Interdiction des falaises de Rougon, Qu'en dit la justice ?

Affaire Rougon-I, le jugement de janvier 2001 (TA de Marseille)

Résumé : l'arrêté municipal du 31 juillet 2000 qui interdisait l'escalade sur le domaine privé de la commune de Rougon (04, gorges du Verdon) est annulé par le tribunal administratif de Marseille en date du 6 février 2001.

Outre la protection des droits d'escalader dans une partie du Verdon, cet arrêté montre qu'un maire ne peut pas invoquer l'article 544 du Code civil (le droit de propriété) pour interdire de facto la pratique d'une activité de plein air.



Le tribunal administratif de Marseille (audience du 23 janvier 200l), [...]

Sur la compétence

Considérant que le contentieux touchant à la gestion du domaine privé des communes relève, en règle générale de la compétence des juridictions judiciaires; que, toutefois, dans le cas de l'espèce, l'arrêté du maire de Rougon interdisant pendant toute l'année la pratique de l'escalade et du «base-jump» sur le domaine privé de la commune de Rougon a été édicté non pour la gestion ou la protection du domaine privé de la commune, mais, aux termes non contestés des déclarations du maire de ]a commune au journal Libération, en vue de réglementer la circulation et la fréquentation du public et en vue de diminuer 1es risques d'engagement de la responsabilité de la commune ou de son maire; qu'ainsi ledit arrêté a, par son objet et son extension dans le temps et dans l'espace, le caractère d'une mesure réglementaire de police administrative; que, dès lors, la juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions tendant à l'annulation et au sursis à exécution de cet arrêté;

Sur la recevabilité des requêtes présentées par les associations requérantes

Considérant qu'il ressort des statuts des six associations requérantes qu'elles ont toutes pour objet l'exercice de l'escalade et des disciplines sportives liées à la montagne, dans le grand canyon du Verdon pour l'association Lei Lagramusas et dans un territoire géographique non défini pour les autres associations, et donc notamment dans le canyon du Verdon qui est un site de renommée internationale fréquenté par les sportifs de toutes régions; qu'il ressort aussi des pièces du dossier que ces associations organisent par elles-mêmes et souvent avec l'appui des pouvoirs publics des activités et des compétitions liées à la montagne dans le canyon du Verdon.
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les présidents des associations requérantes sont habilités à ester en justice par les organismes compétents desdites associations.
Considérant que, par suite, les associations requérantes ont intérêt et qualité à agir contre l'arrêté du maire de Rougon.

Sur les conclusions d'excès de pouvoir

Considérant, comme il a été dit ci-dessus, que l'arrêté attaqué du maire de Rougon a le caractère d'une mesure réglementaire de police administrative; que ladite mesure, qui s'applique de fait et malgré son imprécision, à des sites d'escalade fréquentés et connus, constitue une interdiction trop générale et absolue qui est disproportionnée aux buts poursuivis et dont la nécessité ne ressort pas des pièces du dossier; que dès lors les associations requérantes et le Préfet des Alpes de Haute-Provence sont fondés à en demander l'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation

Considérant qu'il est constant que les conclusions exposées par la FFME, la FCAF, le CAF Île-de-France, le CAF Marseille-Provence, le CAF Cannes-Côte-d'Azur et l'association Lei Lagramusas n'ont pas fait l'objet d'une réclamation préalable; qu'en application de l'article R421-1 du code de justice administrative: « la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision... »; que, par suite, et comme le soutient la commune de Rougon dans ses mémoires en défense, lesdites conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; [...]

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Rougon à payer à chacune des associations suivantes: FFME, FCAF, le CAF Île-de-France, le CAF Marseille-Provence, le CAF Cannes-Côte-d'Azur, Association Lei Lagramusas, une somme de 6000 francs au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens;

Décide

  • Article 1 : L'arrêté du maire de Rougon nº68 du 31 juillet 2000 est annulé.
  • Article 2 : Les conclusions des associations requérantes tendant à l'allocation de dommages et intérêts sont rejetées.
  • Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes [...] tendant au sursis à exécution de l'arrêté attaqué.
  • Article 4 : La commune de Rougon est condamnée à verser 5000 F au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative à chacune des associations suivantes: FFME, FCAF, CAF Île-de-France, CAF Marseille Provence, CAF Cannes-Côte-d'Azur, Association Lei Lagramusas.
  • Article 5 : Les conclusions de la commune de Rougon tendant à la condamnation des associations requérantes et de l'État au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Le Maire de Rougon fait appel !

Le FFME a appris en semptembre 2001, par un courrier du Tribunal administratif, que le maire avait fait appel de ce jugement en avril 2001.

Affaire à suivre. Heureusement, cet appel n'est pas suspensif. On peut donc continuer à grimper sur le territoire de Rougon jusqu'au jugement en appel.



Affaire Rougon-II, la délibération du 29 juin 2002

Délibération du conseil municipal de Rougon

Séance du 29 juin 2002. 7 présents et une procuration, sous la présidence de Monsieur Jean-Pierre CLAIR, Maire.

Objet : Interdiction de la pratique de l'escalade et du base-iump sar certaines parcelles du domaine privé de la Commune

Monsieur le Maire dit :

« L'association Vautours en Haute Provence et la Ligue pour la Protection des Oiseaux ont initié depuis 1996, en collaboration avec la Commune, une opération de réintroduction dans son milieu naturel du vautour fauve.

Pour ce faire, une volière d'adaptation a été construite dans laquelle des oiseaux provenant de centre de soins sont acclimatés et, depuis l'automne 1999, il est procédé à des lâchers réguliers.

Ces oiseaux nicheurs de falaises représentent pour l'avenir économique de la Commune une opportunité certaine et il convient donc de tout mettre en œuvre pour assurer leur implantation pérenne sur le territoire communal.

Début mai 2002, les deux premières naissances en liberté se sont produites, lesquelles ont eu lieu en falaise sur une parcelle relevant du domaine privé communal.

La pratique de certains sports, comme l'escalade et le base-jump, étant de nature à perturber l'implantation des vautours fauves sur la Commune, il convient donc, dans un souci de bonne gestion du domaine privé communal, d'en interdire la pratique sur certaines parcelles sachant de plus que de nombreux escaladeurs ont déjà fortement équipé les falaises situées sur le domaine privé communal sans qu'aucune autorisation n'ait jamais été demandée en Mairie.

Enfin, la Commune limitrophe de LA PALUD possède, de l'avis même des ouvrages-guides d'escalade, plus de 1000 voies, ce qui permet de pratiquer ce sport aisément. Il conviendra de noter que les dits guides, qui sont une opération commerciale, citent sans vergogne les voies situées sur le domaine privé communal de ROUGON sans autorisation aucune.

Je vous propose donc, dans le cadre d'une gestion en bon père de famille, de ne pas autoriser, sauf bien sûr cas d'extrême urgence et nécessité d'intervenir, la pratique de l'escalade et du base-jump sur les parcelles suivantes faisant partie du domaine privé communal :

Section B, nº89 : parcelles 97, 158, 168, 323, 431, 661, 1190.
Section C, nº12 : parcelles 98, 269, 270. »

Le Conseil Municipal, après en avoir délibéré, adopte à l'unanimité les propositions ci-dessus. Ainsi fait et délibéré les jour, mois et an que dessus. Au Registre sont les signatures. Pour copie conforme, en mairie le ler juillet 2002.

Commentaires

L'arrêté d'interdiction de l'escalade du 31 juillet 2000 a été annulé car, bien que traitant du domaine privé de la commune, il avait le caractère d'une interdiction générale et absolue, disproportionnée avec les buts recherchés.

Le maire de Rougon contourne cette objection en n'appliquant cette interdiction qu'à un nombre « limité » de parcelles. Mais, comme par hasard, cette liste limitée contient... toutes les falaises où se pratique ou peur se pratiquer l'escalade.

Sur l'effet de cette délibération

Certains services communaux et préfectoraux, interrogés par diverses personnes, disent qu'une telle délibération a la même valeur qu'un arrêté de Police Municipale.

Toutefois, d'autres sources (divers responsables de services municipaux ayant consulté attentivement le Code Général des Collectivités Territoriales, ou des membres compétents de forces de l'ordre - non cités pour obligations de réserve) disent que la Police ou la Gendarmerie ne peuvent verbaliser que selon un arrêté municipal formel et qu'une telle interdiction par délibération a à peu près la même valeur qu'une interdiction prononcée par un particulier en ce qui concerne l'accès à ses terres.

En conséquence (et jusqu'à preuve du contraire) enfreindre une telle délibération ne constitue pas en Droit français une infraction à caractère pénal, puisqu'en Droit français il n'existe pas de délit de violation de propriété.

Les grimpeurs qui grimperaient sur le territoire de Rougon ne risqueraient donc pas de procès-verbal mais, en revanche, le maire de Rougon pourrait faire appel aux forces de l'ordre pour faire déguerpir les intrus, de la même manière que la police fait évacuer les squatters des immeubles inoccupés ou les gens du voyage qui occupent indûment un terrain, agricole ou en friche. Dans ce dernier cas, le refus d'obtempérer deviendrait un délit.

En outre, le maire de Rougon pourrait fort bien traîner ces intrus devant un tribunal civil, non pas pour leur faire payer des amendes, mais pour en obtenir des dommages et intérêts qui pourraient être bien plus onéreux que de simples contravention.

La réaction des fédérations

La délibération ayant été publiée (affichage en mairie de Rougon) le 1er juillet 2002, le délai de recours expirait le 1erseptembre 2002. Comme les gripeurs locaux ne vont pas tous les jours voir le pannau d'affichage municipal de Rougon, excentré des lieux d'escalade, la délibération n'a été connue qu'à la mi-août, époque où les pricipaux décideurs fédéraux étaient en vacances, donc injoignables...

Un recours va néanmoins être tenté par la FFME, la FCAF et des clubs locaux par le biais d'une demande officielle d'annulation ou de modification de la délibération. Sachant que la maire de Rougon a fait savoir lors d'intervieuws à la presse que lui et ses administrés souhaitaient ne pas voir de grimpeurs sur le territoire de la commune, le réponse est connue d'avance. Mais l'avantage de ce recours; même sans réponse, est de faire repartir le délai de recours - non pas contre la délibération passée, mais contre le refus de revoir la délibération - d'une durée de deux mois.

L'aspect politique de l'interdiction

Dès qu'il s'agit de Vautours, le maire de Rougon cite la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) de la région PACA. Cependant, nous ne savons pas si le motif profond de cette interdiction vient de la LPO-PACA qui y pousserait la municipalité de Rougon, ou si ce sont les habitants de Rougon (85 habitants donct 35 chasseurs selon nos informations) qui utilisent les Vautours et la LPO comme prétexte à une exclusion des non-résidents dans la commune.

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