaires. Mais rencontrer les maires serait aujourd’hui perçu comme une provocation. Cependant, il faut bien comprendre que nous sommes très très en amont de l’exploration et que, normalement, nous contactons les populations dès lors que nous savons où nous allons implanter un puits. Or, nous en sommes encore loin aujourd’hui, car notre permis couvre une surface énorme, de plus de 4000 km2. Les gens ont l’impression, à tort, que les choses se sont faites de façon cachée alors que nous avons l’habitude d’organiser des consultations publiques pour nos projets, d’impliquer les gens localement, comme pour notre projet de stockage de CO2 à La Rousse.

Vous êtes le directeur des gaz de schiste pour l’Europe. Comment cela se passe-t-il ailleurs ?

Bruno Courme. Au Danemark, où nous sommes également en phase d’étude, la situation est très différente. Sans doute, en partie, parce que le pays produit des hydrocarbures depuis longtemps. Le gouvernement voit le bénéfice de cette production, que ce soit en termes de budget ou de ressource énergétique, car leur production décline. Localement, il y aura certainement le même besoin d’explication pour les populations, mais il semble que le mouvement d’opposition ne sera pas aussi fort qu’en France. Dans le reste de l’Europe, certains pays sont très favorables à cette exploitation, comme la Pologne – qui présidera bientôt l’Union européenne- qui y voit une alternative à sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie et qui accepte mieux la notion de risque industriel. Aux Pays Bas, le conseil de l’énergie s’est également prononcé en faveur de l’exploration. Quand à la Grande Bretagne, elle a permis le forage tout en disant qu’elle regarderait les choses de près. 


propos recueillis par Béatrice Héraud
Mis en ligne le : 14/04/2011
© 2009 Novethic - Tous droits réservés 


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